Nos coups de coeur
A l’heure où nous sommes assaillis par des modèles féminins et masculins toujours plus déconstruits, toujours plus laids aussi, finalement bien incapables de jouer le rôle qu’on attend précisément de modèles – nous faire rêver, nous élever, Yannick Jaffré propose une réflexion très intéressante sur un autre féminisme, le féminisme de l’est, de la Russie plus précisément.
La Russie a un rapport très différent du nôtre à la femme. Au-delà du cliché de la « fille de l’est », une fille jolie, séduisante, alimentant les agences de mannequins et facilement soumise à l’homme, il existe une authentique figure de la femme forte en Russie, aussi bien dans le passé traditionnel que dans la mythologie soviétique qui n’a pas craint de mettre en valeur, par exemple à l’époque de la Grande guerre patriotique, des figures de femmes sans peur et sans reproches, conduisant des chars ou pilotant des avions de chasse, et se voyant honorées de la célèbre distinction de « Héros de l’Union soviétique ». Derrière cet état de fait, l’empreinte indélébile de la spiritualité orthodoxe, pour qui un homme reste, de manière sacrée, un homme, et une femme, une femme.
Avec un ton très vif et mordant, malgré quelques maladresses de style qui rendent certains passages un peu abscons, Yannick Jaffré se plonge avec délice dans l’univers de la femme russe, et offre un contrepoint authentiquement rafraîchissant aux zombies asexués et aigris que nous propose notre société occidentale décadente. La femme russe d’aujourd’hui, nous assure Yannick Jaffré, assume sa féminité radicalement, et n’hésite pas à clouer au pilori de la honte par son regard glacial ou une remarque tranchante l’homme qui ne serait pas à la hauteur, trop lourd, pas assez chevaleresque, pas assez élégant, pas assez patient, pas assez viril non plus. Le récit qui emprunte autant aux souvenirs de voyage qu’à l’essai polémique est émaillé de souvenirs, d’anecdotes prises sur le vif qui permettent de voir sous nos yeux blasés d’occidentaux mille-et-unes femmes comme on n’en voit plus… comme il est même interdit d’en voir de par chez nous.
La meilleure des leçons de ce petit essai caustique est de nous rappeler qu’à Paris ou à Moscou, le rôle d’une femme qui s’assume est de rendre à l’homme sa virilité. De ce côté de l’ex-rideau de fer, il y a du boulot pour remonter la pente !
CP.