51, soit 50  + 1. Le seuil vient d’être franchi, comme le révèle un sondage IFOP paru il y a quelques jours : 51 % des Français ne croient plus en Dieu. Si Dieu n’est pas encore mort, il est du moins en train de s’effacer très sûrement de l’esprit et du cœur de nos concitoyens.

Evidemment, un tel chiffre, terrible, entre en résonance avec les propos et les gestes multipliés par le pape François tout au long des dernières semaines. La publication du motu proprio Traditionis Custodes en est le meilleur exemple. Dans sa volonté de restreindre la forme extraordinaire du rite romain à la discrétion des évêques, des situations tragiques s’installent, comme dans le diocèse du Havre, où l’évêque a tout bonnement interdit aux prêtres de la Fraternité Saint-Pierre, non seulement de prodiguer les sacrements et de dire la messe, mais aussi d’assurer le catéchisme. C’est la possibilité même de la mission qui disparaît ainsi pour nombre de prêtres, pourtant souvent jeunes et animés d’un zèle ardent. Si une partie non négligeable des forces vives de l’Eglise aujourd’hui se voit ainsi interdire de contribuer à la conversion et au salut des âmes, comment espérer, à plus ou moins brève échéance, inverser la tendance, et repasser sous la barre des 50 % de nos concitoyens qui peuvent croire que Dieu existe ?

Nous mentionnions le diocèse du Havre. Ce n’est pas totalement un hasard. Dans un livre d’entretien, La vérité sur Edouard Philippe, l’ancien Premier ministre et maire de cette ville, fait des déclarations pour le moins surprenantes. Il fait partie de ces 51 % de Français qui ne croient pas (plus) en rien. Pourtant, quelque chose de mystique sommeille au fond de son âme : il « aime aller dans les églises » et « aime le sacré », « parce que dans le cœur de l’humanité, [il croit] qu’il y a une notion d’absolu et d’éternité ». Mais depuis de trop nombreuses années, il estime que l’Eglise de France n’est plus en mesure d’étancher cette soif, faisant preuve de « désinvolture liturgique » et d’abus de la guitare…

En Slovaquie, le pape François a appelé les catholiques à ne pas être arc-boutés sur le passé. Le passé serait-il nécessairement mauvais, et le présent, et a fortiori l’avenir, radieux ? Pourquoi leur accorder, par principe, une prime de supériorité ? Sans porter aux nues le passé, il y aurait une forme d’humilité à reconnaître que le présent n’est pas « mieux ». Il n’y a pas si longtemps, dans ce passé que le pape récuse, le chiffre de 51 % d’incroyants était tout bonnement impensable. C’est donc bien qu’il s’est passé quelque chose, et qu’une rupture a eu lieu, excellement analysée dans ses ouvrages par l’historien Guillaume Cuchet.

Oui, il faut écouter ce que des gens comme Edouard Philippe, ou Michel Onfray, ou Michel Houellebecq ont à nous dire sur la perte du sacré, même si certains sont horripilés par leur avis circonstancié : de quoi se mêlent-ils puisqu’ils ne croient pas au Christ ? Certes, ils ne croient pas mais il ne faut pas pour autant piétiner le terreau de leur âme inquiète, qui un jour peut recueillir le bon grain. Oui, il y a des valeurs civilisationnelles derrière la foi chrétienne, que l’on peut aimer et aspirer à retrouver sans être pour autant croyant. En les fustigeant, trop de croyants « engagés » recommencent aujourd’hui la terrible erreur de l’excommunication de l’Action Française en 1926, prononcée par l’Eglise au motif que le maurrassisme instrumentalisait la foi. Les conséquences en furent très lourdes pour la droite française, et partant, pour notre pays, car cette condamnation envoya le signal que tout discours politique enraciné dans les valeurs de notre civilisation chrétienne était potentiellement suspect.

Qu’on nous permette de faire nôtre cette très belle conclusion glanée quelque part sur la toile : 100 % des Français sont aimés de Dieu, mais 51 % l’ont oublié. Mais ils sont certainement beaucoup plus de 49 % à aimer la France chrétienne : là est notre espérance.

Constance Prazel