Source [Valeurs actuelles] La Russie et l’Ukraine représentent plus d’un tiers de la production mondiale du blé. Les pays importateurs tremblent. Au Maghreb, les risques sont réels d’émeutes de la faim et en Europe, d’asphyxie de nos éleveurs.
Le monde entier assiste, impuissant, à la flambée des cours du blé. Il y a d’abord eu la crise sanitaire et les mauvaises récoltes qui ont porté les cours à plus de 300 dollars la tonne en 2021, soit une hausse de plus de 30%. La même année, la Russie avait dû instaurer une taxe à l’exportation pour freiner les cours intérieurs. A présent, la guerre russo-ukrainienne, avec le blocage des ports de l’Ukraine. Au total, ce sont 30% des exportations mondiales qui sont bloquées, l’Ukraine représente 12% des exportations mondiales de blé et la Russie, premier exportateur mondial, 16%. « Ce n’est pas pour rien que l’Ukraine, qui a la plus grande superficie de terres arables en Europe, est surnommée le grenier à blé de l’Europe » souligne Charles Beigbeder, serial entrepreneur, actionnaire d’Agrogeneration, qui exploite 60 000 hectares de terres en Ukraine. « Cette guerre tombe au plus mal après une année 2021 record en termes de rendement », dit-il. Le siège de l’entreprise, basé à Kiev, a été fermé. Les quelques 600 salariés ont été mis en sécurité, et aucun mort n’est pour l’heure à déplorer.
Mardi matin, les cargaisons de blé et de maïs étaient bloquées dans les ports ukrainiens. La mer d’Azov était interdite à la navigation. Côté Russie, il n’y avait plus de chargements dans les ports de la Mer Noire. Au total, ce sont près de 15 millions de tonnes de blé et autant de maïs qui ne peuvent alimenter le marché mondial. Avec cette chute de l’offre, les cours qui avaient déjà battu un record historique au premier jour des combats jeudi dernier, affichaient une volatilité extrême. Le blé s’envolait au dessus de 350 euros la tonne. Soit une hausse de plus de 28 euros sur la journée et de 53 euros en une semaine. Toutes les échéances du marché à terme, jusqu’en mai 2023, atteignaient des niveaux jamais atteints, entraînant dans son sillage l’ensemble des céréales. L’Ukraine est aussi le premier exportateur mondial de tournesol, le 2e producteur d’orge, le 3e de maïs, le 4e de pommes de terre, le 5e de seigle…
Premières victimes, les pays importateurs du Maghreb et l’Egypte, qui avaient pris l’habitude de se faire livrer par la Mer Noire. « 70% des blés russes sont destinés à l’Afrique et au Moyen Orient ; un certain nombre de pays comme la Turquie et l’Iran avaient anticipé le conflit et augmenté massivement leurs importations, d’autres non », explique le professeur Philippe Chalmain, président fondateur de Cyclope, auteur de la « bible » des matières premières. Au banc des pays les plus touchés, bloqués dans leurs livraisons, l’Egypte, le Maroc et l’Algérie, dans lesquels la flambée des prix du blé, couplée à la hausse des cours du pétrole et du gaz, fait craindre une chute du pouvoir d’achat et… une révolte de la population. De là à anticiper une révolte sociale, à l’image des émeutes de la faim de 2008, il n’y a qu’un pas…
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