Nos coups de coeur

Septembre absolu – Journal 2011

Septembre absolu – Journal 2011
  • Auteur : Renaud Camus
  • Editeur : Fayard
  • Année : 2012
  • Nombre de pages : 638
  • Prix : 33,50 €

Il n’est guère dans nos habitudes de procéder à des citations. Imagine-t-on un critique d’art qui, de manière habituelle, ornerait son commentaire d’extraits visuels du tableau, de la sculpture dont il traite ? La vie est courte, et parler des autres ne vaut que dans la mesure où ceux-ci, pour le moins, font allusion à vous, enfin, à vos goûts, vos idées, voire à vos obsessions. Le journal, ensemble intime et impudique que l’écrivain Renaud Camus tient et publie grâce à la Librairie Arthème Fayard (Arthème… On aime, cela sonne bien et, pour Camus, métallique, du genre sonnant et trébuchant), regorge de notations bienvenues, particulièrement en notre époque barbare.

Ainsi fustige-t-il la manie de coller un public (qui plus est à la mine à la fois inerte et béate) à la moindre émission de télévision en plateau. Société du spectacle, allergie à l’huis-clos, application à toutes entreprises d’une prétendue transparence, travers à rattacher aux bonus des dvd, censés nous dévoiler les dessous d’un tournage. Mais, le grand ennemi pour ainsi dire héréditaire de Camus, sa perfide albion, n’est autre que notre langage, ce traître à la langue, dont l’auteur se plaît à relever les trahisons à tous les coins de rue et sur bien des ondes. Celles de France Culture sont dans son collimateur, à plus forte raison lorsque c’est la bave du normalien qui atteint le beau langage. Coin pour coin, disons que c’est à tous les coins de pages qu’on dégote dans ce Journal 2011 des jugements de valeur frappés au coin d’un sens – le sens platonicien et très chrétien du Vrai, du Beau et du Bien qui sont en l’occurrence tout un – probablement toujours aussi répandu dans le tréfonds des consciences, mais dont on n’ose plus faire part. Il n’est jusqu’à la trouvaille du néologisme nocence, pour qualifier ces nouveaux barbares heureux et fiers de l’être, qui ne soit d’une profonde justesse puisqu’il vise à faire ressortir l’innocence naturelle et culturelle de ceux qu’ils persécutent de leur mauvais goût. De mauvais goût, Renaud Camus n’en a qu’un. Mais de cette complaisance envers lui, il lui sera beaucoup pardonné : ne parvient-il pas, presque à son insu, à nous le transformer en péchés mignon(s) ?

Elle tardait à accoucher. Voici la citation : « L’homme de l’antiracisme est éternellement remplaçable. Et c’est en cela que l’antiracisme n’est compatible ni avec la morale, ni avec la culture. Juger l’homme remplaçable, faire en sorte qu’il le soit, c’est le dépouiller de son humanité la plus essentielle (…). Et pour s’assurer que l’origine, la civilisation, la race, l’appartenance native, ne viennent pas faire obstacle à cette substitution, à cette interchangeabilité des individus, à ce Grand Remplacement, il n’y a d’autre moyen que la déculturation. Pour rendre l’homme substituable, échangeable, remplaçable à merci, la première exigence est de le déculturer, de faire en sorte que rien ne le distingue de ses compagnons d’espèce et de planète, de le dédiscriminer (…). »

Notre ambition, qui se confond ici avec le devoir moral, ne devrait-elle pas de pouvoir se dire à tous les sens du terme irremplaçable 

Bel ouvrage donc, dont la vérité s’inaugure dès la couverture toute d’une noir et blanc beauté qu’arpente un gentleman presque farmer en majesté (du Lion).

Hubert de Champris


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