Haro sur la polygamie ! Ballon d'essai ou juste indignation, Gérard Larcher, ministre délégué à l'Emploi, et Bernard Accoyer, président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, ont lancé un pavé dans la mare après la flambée de violence urbaine qui vient d'agiter les banlieues françaises : "Parmi les mineurs impliqués, disent-ils, il y a une surreprésentation d'enfants issus de familles polygames.

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Rappelons que malgré l'interdiction de la polygamie, passible d'un an d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende, le principe du regroupement familial oblige à compter environ 30.000 familles polygames en France, sur lesquelles les pouvoirs publics ferment soigneusement les yeux. Pourtant les questions soulevées par ce mode de vie sont nombreuses : promiscuité dans les logements, d'où les jeunes sortent pour rejoindre la rue faute d'espace, violences conjugales, mariages forcés, remise en cause de l'autorité maternelle à cause du statut inférieur accordé "de fait" aux femmes vis-à vis de leur "chef de famille", dilution de l'autorité parentale... Le Figaro fait même état d'une famille comptant 65 membres, et dont le père averti par un travailleur social d'un accident de l'un de ses enfants "ne voyait pas duquel il s'agissait".

La réponse politique aux évènements prévoit un renforcement du contrôle de l'immigration, et une plus grande exigence dans les critères d'intégration. Le gouvernement affirme fortement son opposition à la polygamie, le député Chantal Brunel (UMP, Seine-et-Marne) annonce que "l'on va pouvoir se recentrer sur nos valeurs".

Cependant quel modèle familial fort proposons-nous à des immigrés aux cultures si différentes pour les aider à s'intégrer ? Après des années de politique sociale sans vraie politique familiale autour de la question de l'immigration, quels repères familiaux gardons-nous et pouvons-nous partager ?

Le mariage civil est devenu un contrat parmi d'autres (PACS, concubins,...). Selon certaines études plus que discutables mais largement diffusées, les enfants pourraient grandir sans dommage avec "deux mamans" ou "deux papas", ou même... deux papas ET deux mamans dans les cas de "co-parentalité" où deux couples homosexuels (l'un masculin, l'autre féminin) se partagent leurs enfants. En reconnaissant ces "familles homoparentales", quelle crédibilité garderions-nous en interdisant la polygamie ? N'est-elle pas une "orientation sexuelle" parmi d'autres, dans l'air du temps relativisme actuel où " toutes les formes de familles se valent " ? Si nous avons le courage de dénoncer la polygamie, aurons-nous ce même courage pour dire haut et fort que non, tous les modèles familiaux ne se valent pas ?

Carences éducatives

Le bilan des dernières semaines montre pourtant les carences éducatives dont sont victimes les enfants qui, malheureusement, ne disposent pas d'un papa et d'une maman. En abordant la polygamie sous le seul angle de l'immigration et de l'intégration, nos réponses resteront des mesures sociales et sécuritaires qui ne règleront pas le fond du problème.

L'essentiel est bien de savoir quelle famille nous voulons aujourd'hui pour notre société, et quel avenir nous désirons pour notre politique familiale. De nombreux pays musulmans ont aboli la polygamie afin de se rapprocher de la structure familiale la plus équilibrante pour une société : un couple formé d'un homme et d'une femme. Serions-nous en train de régresser en nous éloignant de ce modèle ?

Il est temps de pouvoir réaffirmer l'importance pour des enfants de pouvoir grandir avec des repères forts. Ceci au sein d'une famille basée sur un couple, formé d'un père et d'une mère.

C'est le couple qui fait la famille, et non l'enfant. La recherche de mesures juridiques significatives qui privilégient et valorisent l'institution du mariage civil permettrait de conforter les parents dans leur rôle d'éducateurs. Et à la famille, ainsi clairement définie, de jouer son rôle déterminant dans la cohésion sociale.

Inès Gérard est vice-présidente de Femina Europa.

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