L'affaire Volkswagen, cette immense fraude aux normes antipollution, ne devrait pas seulement atteindre la réputation de la firme créée en 1936 et même de l'industrie allemande, elle devrait remettre enfin en cause l'image exagérément positive que véhiculent les Français de leur partenaire d'outre-Rhin.
Nos compatriotes ne se sont encore jamais remis des complexes qu'ont fait naitre la malheureuse défaite de juin 40 (due pour l'essentiel à l'incompétence de l’état-major et non au peuple français). De Gaulle avait bien réussi un temps à les en débarrasser mais, pour faire moderne, les Français ont voulu tourner le dos à son héritage, ce qui a eu pour effet de les faire retomber dans l'ornière de leur complexe d'infériorité.
Imiter les Allemands n'est pas la solution
C'est une vérité établie chez nous que tout ce que font les Allemands est mieux et qu'il faut les imiter à toute force : monnaie forte, méga-Länder, système scolaire (qui n'a que vingt ans d'avance sur nous dans la déliquescence !), etc. Ce qu'ils font ou ce qu'on croit qu'ils font : on a eu beau répéter que 10 Länder sur 15 sont plus petits que la moyenne des régions françaises, rien n'y fait, nous regroupons nos régions pour suivre le prétendu modèle allemand.
Il fallait déjà beaucoup de bonne volonté pour considérer comme un simple accident le crash du vol 9525 de la Germanwings Barcelone-Düsseldorf du 24 mars 2015, dont l'enquête a montré de quelle incroyable suite d'erreurs humaines il était la conséquence.
Comprendra-t-on cette fois que l'affaire Volskswagen n'est que la pointe émergée de l'iceberg, que les Français (dont on sait à Bruxelles qu'ils sont, en particulier en matière agricole, les moins tricheurs des Européens !) n'ont pas à rougir face à un partenaire auquel on prête beaucoup plus de vertus qu'il n'en a.
À l'opposé de l'esprit de coopération
Pour s'en tenir à l'histoire récente, les réformes Schröder, admirées de ce côté-ci du Rhin, ont été une manière de fausser le jeu de l'euro dès le démarrage. Il ne se relèvera sans soute jamais du déséquilibre massif introduit alors par le gouvernement allemand dans le système de la monnaie unique et dans l'économie européenne, par le biais de ce qu'on appelle aujourd'hui une "dévaluation interne" sans qu'aucun partenaire n'ose protester. Pas davantage qu'ils ne protestent face au recours massif aux sous-traitances en Europe de l'Est qui faussent le jeu de la concurrence, particulièrement désastreuses pour notre élevage.
Dans l'immédiat, l'effet de ces réformes a été un appauvrissement massif du tiers de la population allemande. Sans doute n'étaient-elles pas contraires à la lettre des traités mais elles sont à l'opposé de l'esprit de coopération qui aurait dû prévaloir en Europe.
Nous parlons de Schröder : qui se souvient qu'à peine battu aux élections, l'intéressé s'est lancé sans vergogne dans les grandes affaires avec la Russie : quel ancien Premier ministre français s'est jamais permis cela ?
Les préjugés français sur la supériorité allemande sont tellement ancrés que des faits majeurs ont été passés sous silence : quand les fonctionnaires se mirent en grève une semaine, silence total alors que notre mini-mouvement social sur la réforme des retraites de la rentrée 2010 ou les récents incidents d'Air France ont fait la une dans le monde entier ; quand le programme Airbus a pris un important retard, personne n'a osé dire que la partie allemande en était entièrement responsable.
Les universités allemandes sont encore moins bien placées que les nôtres dans les classements internationaux. Cette occultation des faiblesses allemandes provient en partie de la servilité mais elle résulte aussi de la tendance d'une grande partie de la presse au déni de tout ce qui sort des idées reçues, d'où résulte d'ailleurs son incapacité à les remettre en cause.
La chute démographique
De la chancelière Merkel, on commence à dire qu'elle n'a fait aucune réforme en dix ans. Les Allemands sont plus lucides que les Français sur cette femme, habile manœuvrière plus apte à gagner les élections qu'à développer une véritable vision.
On a cherché les raisons cachées de sa palinodie sur la question des réfugiés qui n'est dépassée dans le ridicule que par les dithyrambes de certains Français qui ont cru qu'elle allait ouvrir toutes grandes les portes de l'Europe aux immigrés du monde entier. Rien d'autre, semble-t-il que l'évolution des sondages au jour le jour. Sa versatilité sur la crise grecque fut à l'avenant : un jour — même si elle laissa Schäuble monter au créneau — elle ne voulait plus entendre parler de la Grèce. Le lendemain elle se ralliait à un accord. Que s'était-il passé entretemps ? Qui le dira ? La voix de l'Amérique ?
Des faiblesses de l'Allemagne d'aujourd'hui, la plus grande est naturellement la démographie. Que la fécondité n'arrive pas à décoller au-dessus de 1,4 (soit deux enfants pour trois adultes de la génération précédente), immigrés compris, n'est pas nouveau : les pays de l'Europe du Sud ne font pas mieux, mais seule l'Allemagne a fait des efforts financiers importants pour la famille. En vain apparemment. Signe d’une crise morale sans précédent d'un pays qui semble s'être résigné au "grand remplacement", autrement dit à sa mort programmée. Depuis 2000, pour la première fois depuis 1870, il naît plus de bébés en France qu'en Allemagne, et la tendance ne semble pas en passe de se renverser.
Remettre en cause les idées reçues
Les Européens que nous sommes ne doivent naturellement pas se réjouir du sombre futur de ce pays : même si rien ne justifie qu'il tienne la première place en Europe, il reste porteur d'une grande civilisation qui est notre patrimoine commun. Rappelons-nous aussi son caractère "bipolaire" : de l'inflation galopante à l'intégrisme monétaire, du militarisme à l'antimilitarisme, de l'industrialisme à l'écologie ; aujourd'hui ouvert et tolérant ; demain ?
Qu'on ait allégué le déficit démographique pour justifier la politique d'ouverture de l'Allemagne aux migrants, pourquoi pas ? Et cette raison n'aurait plus été valable huit jours après ? La chancelière a ainsi donné un faux espoir à des centaines de milliers d'hommes. Quelle vision de la part de la femme que l'on dit la plus puissante de l'Europe !
« Une tricherie d'une telle ampleur ne nous aurait pas étonné de la part de Grecs, mais de la part d'Allemands, elle est inconcevable » a dit récemment un chroniqueur de gauche bien connu [1] qui ne se rendait d'ailleurs pas compte du racisme de ce genre de propos, lesquels ont surtout le mérite de montrer combien les préjugés de nos compatriotes sont difficiles à déraciner.
Il le faut pourtant. La France doit saisir l'occasion de l'affaire Volkswagen et de celle des migrants pour reprendre conscience de ce qu'elle est. Dans une Europe en décadence avancée, elle doit cesser de chercher, comme le fait Hollande, un grand frère, de ce côté ou de l'autre de l'Atlantique qui lui dicte sa conduite. C'est d'elle et d'elle seule que dépend son destin — et avec lui celui de l'Europe tout entière.
Roland Hureaux
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[1] Gérard Carreyrou.
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Pas de fumée sans feu !
M. Hureaux, votre article est excessif : j'ai vécu 20 années en Allemagne et peut assurer qu'une famille française avec quelques enfants paie beaucoup moins d'impôt qu'une famille allemande : merci de faire marcher un simulateur. Vous verrez que l'on peut doubler l'impôt allemand sur le revenu. Il est évident que la politique familiale française est bien plus favorable aux familles. Les 150 € par mois et par enfants alloués par l'Allemagne ne suffisent pas à combler ce vide. Concernant les voitures, (je travaille comme ingénieur chez les équipementiers allemands depuis 25 années), la qualité est nettement supérieure : mon Opel et mon Audi ont dépassés les 400.000 km sans problèmes mécaniques. Il faut donc mettre un peu d'eau dans votre vin !