Dimanche, les électeurs se presseront dans les bureaux de vote, avec 1 m 50 de distance, les mains dûment désinfectées et le visage soigneusement couvert (mais si possible sans niqab) pour aller élire leur maire, s’ils n’ont pas eu la chance de pouvoir le faire du premier coup le 15 mars dernier. 

Le premier tour a été volé. Maintenu contre tout bon sens, en plein Covid, deux jours avant le début du confinement, il s’est illustré par un taux record d’abstention : plus de 55 %, soit 20 points de plus qu’en 2014. Plus de 500 maires ont même été élus avec un taux d’abstention supérieur à 70 %. A quelle légitimité démocratique peuvent-ils prétendre ?

Le deuxième tour sera-t-il lui aussi une mascarade ? L’abstention risque très certainement de battre de nouveaux records, entre ceux qui auront déjà rejoint leur résidence secondaire et se moquent bien d’aller voter, ceux qui, échaudés par l’expérience du premier tour, ne tiennent pas franchement à courir le risque de se faire contaminer dans des bureaux plus ou moins javellisés, ou ceux enfin qui estiment qu’après tout, l’offre étant ce qu’elle est, il ne sert pas à grand-chose d’aller voter. C’est ce mélange explosif qui risque d’aboutir à la réélection « triomphale » d’Anne Hidalgo à Paris, alors même que personne n’en veut sauf une poignée de bobos écolos, qui ne sauraient suffire à eux seuls à la porter à la mairie.

Dans ces conditions, le découragement peut guetter : nous sommes comme mithridatisés, nous en avons assez des prophéties et sondages auto-prédictifs qui alimentent une démocratie moribonde au fonctionnement plus aléatoire, mais nous baissons les bras. Il faut dire aussi que l’offre est bien souvent loin d’être stimulante : sans parler des alliances honteuses entre LR et LREM, à Bordeaux ou à Lyon, ou des connivences implicites comme à Versailles, que dire de la pitoyable situation de Carpentras, où se maintient contre un candidat d’union des droites un candidat LR, soutenu par le député Julien Aubert, le même qui, au niveau national, ne fait qu’appeler de ses vœux une union qu’il est incapable de soutenir sur le terrain ?

Comme une coïncidence, le deuxième tour des municipales se fait avec pour toile de fond la divulgation des premiers sondages pour 2022. Les instituts et les médias autorisés nous préparent sagement un 2e tour Macron – Le Pen, dont le pouvoir en place sait très bien qu’il est tout à son avantage… Quelle manière élégante de nous dire avec bien-pensance et suffisance : « Votez Macron ! » Pourtant, rien n’est jamais écrit, comme le rappelait très justement Eric Zemmour il y a quelques jours sur CNews : par le passé, les sondages des 2 ans avant les élections ne nous ont-ils pas promis les victoires d’Edouard Balladur (1993), Lionel Jospin (2002), Dominique Strauss-Kahn (2012), ou encore Alain Juppé (2017) ? Tant d’erreurs cumulées sont finalement extrêmement rassurantes… Cela prouve que les Français savent encore rester libres. Le défi est maintenant d’utiliser intelligemment cette liberté au service de la France, et non de se laisser enfermer dans un vote médiocre empreint d’une prudente et lâche respectabilité.

François Billot de Lochner