[Source :  Réinformation TV]

Un économiste de la Ligue du Nord, Claudio Borghi, a trouvé depuis quelques jours une audience en Italie. Le rejet de la réforme constitutionnelle proposée par Matteo Renzi, qui a en quelque sorte perdu une élection sur son propre nom, puis la démission de ce Premier ministre imposé par Bruxelles, rend les Italiens plus réceptifs à des projets qui pourraient permettre d’en finir avec le poids de l’Union européenne. Borghi, qui enseigne à l’université catholique de Milan, propose de mettre fin à la participation de l’Italie à l’euro. Elle pourrait retrouver, non point la lire, peut être liée à quelques mauvais souvenirs, mais le florin des Médicis.

Renzi, clairement blackboulé par une population italienne exaspérée, risque d’entraîner dans sa chute l’idée européenne, au point que de nombreux analystes commencent à annoncer une tourmente dans laquelle l’Union européenne elle-même pourrait finir par s’engloutir.

Claudio Borghi veut le rétablissement de la monnaie nationale en Italie

 
C’est une des raisons pour lesquelles le parti démocrate de Matteo Renzi insiste pour la tenue très rapide de nouvelles élections : il s’agit à la fois d’éviter de donner un plus grand avantage au mouvement Cinq Etoiles de Beppe Grillo, le populiste de gauche, qui pourrait mettre à profiter le temps d’une plus longue campagne pour remporter une large victoire, et d’empêcher des discours comme celui de Borghi d’avoir le temps de séduire les Italiens, dans un contexte particulièrement inquiétant pour les européistes italiens – la Ligue du Nord serait prête à conclure une alliance tactique avec le mouvement Cinq Etoiles et quelques autres petites formations, toutes critiques de la monnaie unique européenne.
 
Ainsi Renzi pourrait-il chercher à prendre son opposition de court, sans lui donner le temps de s’organiser en vue d’une élection express.
 
Mais que les choses aillent vite ou non, Claudio Borghi est considéré comme possible, sinon probable ministre des finances de n’importe quelle alliance rebelle. Ancien courtier chez Merrill Lynch et Deutsche Bank, l’universitaire vient d’accorder un entretien au Telegraph de Londres, où il explique que l’heure de la clarification est arrivée : « Nous en arrivons au point où l’Italie doit prendre la vraie décision : sommes-nous pour l’Europe, ou contre ? »

Contre les affres de l’euro, Claudio Borghi propose que l’Italie en sorte

 
« Nous devons à l’Europe une dépression pire que celle de 1929. Elle a brisé, humilié des peuples entiers, tels les Grecs, dans le seul but de préserver cet instrument infernal qu’est l’euro. Toute cette catastrophe a été enjolivée par une série de mensonges, qu’on hurlait toujours plus fort, parce qu’ils craignaient de voir mis au jour les dommages colossaux qu’ils ont provoqués. »
 
Le professeur d’université assure que les puissants du jour, les « poteri forti », paniquent parce que leurs « instrument de contrôle ne fonctionnent plus ».
 
Tout ce qui a été investi dans la campagne pour le référendum, en nature ou en prestige, et les épouvantails agités, n’ont pas suffi. « Ils ont dit que les banques s’effondreraient, que nous perdrions toutes nos économies, et que nous irions tous en enfer si nous votions “non”, mais cela n’a pas fonctionné. C’est Brexit Reloaded », explique Borghi.
 
Ce qu’il recommande, c’est une sortie douce de l’euro. Il s’agirait de créer d’abord des liquidités parallèles qui puissent progressivement faire leur entrée dans la vie quotidienne. « Le Trésor italien possède 90 milliards d’euros en arriéré sur des contrats. Ceux-ci pourraient être payés avec des bons du Trésor d’une valeur aussi minime que 50, 20 10 ou même 5 euros, nous donnant le temps de créer une deuxième monnaie. Le temps venu, nous pourrons donc basculer vers cette nouvelle monnaie. Cela peut être fait de façon électronique. Nous n’avons même pas besoin d’imprimer du papier. »

Un professeur économiste montre que l’euro a détruit l’industrie de l’Italie

 
Le Pr Borghi envisage également une sortie de l’Allemagne de la zone euro. Si c’est impossible, l’Italie pourrait adopter une loi convertissant ses titres d’emprunt en lires, ou plutôt en florins Médicis, du jour au lendemain, assure l’économiste ; « Les pertes seraient déplacées vers les banques centrales nationales par le biais du système Target2 ». Cela permettrait à la banque d’Italie de payer 355 milliards d’euros à ses pairs de la zone euro – la Bundesbank, surtout – en lires dévaluées. La Bundesbank, elle, pourrait encourir des pertes allant jusqu’à 700 milliards d’euros, étant donné que l’exemple italien ne manquerait pas de faire des émules, selon Claudio Borghi, qui annonce ou plutôt appelle de ses vœux un retour général à la souveraineté monétaire.
 
Pas de panique, précise-t-il, ces sommes correspondent à des fictions comptables. Il y a eu un galop d’essai lors de l’effondrement du franc suisse face à l’euro en janvier 2015 : la Banque nationale suisse a souffert des pertes théoriques impressionnantes sur la « dette zone euro » lorsque le franc suisse a été réévalué, mais la vie a continué.

Le rétablissement du florin Médicis : un pari gagnant

 
Le pari est le suivant : les fortes sommes détenues par des Italiens dans des comptes à l’étranger reviendraient dans le système dès que l’Italie reviendrait à la viabilité de son taux de change. Et les investisseurs étrangers considéraient l’Italie comme beaucoup plus compétitive.
 
« Je ne prévois aucun désastre. Il n’y a aucun moyen d’écraser notre monnaie puisque nous avons un excédent commercial. Avec un taux de change plus bas, nous pourrions avoir un excédent encore bien plus important », estime Claudio Borghi.
 
En attendant, quinze ans d’appartenance à la zone euro ont littéralement vidé de sa substance l’économie industrielle italienne : la production industrielle est retombée à son niveau de 1980 et le vrai PIB par tête se trouve aujourd’hui à 13 % en dessous de son record. La pauvreté et l’exclusion sociale a atteint des taux record, avec 28,7 % dans l’ensemble du pays et même 46,4 % au sud, et 55 % en Sicile – c’est d’ailleurs dans l’île que le « non » a fait ses plus gros scores.
 
L’Italie connaissait une croissance semblable à celle de l’Allemagne pendant trente ans : c’est l’avènement de l’euro qui y a mis fin, alors qu’elle ne pouvait plus procéder à des dévaluations et que peu à peu, sa compétitivité en termes de coût du travail s’est effondrée, estime l’économiste.
 
Borghi accuse la contraction fiscale et monétaire de 2010 à 2014, dictée par la zone euro, d’être à la racine de la crise de la dette avec une récession à la clef, et pour l’Italie, la crise bancaire qui y fait rage. En sortant de l’euro, elle aurait la liberté fiscale de sortir de ce piège déflationniste, avec la possibilité de sauver son système bancaire par une recapitalisation dirigée par l’État sur les grandes lignes du programme TARP aux Etats-Unis, actuellement interdites pour cause de lois européennes contre les sauvetages par les Etats membres, à moins de se soumettre aux conditions draconiennes d’un sauvetage européen.
 
Selon Borghi, « dès que vous commencez à réduire à néant les épargnants et les détenteurs d’obligations – qui n’ont pas agi de manière imprudente – vous dites aux gens que leur argent n’est pas en sécurité à la banque ». « La seule chose à laquelle soit parvenue l’Union européenne, c’est d’avoir provoqué l’effondrement des action bancaires de 85 % depuis novembre dernier. Il faut agir pour sauver le système bancaire en temps de crise, sans quoi tout le reste est détruit par la même occasion », a-t-il déclaré.
 
Pour lui, l’Italexit est la condition non suffisante mais nécessaire pour régler les problèmes profonds que connaît l’Italie : « Ce sera dur, mais sans notre propre monnaie, correctement évaluée, nous arriverons à rien quels que soient nos efforts. »
 
Il va sans dire que l’analyse du professeur Borghi vaut également pour la France, dans une moindre mesure certes. Seule la complicité des médias empêche les Français d’entendre ce discours.

 

Anne Dolhein