Le système français de protection sociale est imposant et il rend beaucoup de services. Son coût de fonctionnement pourrait toutefois être moindre.
Notre système de retraites dépense en frais de gestion largement 2 % des pensions versées, alors qu’aux États-Unis et en Suède leurs équivalents se contentent de 0,7 à 0,8 %. Néanmoins, ces frais ne sont pas exorbitants - nettement moindres, par exemple, pour l’assurance maladie que pour les complémentaires-santé. Donc, des gains de productivité sont possibles, à condition d’engager des réformes structurelles, car c’est surtout le morcellement et la complication inutile du système qui plombent son efficacité. Autrement dit, les informaticiens ont fait leur travail, au législateur de faire le sien !
Atteindre les buts fixés
L’efficacité, ce n’est pas seulement de collecter et verser beaucoup d’argent avec des frais de gestion réduits, c’est plus encore d’atteindre les buts fixés : reporter du revenu d’une période à l’autre de la vie en investissant avec discernement dans les générations montantes, diminuer les risques de l’existence, et notamment celui de ne pas pouvoir payer les soins dont on pourrait avoir besoin, réduire les inégalités trop fortes, remettre le pied à l’étrier à ceux qui ont de grosses difficultés. Et tout cela sans constituer un frein à l’activité, à la production de biens et de services dans une économie de marchés.
Concernant le report, les résultats sont décevants dans le domaine de la formation initiale, que l’on n’a pas l’habitude de placer dans l’ensemble protection sociale, mais qui en fait logiquement partie. La formation des élites n’est pas mauvaise, mais trop de jeunes ne tirent guère profit de leur scolarité, et le pays manque toujours de personnes capables de travailler intelligemment de leurs mains. Protéger, c’est d’abord donner à chacun les moyens de vivre correctement de son travail, et pour environ 15 % de la population ce but n’est pas atteint : nous préparons trop de jeunes à se diriger ou bien vers la délinquance ou la marginalité, ou bien vers l’assistanat à vie.
Résultats décevants aussi concernant l’emploi des seniors et l’âge de départ à la retraite, en moyenne beaucoup, trop bas. Le mythe du vieillissement conduit à ne pas mettre suffisamment les intéressés face aux réalités.
La « remise en selle » des personnes désarçonnées a également bien des progrès à faire. Le premier bilan du RSA montre que son point faible, comme c’était déjà le cas pour le RMI, et aussi pour les chômeurs de longue durée, est le retour au travail. Quand des personnes sont très éloignées du monde du travail, renouer avec lui peut demander un accompagnement qui n’a rien à voir avec les procédures bureaucratiques. Il faut savoir dépenser plus à ce sujet – et donc moins ailleurs, notamment en retraites précoces.
Intégration dans l’économie d’échange
Last but not least, notre système de protection sociale doit mieux s’intégrer dans l’économie d’échange qui est en grande partie la cause de notre prospérité. Il faut pour cela que nos dirigeants choisissent aussi souvent que possible des solutions contributives, amenant chacun à apporter sa contribution pour bénéficier des divers services de protection sociale. Nous devons sortir du piège des prélèvements obligatoires sans contrepartie, renouer avec une mentalité mutualiste qui allie l’échange et la générosité : je paye pour me protéger, mais si je suis riche je paye davantage, afin que ceux qui sont pauvres puissent bénéficier d’une bonne protection à un prix abordable pour eux. L’esprit mutualiste est l’avenir de notre système de protection sociale, parce que c’est lui qui le rendra pleinement compatible avec notre économie, qui transformera des impôts en contributions génératrices de droits sans pour autant amoindrir son caractère redistributif.
Jacques Bichot est l'auteur de Les enjeux 2012 de A à Z Abécédaire de l’anti-crise coédité par l'Association pour la Fondation de service politique et L’Harmattan.
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