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Le Christianisme au défi des nouvelles religiosités

Le Christianisme au défi des nouvelles religiosités
  • Auteur : Joseph-Marie Verlinde, Presses de la Renaissance, 2002, 12,35 €
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Jacques Verlinde était chercheur en chimie nucléaire avant de partir en Inde en 1968 pour y pratiquer la méditation transcendantale. Durant 4 années, il approfondira cette technique avant de faire une rencontre décisive avec Jésus.

De retour en Europe, il pensa trouver une réponse à sa quête spirituelle dans les écoles ésotériques, voie finalement sans issue. Entré au séminaire, il est ordonné prêtre en 1983. Il enseigne aujourd'hui la philosophie de la nature à la faculté de philosophie de l'Université Catholique de Lyon. En 1991, sous le nom de Joseph-Marie, il s'engage définitivement au sein de la Fraternité Monastique de la Famille de Saint-Joseph dont il est le prieur. Connaissant parfaitement bien le domaine des traditions spirituelles naturalistes et ésotérique, il fut chargé en 2002 d'animer les conférences de Carême de Notre-Dame. Le texte de ces conférences est repris dans cet ouvrage passionnant dont le seul but est d'affirmer les différences inconciliables entre le christianisme et les "nouvelles religiosités" et de mettre en garde les chrétiens contre les séductions de ces dernières .

 

Remettant en perspective avec beaucoup de clarté et de discernement la "fusion" des mouvements gnostiques et naturalistes, le Père Verlinde souligne que le mouvement de sécularisation qui s'en est pris au Dieu biblique a aussi engendré la diffusion des traditions naturalistes que l'on a vu fleurir avec abondance dans le dernier quart du XXème siècle jusqu'au New Age. Dans ces doctrines, la soif de transcendance, intacte chez l'homme contemporain, bute sur l'altérité de Dieu, de ce Créateur qui, à travers l'Incarnation nous pose la question : "Pour toi, qui suis-je ?". L'homme élude cette question en transformant la religion - au sens latin de religere (relier) - en transgression de la distance. Les philosophies dites naturalistes s'approprient en effet autrui pour le réduire à soi et l'engloutir dans une contemplation narcissique. "L'adepte, nous rappelle l'auteur, est invité à plonger en deçà de sa conscience personnelle, à régresser en amont de toutes ses particularités individuelles, pour se résorber dans l'acte commun où s'évanouit toute dualité, et par le fait même de toute altérité, toute possibilité de relation interpersonnelle et donc de l'amour". Le Tout est dans tout et finalement ne mène à rien. L'homme contemporain occidental ressemble dès lors de plus en plus à ce singe qui ne voit pas, n'écoute pas et ne parle pas... mais communique, ou croit le faire. L'impasse est grande mais logique. L'abaissement et l'effacement de Dieu entraîne corrélativement celui de l'homme, comme l'affirmait le Cardinal de Lubac : "l'homme n'est lui-même que parce que sa face est illuminée d'un rayon divin. Dieu n'est pas seulement pour l'homme une norme qui s'impose à lui et qui, en le dirigeant, le redresse : il est l'Absolu qui le fonde, il est l'Aimant qui l'attire, il est l'Au-delà qui le suscite, il est l'Eternel qui lui fournit le seul climat où il respire, il est en quelque sorte cette troisième dimension où l'homme trouve sa profondeur. Si l'homme se fait son propre Dieu, il peut nourrir quelque temps l'illusion qu'il s'élève et qu'il s'affranchit. Exaltation passagère ! En réalité, c'et Dieu qu'il abaisse et lui-même ne tarde pas à s'en trouver abaisser".

 

Dès lors, pour retrouver la face de la divinité, les expériences se multiplient, flirtant sans vergogne avec des domaines où la prudence s'imposerait (spiritisme, chamanisme). On tend non seulement vers ce supermarché du religieux dénoncé par certains mais également vers l'autosuffisance spirituelle : "La monade (ésotérique) se suffit parfaitement à elle-même; étant divine par nature, elle ne saurait rien recevoir et rien devoir à personne". La doctrine ésotérique est séduisante à double titre car d'une part, elle semble donner des pouvoirs pour maîtriser le monde invisible et d'autre part, elle est fondée sur l'effort pour atteindre un but, en accord avec les logiques productivistes occidentales. Ceci expliquerait notamment l'engouement pour la doctrine de la réincarnation, misant " sur l'effort de vies successives pour atteindre la béatitude de la vision alors que la vie chrétienne repose sur la grâce du Seigneur qui s'abaisse et va chercher l'homme". La notion d'expérience est pourtant étrangère à la Bible car, souligne l'auteur, "La qualité de ma vie spirituelle ne se résume pas à l'intensité de mes expériences, mais à la maturité de ma foi, c'est à dire à la fidélité de mon appartenance au Christ". Dieu échappe à l'expérience. Loin d'être une conquête vers Dieu, le christianisme est une attente du Dieu qui s'approche, attente que réfute catégoriquement les doctrines du New Age, dans cette intolérance caractéristique qui rejette d'emblée la Révélation pour prôner la confusion des forces de la Nature avec les énergies divines incréées.

 

Pourtant, le message fondamentalement joyeux et paisible de l'Evangile doit être porté par un christianisme qui s'affirme comme la seule espérance valable de l'homme. Un effort d'évangélisation doit être fait. Marchant dans les traces de Saint Irénée, Le Père VERLINDE s'emporte : " l'engouement durable pour le spiritisme n'est-il pas dû avant tout à l'absence – ou du moins à l'excessive discrétion – de notre témoignage au sujet de la joyeuse espérance que procure la Bonne Nouvelle ? Vivons-nous vraiment comme des ressuscités affranchis de la peur de la mort qui nous gardait captive, tendus vers la plénitude qui nous attend au-delà du voile qui se déchirera au moment du grand passage ?" A priori non si l'on en croit le misérabilisme consensuel de prêcheurs dominicaux à qui le discernement manquerait parfois.

 

La seule lecture de cet ouvrage nous renvoie à notre propre foi et à cette question, finalement fondamentale, de Jésus-Christ : "Pour toi, qui suis-je ?". A nous de faire en sorte de ne pas répondre comme ces pharisiens lorsque le miraculé de la piscine de Siloé vient les voir : "Nous ne savons pas qui il est".

 

Laurent Mabire

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