Fonction et personne : quel rôle pour le pape François ?

Source [fsspx.news] Nous publions volontiers, avec la permission de leur auteur, les réflexions qui suivent. Elles mettent judicieusement en valeur le fait que François, malgré le flot d’activités auquel il se livre, renonce – dans la pratique – à remplir sa charge de « Vicaire du Christ » et de « Pasteur universel ». C’est pour la justesse de ce simple constat, et aucunement en vue d’une conclusion théologique et canonique qui refuserait le titre de pape à François, que nous le présentons.

L’emploi de son nom de famille pour désigner le pape est d’usage courant en italien (papa Pacellipapa Montini…), et ne signifie pas le refus de reconnaître son pontificat, même si – comme le montre l’auteur – le pape lui-même renonce aux obligations de sa charge : « affermis tes frères dans la foi », obligations que Notre-Seigneur a fait précéder d’une condition : « une fois converti ». C’est bien pour cette conversion que la prière pour le pape est aujourd’hui plus nécessaire que jamais : Dominus conservet eum… et non tradat eum in animam inimicorum ejus ; que Dieu le garde... et ne l’abandonne pas à la puissance de ses ennemis ».

Aldo Maria Valli est un des vaticanistes les plus connus en Italie. Mais dans ce texte plus qu’ailleurs, c’est d’abord l’âme chrétienne d’un véritable fils de l’Eglise qui s’exprime.

Rome n’a pas de pape. La thèse que j’entends soutenir peut se résumer en ces quatre mots. Quand je dis Rome, je ne me réfère pas seulement à la ville dont le pape est évêque. Je dis Rome pour signifier le monde, pour signifier la réalité actuelle.

Le pape, bien que physiquement présent, n’est pas vraiment là parce qu’il n’agit pas en pape. Il est là, mais il n’accomplit pas sa tâche de successeur de Pierre et de vicaire du Christ. Jorge Mario Bergoglio est là, Pierre n’est pas là.

Qui est le pape ? Les définitions, selon qu’on veut privilégier l’aspect historique, théologique ou pastoral, peuvent être différentes. Mais, pour l’essentiel, le pape est le successeur de Pierre. Et quelles étaient les tâches assignées par Jésus à l’apôtre Pierre ? D’une part, « pais mes brebis » (Jn 21, 17) ; de l’autre, « tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux » (Mt 16, 19).

Voilà ce que le pape doit faire. Mais aujourd’hui, il n’y a personne pour accomplir cette tâche. « Et toi, une fois converti, affermis tes frères dans la foi » (Lc 22, 32). C’est ce que Jésus dit à Pierre. Mais aujourd’hui, Pierre ne paît pas ses brebis et ne les confirme pas dans la foi. Pourquoi ? Quelqu’un pourrait dire : parce que Bergoglio ne parle pas de Dieu, mais seulement des migrants, de l’écologie, de l’économie, des questions sociales. Ce n’est pas cela. En réalité, Bergoglio parle aussi de Dieu, mais de toute sa prédication sort un Dieu qui n’est pas le Dieu de la Bible, mais un Dieu adultéré, un Dieu, je dirais, dépourvu de pouvoir ou, mieux encore, adapté. A quoi ? A l’homme et à sa prétention d’être justifié en vivant comme si le péché n’existait pas.

Bergoglio a certainement placé les questions sociales au centre de son enseignement et, à quelques exceptions près, il semble être en proie aux mêmes obsessions que la culture dominée par le politiquement correct, mais je crois que ce n’est pas la raison profonde pour laquelle Rome est sans pape. Même en voulant privilégier les questions sociales, on peut toujours avoir une perspective authentiquement chrétienne et catholique. La question, avec Bergoglio, est autre, à savoir que la perspective théologique est biaisée. Et pour une raison très précise : parce que le Dieu dont Bergoglio nous parle est enclin non pas à pardonner, mais à disculper.

Dans Amoris laetitia, nous lisons que « l’Eglise doit accompagner ses enfants les plus fragiles avec soin et attention ». Je suis désolé, mais ce n’est pas vrai. L’Eglise doit convertir les pécheurs.

On lit également dans Amoris laetitia que « l’Eglise ne manque pas de valoriser les éléments constructifs dans les situations qui ne correspondent pas encore ou plus à son enseignement sur le mariage ». Je suis désolé, mais ce sont des mots ambigus. Dans les situations qui ne correspondent pas à son enseignement, il peut bien y avoir des « éléments constructifs » (mais alors, dans quel sens ?), cependant, l’Eglise n’a pas pour tâche de valoriser ces éléments, mais de convertir à l’amour divin auquel on adhère en observant les commandements.

Dans Amoris laetitia, nous lisons également que la conscience des personnes « peut non seulement reconnaître qu’une situation ne répond pas objectivement à la proposition générale de l’Evangile, mais elle peut aussi reconnaître avec sincérité et honnêteté ce qui est pour le moment la réponse généreuse que l’on peut offrir à Dieu, et découvrir avec une certaine certitude morale que c’est le don que Dieu lui-même demande au milieu de la complexité concrète des limitations, bien que ce ne soit pas encore pleinement l’idéal objectif ». Encore une fois, l’ambiguïté. Premièrement, il n’y a pas de « proposition générale » de l’Evangile, à laquelle on peut adhérer plus ou moins. Il y a l’Evangile avec son contenu très précis, il y a les commandements avec leur force. Deuxièmement : Dieu ne peut jamais, absolument jamais nous demander de vivre dans le péché. Troisièmement : personne ne peut prétendre posséder « une certaine certitude morale » sur ce que Dieu « exige au milieu de la complexité concrète des limitations ». Ces expressions enfumées n’ont qu’un seul sens : légitimer le relativisme moral et se moquer des commandements divins.

Ce Dieu qui s’est engagé avant toute autre chose à exonérer l’homme, ce Dieu en quête de circonstances atténuantes, ce Dieu qui s’abstient de commander et préfère comprendre, ce Dieu qui « est proche de nous comme une mère qui chante une berceuse », ce Dieu qui n’est pas juge mais « proximité », ce Dieu qui parle de la « fragilité » humaine et non du péché, ce Dieu plié à la logique de « l’accompagnement pastoral » est une caricature du Dieu de la Bible. Car Dieu, le Dieu de la Bible, est certes patient, mais pas laxiste ; il est certes aimant, mais pas permissif ; il est certes attentionné, mais pas accommodant. En un mot, il est père dans le sens le plus complet et le plus authentique du terme.

La perspective adoptée par Bergoglio semble au contraire être celle du monde : qui souvent ne rejette pas totalement l’idée de Dieu, mais rejette les traits qui sont moins en accord avec la permissivité ambiante. Le monde ne veut pas d’un vrai père, qui aime au point de juger, mais d’un ami ; ou mieux encore, d’un compagnon de route qui laisse faire les choses et dit « qui suis-je pour juger ? »

J’ai écrit en d’autres occasions qu’avec Bergoglio, triomphe une vision qui renverse la vraie vision [catholique] : c’est cette vision selon laquelle Dieu n’a pas de droits, mais seulement des devoirs. Il n’a pas le droit de recevoir un culte digne, ni de ne pas être bafoué. Il a cependant le devoir de pardonner. Au contraire, selon ce point de vue, l’homme n’a pas de devoirs, mais seulement des droits. Il a le droit d’être pardonné, mais pas le devoir de se convertir. Comme s’il pouvait y avoir un devoir de Dieu de pardonner et un droit de l’homme à être pardonné.

C’est pourquoi Bergoglio, peint comme le pape de la miséricorde, me semble le pape le moins miséricordieux qu’on puisse imaginer. En fait, il néglige la première et fondamentale forme de miséricorde qui est sa responsabilité et sa seule responsabilité : prêcher la loi divine et, ce faisant, montrer aux créatures humaines, du haut de l’autorité suprême, le chemin du salut et de la vie éternelle.

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