Touche pas à mon dimanche ! Un meeting offensif

Dans l’attente du rapport Bailly sur l’ouverture des commerces le dimanche… qui se fait attendre, un meeting organisé par la CFTC-Paris et le Collectif des amis du dimanche, ce lundi 18 novembre à la Bourse du travail, réunissait les acteurs les plus déterminés de la défense du repos dominical. Compte-rendu.

TOUTE REFLEXION sur la place du dimanche dans la vie sociale requiert une profondeur qui dépasse largement la question économique : le sujet est d’abord culturel, ont montré les intervenants, comme Antoine Renard, président des AFC, qui défend ce « temps suspendu » du dimanche comme un « droit de la famille ».

Depuis 2006 sur le front avec le Collectif des amis du dimanche, Jean Dionnot s’étonne que les socialistes, dans l’opposition en 2009 et vent debout alors pour défendre le repos dominical, soient prêts aujourd’hui à liquider cette « journée pour tous », et à liquider la synchronie du temps de repos hebdomadaire. Ce qui conduit Hélène Bodenez, représentante de Liberté Politique, à s’interroger : les socialistes seraient-ils prêts à abandonner la cause sociale, l’État acceptant étonnamment de s’effacer devant le marché ?

Si le repos dominical a été malmené, aboli même dans le passé mais toujours réinstitué, l’inédit de de la monétarisation des loisirs et la marchandisation des individus qui conduirait à la dérégulation du dimanche chômé aujourd’hui risquent bien de nous faire perdre un droit historique, noyau d’un ordre social, pour toujours, s’insurge-t-elle.

Un piège

Étienne Neuville (CAD), non sans humour, reproche de son côté les mensonges de la Loi Mallié qui avait prétendu créer des milliers d’emplois et moderniser la loi de 1906. Rien de cela ne s’est passé comme prévu : pas d’emplois créés. Pire, quatre ans après seulement, le gouvernement se voit, sous la pression des seules très grandes enseignes, acculé et obligé de « moderniser la modernisation » !

L’intervention choc de la soirée est venue de l’Irlandais Ciaran MacGuill qui apprend à un auditoire stupéfait que dans son pays, cela fait déjà dix-sept ans que la semaine comprend… deux samedis et pas de dimanche ! Ne pas se leurrer : le piège dans lequel est tombé l’Irlande, c’est le piège tendu aujourd’hui à la France, avertit le syndicaliste irlandais.

L’Allemand Tobias Teuscher en appelle quant à lui à ne jamais oublier que la véritable coupable c’est la Cour européenne de justice en 2006. « C’est le législateur européen qui a remis en question la valeur culturelle du dimanche pour tous les états membres. » Consciente de cette atteinte à la subsidiarité des États, la justice fédérale a fait preuve de sagesse en répondant à cette attaque de l’UE pour protéger le dimanche allemand : « Le dimanche libre matérialise les libertés publiques et les droits fondamentaux auxquels ont droit les citoyens ». Teuscher rappelle que l’Allemagne a constitutionnalisé depuis longtemps le repos dominical, l’encadrant comme « jour d’élévation spirituelle."

Être ou avoir

Pour l’avocat Vincent Lecourt,  la loi Mallié a légalisé l’injustice, notamment les PUCE. Le salut viendra peut-être de l’OIT, pense le juriste, car le dossier est loin d’être clos : « Le principe du repos hebdomadaire doit être constant, fixe, uniforme parce que le principe du repos dominical rythme notre société et nous permet “d’être” plutôt que ”d’avoir sans cesse”, de faire autre chose de notre vie que de travailler, d’avoir un temps pour le faire. »

« Un jour pour… »  Le slogan lancé pour le meeting s’affiche sur grand écran derrière Joseph Thouvenel qui conclut le meeting avec un discours musclé, interpellant le gouvernement sur « la force symbolique du dimanche » que ce dernier est prêt à sacrifier. Ce gouvernement qui se prépare à commémorer les soixante-dix ans du Conseil national de la Résistance tout en s’apprêtant à saborder dans une contradiction insensée la force symbolique du repos dominical qu’il avait confirmé ? « C’est la constitution issue du CNR qui réaffirme la prééminence du repos dominical sur les intérêts marchands … Notre dimanche, votre dimanche, c’est la supériorité de l’humain sur le matérialisme marchand et financier. »

Un discours qui fera date, salué d’applaudissements nourris. Les journalistes présents dans la salle ne s’y trompent pas : le dossier est plus profond qu’on veut bien le faire croire !

H.B.

 

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