Barack Obama est venu visiter la vieille Europe chère à Rumsfeld. Il a commencé par visiter le camp de Buchenwald puis les plages du Débarquement en Normandie, cette province anglo-saxonne depuis toujours, et malgré elle : c'est tout ce qui reste de notre histoire, comme disait un jour Robert Badinter : nous, c'est Vichy, les Allemands c'est Auschwitz. Allez bâtir un projet politique avec cela.

Nous sommes ensuite allés voter dimanche en pleurant la disparition bermudienne de l'Airbus européen, et en affrontant, au moins en Méditerranée, une de ces tempêtes du siècle qui surviennent chaque mois, et qui dévastent chaque fois un peu plus ce qui reste de nos côtes d'usure. Est-ce qu'une baraque trempée de sel peut valoir dix millions d'euros de moins ? C'est la question métaphysique du XXIe siècle qui se pose là.

De quoi est encore l'Europe ?

Les résultats ne se sont pas fait attendre : comme le baba cool déçu d'Apocalypse Now, nous nous fichons de tout, et n'allons plus voter. L'Europe n'est plus chrétienne, n'est plus sociale, n'est plus occidentale, n'est plus libérale, elle n'est plus rien. Le peuple de gauche a démographiquement disparu, comme le peuple nationaliste qui pensait tenir des projets historiques.

On vote bling-bling ou rigolard (Ah ! l'increvable Dany...) en France comme en Italie, ou pour sauver – littéralement – les meubles en Espagne. En Allemagne, les milieux d'affaires et les banquiers qui ont ruiné le continent pour imposer leur monnaie, l'euro, peuvent se frotter les mains : car les sociaux-démocrates de Schroeder et consorts avaient fait tout ce qu'il fallait, avec le New labour de l'idiot utile (et enrichi) Tony Blair pour décourager les salariés et les employés, les ouvriers et même les immigrés naturalisés (j'en connais) d'aller voter pour eux.

Ce week-end, l'économiste Christian Saint-Etienne annonçait dans Valeurs actuelles une prochaine disparition de l'euro... : la zone euro est ingérable, elle n'a aucune unité socio-économique, chaque État n'en fait qu'à sa tête... Après tout, pourquoi pas ? Tout peut disparaître : le dollar, la forêt tropicale, la couche d'ozone, le pétrole, les religions et j'en passe... En ces temps de nihilisme dilettante, on s'accommode de tout, pourvu que l'on puisse glisser en trottinette. Le plus amusant est qu'on nous demande d'aller voter pour le nihilisme européen, et, qu'à moins d'être belge et soumis à l'amende (même pour voter aux européennes ?), on ne va voter que pour s'occuper le dimanche... L'autre jour, me parlant de l'Europe, un gosse nommé Arnaud me demandait timidement : Mais que fera-t-on quand on aura tous cent ans ?

Une seule option
Bonne question, Arnaud, merci de nous l'avoir posé. On parle des Chinois, mais ils seront un demi-milliard à avoir l'âge de la retraite en 2050... À moyen terme, les Chinois ne sont pas mieux lotis que la vieille Europe ou l'obèse Amérique, qui ne peut plus rien entreprendre.

 

Il y a trente ans, lorsque j'avais quinze ans, le film de ma génération était Apocalypse Now. On y voyait le colonel Kurtz dégénérer comme un vieux touriste alcoolo au fond d'une jungle conradienne ; et le baba cool déjà cité rêvait d'un ailleurs moins enquiquinant que cet ashram où il avait perdu ses meilleures heures... À la même époque, nous avions les punks de Sid Vicious et des Sex Pistols qui proclamaient tout de haut : No future !
Après, nous avons eu les drogues, la drogue financière et immobilière en particulier, qui nous a maintenus à flots avec en plus les fantastiques augmentations des dettes publiques qui feraient se tordre de rire un empereur ou un roi d'Ancien Régime.
Et nous savons, en ce soir d'européennes, que les punks avaient raison, qu'il n'y a plus de future, mais qu'il y a en revanche un peu partout au pouvoir des néo-punks vieillissants... Face en tout cas à la barbarie nihiliste et sénile de ces temps méprisables, je ne vois qu'une option : la famille chrétienne, ou la famille croyante, la seule qui pourra affronter les ennuis présents et à venir.
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