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Joseph Ratzinger,Le Sel de la terre,Flammarion, 1997, 278 p., 18,83 €

Joseph Ratzinger,Le Sel de la terre,Flammarion, 1997, 278 p., 18,83 €
  • Auteur : Joseph Ratzinger
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Le Sel de la terre

Le christianisme et l'Église catholique au seuil du troisième millénaire

Entretiens avec Peter Seewald

 

Lu par Hélène Bodenez pour Libertépolitique.com

 

 

 

TROIS CENT TRENTE SEPT questions de journaliste pourraient-elles dresser un état des lieux honnête de l'Église catholique à l'aube du troisième millénaire ? Après être sorti de l'Église, d'une Église en déclin, dit-on, pourrait-on encore avoir envie de la redécouvrir et d'y entrer de nouveau ? Et si Dieu existait vraiment ? L'Église peut-elle toujours le rendre visible? Autant de questions que Peter Seewald, journaliste allemand, a posées au cardinal Ratzinger ouvrant par là même un vaste dialogue avec un homme "quelque peu platonicien".

 

 

Ces libres entretiens sont réunis et publiés en un livre au titre qui sonne comme un rappel : Le Sel de la terre. En plein cœur de la préparation du grand jubilé de l'an 2000, sur fond de Nouvelle Évangélisation, un journaliste free-lance interroge avec audace, sans concession aucune, mais avec respect, l'un des maîtres de la Foi. Que la liberté de ton et de forme n'abuse personne. Nous avons là un document de première importance.

 

Collaborateur de la vérité

Après une brève entrée en matière, La foi catholique : signes et paroles où le cardinal pose la nécessité de l'Église, parce qu'elle "trouve la bonne façon d'être homme", Peter Seewald invite dans le premier chapitre Eléments biographiques son illustre interlocuteur à se présenter. L'on apprend que le futur prélat de l'Église naît dans une modeste famille bavaroise, pieuse, unie autour de parents aimants, que le jeune professeur de théologie aime saint Augustin et saint Bonaventure mais aussi Mozart dont "la musique lumineuse contient pourtant tout le tragique de l'humanité".

 

Homme de poids lors du concile Vatican II, il se rend célèbre par un discours mémorable lorsqu'il prône une nécessaire réforme des méthodes du Saint-Office. Nommé archevêque de Munich par Paul VI en 1977, il passe pour progressiste, mais son amour de la vérité, — n'a-t-il pas comme devise de cardinal "Collaborateur de la vérité" —, le place au-dessus de toute catégorie simplificatrice. Devenu en 1981 préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, il insiste constamment sur la noblesse de la théologie. Comme le veut sa nouvelle fonction, celle de "promouvoir la saine doctrine, de veiller à corriger les erreurs, de ramener les égarés sur le droit chemin", il apparaît comme l'homme providentiel pour mener à bien le grand chantier de l'élaboration du Catéchisme de l'Église catholique.

 

Le leitmotiv de la critique

 

Le deuxième chapitre brosse un tableau assez sombre de l'Église. Toutes les questions actuelles sont évidemment posées, celles que l'on nomme les "leitmotive de la critique". Sont particulièrement mis en lumière non pas les "problèmes de l'Église" mais les problèmes des humains qui forment l'Église, elle, sainte. Le journaliste passe alors en revue quelles pourraient être les révisions de l'Église sur les sujets brûlants comme l'infaillibilité du pape, le célibat des prêtres, la contraception, l'avortement, les divorcés remariés, l'ordination des femmes. Et le journaliste de voir là, à n'en pas douter, les raisons du déclin d'une Église qui ne veut pas bouger. Mais Mgr Ratzinger de rappeler, avec autorité, que ces questions "ne sont pas les vraies questions de l'être humain", que "la finalité du christianisme est la vie éternelle et non pas le moyen de s'intégrer à un groupe où l'on peut exercer un pouvoir".

 

Certes, le Cardinal ne refuse pas les questions, n'esquive pas le débat et l'on pourra lire avec intérêt les réponses développées qu'il donne à ces questions difficiles et douloureuses. Elles occupent une longue partie des entretiens. Il se plie donc volontiers à l'exercice des questions et des réponses. L'avant-propos précise d'ailleurs qu'aucune question n'a été présentée à l'avance et que rien par la suite n'a été retranché ni ôté. Tout était, de fait, important. Mais, dans ces "leitmotive de la critique" n'est pas l'essentiel : "Nous léchons nos blessures, nous voulons nous construire une belle Église et c'est tout juste si nous voyons encore que l'Eglise n'est pas là pour elle-même mais que nous sommes les dépositaires d'une parole qui a quelque chose à dire au monde, qui devrait être entendu, qui pourrait donner quelque chose".

 

Faire mémoire

 

Si donc ce ne sont pas les vraies questions, l'on se presse d'aborder le troisième chapitre intitulé "Au seuil d'une nouvelle ère". Il y est question de finalité et donc de fin, d'espérance aussi. Parler de l'avenir de l'Église c'est déjà croire qu'elle en a un. Reprenant la lettre apostolique du pape Jean-Paul II Tertio millennio adveniente, de 1994 déjà, Mgr Ratzinger réaffirme selon les Écritures et la tradition, que "l'Église est entrée dans la plénitude des temps", "dans la fin des temps et qu'avec le Christ, l'Histoire entre dans sa phase définitive".

 

Il ne s'agit pas de voir l'an 2000 de manière "magique" et croire "automatiquement" que le christ reviendra en l'an 2000, mais de "se souvenir" et de faire "mémoire". Marcher vers l'an 2000, vers le jubilé, c'est marcher vers "un pardon universel". Rappelant l'importance centrale du peuple juif, le dernier chapitre de ces entretiens a des accents prophétiques et revêt une importance considérable pour le chrétien qui cherche à lire "les signes des temps", à voir une lumière dans la nuit. Autre lumière sur la route : la Parole de Dieu. Le cardinal invite le peuple de Dieu, dans son cheminement jubilaire, à réapprendre à lire la Bible. "Elle est offerte précisément aux simples." Reprenant un mouvement né au sein de la théologie de la libération, il ose avancer que "le peuple est le véritable propriétaire de la Bible et donc son véritable exégète". "Loin de rendre la théologie superflue, elle la rendra nécessaire."

 

Sel de la terre et grain de sénevé

 

Par quatre fois le cardinal convoque la parabole du grain de sénevé que les synoptiques rapportent tous les trois. Alliée à l'image du sel de la terre, on comprend que ces figures conviennent parfaitement à une Église minoritaire. Face à un islam conquérant, le cardinal croit en "de nouvelles formes de vie monacales au milieu du monde" , "en de nouvelles âmes aimantes" , "aux saints qui seront les vrais réformateurs de l'Église".

 

Recevons donc comme un don ces entretiens et lisons jusqu'au bout ce livre capital qui rappelle avec force et exigence la foi catholique tout entière tournée vers "Celui qui tient le monde dans ses mains". "Je ne sais pas combien j'ai de lecteurs attentifs, combien de ces lecteurs ont une bonne mémoire" semble regretter au détour d'une question Mgr Ratzinger ! Comprenons donc l'urgence des temps, l'avertissement du Christ lui-même, d'être "le sel de la terre, car si le sel vient à s'affadir avec quoi le salera-t-on ? Il n'est plus bon à rien qu'à être jeté dehors et foulé aux pieds par les gens".

 

 

 

*Hélène Bodenez est professeur de lettres à Saint-Louis de Gonzague (Paris).

 

>À lire également, (et notamment) de Joseph Ratzinger :

 

Petite introduction au catéchisme de l'Église catholique, Cerf, 1995

Ma vie, Fayard, 1998

Un tournant pour l'Europe, Flammarion, 1999

L'Unique alliance de Dieu et le pluralisme des religions, Parole et Silence,1999.

La Fille de Sion, Considérations sur la foi mariale de l'Eglise, Parole et Silence, 2002.

Dieu nous est proche, l'Eucharistie au cœur de l'Eglise, Parole et Silence, 2003.

Faire route avec Dieu, Parole et Silence, 2003

Chemins vers Jésus, Parole et Silence, 2004


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