Quelle mouche a donc piqué Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ? Demander au CNRS une enquête sur la présence de l’islamo-gauchisme à l’Université : quelle idée ! L’intention était pourtant louable : ainsi donc, il n’a pas échappé à cette représentante du gouvernement que l’enseignement supérieur était gangrené par une idéologie mortifère, l’islamisme, que l’on combat sur les plateaux de télévision, mais qui prospère grâce aux dotations de l’Etat dans les hauts-lieux où est censé s’élaborer le renouveau de la pensée française.

Elle connaît de nombreuses déclinaisons : relativisme culturel, études décoloniales, approches « racisées » des sciences, la liste est longue.

L’intention est louable, mais les moyens plus contestables. Demander au CNRS, le très prestigieux et renommé Centre National de la Recherche Scientifique, de se pencher sur les ravages de l’islamo-gauchisme dans la pensée et la recherche universitaire, c’est un peu comme demander à Marc Dutroux de s’associer à Michel Fourniret pour une enquête sur la protection de l’enfance. Le problème est en fait beaucoup plus large : l’université française n’est pas seulement gangrenée par l’islamo-gauchisme, elle l’est par le gauchisme tout court, et chaque année qui passe voit le phénomène s’aggraver.

La caste universitaire se défend. La Conférence des présidents d’université, la CPU, a fait part de sa « stupeur », et a dénoncé les « représentations caricaturales » et les « arguties de café du commerce » du gouvernement. Le CNRS a pour sa part répondu par un communiqué – anonyme – et dénoncé « l’instrumentalisation de la science ». Pour lui, l’affaire est entendue : l’islamo-gauchisme « n’est pas une réalité scientifique ».

Une telle assertion est stupéfiante. Affirmer sans sourciller que « l’islamo-gauchisme n’est pas une réalité scientifique » est en soi un non-sens scientifique, un grave problème épistémologique. L’objet des sciences, et a minima des sciences humaines, pourrait être résumé par l’adage de Térence : « rien de ce qui est humain ne m’est étranger ». Quand bien même ce ne serait qu’une opinion contestable, elle rentre a minima dans le champ de la sociologie, de l’histoire des mentalités ou des représentations politiques. Il n’y a donc rien de scandaleux dans la requête de Frédérique Vidal. Mais tout le microcosme sorbonicole a surenchéri : la décision du ministre procèderait d’une « remise en cause de la liberté académique ». Vous avez bien lu. Et ces leçons de morale universitaire sont adressées par ceux-là même qui, depuis des années, font tout pour bloquer l’avancement des maîtres de conférence et professeurs qui ne pensent pas comme eux, qui placent, par lâcheté ou connivence, les universités sous la coupe d’AG étudiantes et syndicales qui ne sont que des pantalonnades de démocratie, ou encore qui encouragent les travaux de recherche, par tombereaux entiers, sur des sujets aussi ineptes et creux que l’intersectionnalité ou l’indigénisme, avec un art consommé de créer des problèmes là où il n’y en a pas.

Ce serait comique si ce n’était pas si tragique. L’université française, et en particulier les sciences humaines, se meurt sous les coups du gauchisme qui stérilise la recherche et la pensée. Des chaires antiques et illustres, porteuses des plus belles traditions françaises en matière de dialogue des civilisations, rendent leur dernier soupir. Combien d’esprits brillants, de chercheurs curieux en ont fait les frais, ont émigré ou ont tout simplement jeté l’éponge ? Ce n’est pas nouveau : en 2005, déjà, Olivier Pétré-Grenouilleau était cloué au pilori pour son travail exceptionnel sur les traites négrières et son approche globale de l’esclavage. En revanche, les enquêtes pseudo-scientifiques pullulent et sont brandies comme preuves d’absolues vérités, quand il s’agit d’asseoir la légitimité des théories les plus délétères de la culture progressiste, comme l’homoparentalité ou le transsexualisme.

L’Université est passée maître dans l’art de créer des concepts fumeux mais là n’est pas la question : ils seront scientifiquement validés, se verront attribuer le statut convoité de projets de recherche financés si et seulement s’ils sont du bon côté. La « culture du viol », les gender studies, le racialisme, le décolonialisme, eux, peuvent accéder au rang de « réalité scientifique » car ils sont en adéquation avec l’agenda politique révolutionnaire de penseurs corrompus. En revanche, tenez-le vous pour dit : l’islamo-gauchisme n’existe pas. Nous pouvons leur faire confiance : ce sont principalement les gauchistes, et les islamistes, qui nous le soutiennent mordicus. Quelle preuve scientifique voulez-vous de plus ?

Constance Prazel