Jean-René Huguenin, « une voix au-delà de son époque »

Source [Institut Iliade] : C’est par cette formule que Christian Authier rend compte dans Le Figaro littéraire de l’édition en collection Bouquins de l’intégrale des écrits de Jean-René Huguenin. L’occasion de mieux comprendre un auteur qui ne cesse de parler, à chaque génération, à quelques « cœurs aventureux ».

Sont réunis dans cette édition de plus de 1000 pages, outre ses classiques, à savoir son unique roman et son journal, plusieurs inédits, ses nombreux articles et des hommages signés François Mauriac, Bertrand Poirot-Delpech, François Bott ou encore Julien Gracq. Professeur d’Huguenin au lycée Claude-Bernard, c’est ce dernier qui l’a sans doute le mieux saisi : « Il y avait quelque chose en lui qui rappelait obstinément le plein vent, (…) de la race qui brûle ses cahiers (et) l’envie irrésistible qui lui vient de mettre le feu à sa vie, quand il s’aperçoit que le monde autour de lui a déjà commencé de vieillir. »

Cette initiative éditoriale est bienvenue, tant l’auteur de La Côte sauvage (1960) reste en partie méconnu du grand public. Né en 1936 à Paris dans une famille d’origine bretonne, Jean-René Huguenin publie ses premiers articles à dix-huit ans dans la revue La Table Ronde. Il collabore ensuite au journal Arts, également dirigé par Jacques Laurent, auquel il livre des critiques remarquées, aux Lettres françaises, et participe à la création de Tel Quel avec Philippe Solers, Jean-Edern Hallier et Renaud Matignon. Salué notamment par François Mauriac, Julien Gracq et Aragon, son premier et unique roman manque de peu le Goncourt. Cet envoûtant adieu à l’enfance au pays des Abers le fait entrer avec éclat dans la carrière littéraire. Deux ans plus tard et moins d’une semaine avant son aîné Roger Nimier, en septembre 1962, il se tue dans un accident de la route. Il a 26 ans.

Tant de ferveur dans la solitude…

Sa mort précoce et brutale ne suffit pas à faire d’Huguenin l’écrivain de l’éternelle jeunesse. Ce sont ses quelques écrits qui, par leurs injonctions à la hauteur, à l’exigence et à la beauté, résonnent encore, à chaque génération, dans quelques cœurs où bat le naturel dégoût de la mentalité de boutiquier qui préfère, à l’honneur de vivre, l’aspiration au confort et le souci de faire carrière. « Tant de ferveur dans la solitude, et un certain prosélytisme de l’individualisme le menaient parfois à contester sans mesure les aspirations collectives, les espoirs politiques, les volontés militantes », écrit Poirot-Delpech dans son hommage publié dans Les Lettres françaises au lendemain de sa mort. « Mais son idéal de rigueur personnelle le plaçait au-dessus des confusions de la génération immédiatement précédente en le faisant parier l’amour contre le mol érotisme, l’enthousiasme contre la tristesse vague, la générosité contre le verbalisme altruiste. »

Ses romans, dont des inédits proposés dans cette édition, traitent d’amitiés exigeantes et d’amours impossibles, à peine naissantes et déjà crépusculaires. Ses articles attestent d’un tempérament de nature « réactionnaire », car en butte à la sécheresse et à la médiocrité de l’époque, alors que la France s’enfonce doucement dans les Trente Glorieuses. Son Journal reste cependant l’œuvre suprême. Il est un viatique pour « l’aristocratie d’âmes fortes » qu’il appelait de ses vœux. Terriblement grave et romantique, marqué par la quête d’absolu et de perfection, ainsi que par une sourde inquiétude spirituelle qu’accompagne une urgence à vivre et à créer, repoussant sans jamais cesser de la caresser « la tentation du désespoir », Huguenin y apparaît comme « ce jeune homme mort qui avait pris d’avance la mesure de sa dépouille » (Mauriac).

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