L'arrêt de la Cour de cassation du 25 juin a confirmé que pour le droit, le fœtus n'était pas une personne humaine, et ne pouvait donc pas être protégé comme tel.

Un enfant à naître n'est pas " autrui " : que la médecine le considère comme un patient est une chose, pour la justice il ne peut être victime d'un homicide, puisqu'il n'est pas un homme. Quiconque atteint l'intégrité de cet appendice organique — appelons le ainsi — n'est pas incriminable. Conclusion : le vivant non né dans le sein d'une femme n'est pas respectable comme une personne ; s'il est sujet, c'est potentiellement de toutes les manipulations, partielles ou totales. Nous sommes en plein terrorisme, et terrorisme collectif.

Terrorisme ?

Il est manifeste que cette abomination est tacitement acceptée, non par le goût du crime, mais au nom d'une morale, aux apparences généreuses. De quoi s'agit-il ? D'aménager les conditions de l'existence de telle sorte que les citoyens vivent le monde présent de manière la plus parfaite, et la plus facile. Dans une société sans Dieu, la dimension spirituelle de la personne se dissout dans les consciences, et avec elle sa réalité unique dans l'histoire : l'unicité de la personne se réduit à son unicité matérielle, donc immédiate. Dès lors, le respect moral de la personne commande la satisfaction inconditionnelle de toutes ses exigences.

Le danger vient du caractère quasi religieux pris par ce moralisme, piégé par des limites qu'il ne supporte plus. L'absence de perspective éternelle transfère l'exigence d'absolu au quotidien : le fini doit être infini, la vie matérielle doit être dominée sans condition, l'obstacle doit être surmonté à tout prix. Aucune frontière ne peut plus être tolérée : la société idéale n'est pas pour les purs esprits, mais pour ici et maintenant. Autrement dit, les raisons de vivre et les règles de droit sont déterminées par les possibilités de la technique et de la science auxquelles la politique doit se soumettre.

C'est dans ce contexte que les promesses messianiques de société parfaite prennent leur puissance : quand un professeur de médecine, ancien ministre, justifie " la grande transgression " pour le bonheur de l'humanité (Bernard Debré, éd. Michel Lafon, 2000), c'est le terrorisme juridico-moral qui s'applique à plein. Les bombes dans le métro ou les prises d'otage ne sont au fond que les queues de comète du désespoir organisé dans les textes de lois.

S'interrogeant sur les problèmes moraux de notre temps, en 1996, le cardinal Ratzinger mettait sur le même plan la question de la drogue et du terrorisme, comme signes caractéristiques de notre époque (Un tournant pour l'Europe, Flammarion, 1996). À côté de prises de consciences positives (la liberté pour les opprimés, la solidarité avec les pauvres, la paix), d'indéniables expressions de l'impasse morale contemporaine sont ignorées ou voilées. Ainsi, le terrorisme spectaculaire (de souche occidentale) qui apparaît sporadiquement, " mais dont les fondements idéologiques ne sont pas surmontés ". Autrement dit, il peut reprendre à tout moment.

Or si la bande à Baader ou les FAR sont neutralisées, un terrorisme au doux visage est désormais consacré sous nos yeux par les plus hautes juridictions. Si l'on considère qu'est moral ce qui construit l'avenir, écrit le cardinal, le crime peut devenir moral. " Ce qui est inhumain peut servir à humaniser l'avenir. Fondamentalement, c'est la même logique qui octroie le droit de sacrifier des embryons en vue de résultats scientifiques de haut niveau. Nous sommes en présence de la même problématique qui nous enseigne que supprimer un enfant devrait faire partie de la liberté de chacun. Ainsi le terrorisme se porte aujourd'hui sur de subtils champs de bataille, avec la bénédiction de la science et des esprits éclairés. "