Jean Paul II, tout témoin des grandes tragédies du xxe siècle qu’il était, ne souriait pas à l’évocation de « la crise écologique », qualifiée par lui-même de « majeure » (17/01/01). Mais il pointait également le contresens écologiste : la nature est confiée à l’homme comme un don, pas comme un dieu.
Dans l’encyclique Centesimus annus, Jean Paul II résume en une phrase ce qu’il entend par écologie humaine : « Non seulement la Terre a été donnée par Dieu à l’homme qui doit en faire usage dans le respect de l’intention primitive, bonne, dans laquelle elle a été donnée, mais l’homme, lui aussi, est donné par Dieu à lui-même et il doit donc respecter la structure naturelle et morale dont il a été doté [1]. » Au cœur de l’écologie humaine, le respect de la loi naturelle et la défense de la vie.
En Pologne, le pape est encore plus explicite : « Il semble que ce qui est le plus dangereux pour la Création et pour l’homme soit le manque de respect pour les lois de la nature et la disparition du sens de la valeur de la vie. La loi inscrite par Dieu dans la nature et qui peut être lue à travers la raison, conduit au respect du dessein du Créateur, d’un dessein qui vise au bien de l’homme. Cette loi établit un certain ordre intérieur que l’homme trouve et qu’il devrait conserver. Toute activité qui s’oppose à cet ordre frappe inévitablement l’homme lui-même [2]. »
Écologiquement incorrect ?
En s’éloignant du dessein de Dieu, l’homme provoque un désordre qui se répercute inévitablement sur le reste de la Création. Jean Paul II va jusqu’à dire que « si l’homme n’est pas en paix avec Dieu, la Terre elle-même n’est pas en paix : “Voilà pourquoi le pays est en deuil et tous ses habitants dépérissent, jusqu’aux bêtes des champs et aux oiseaux du ciel, et même les poissons de la mer disparaîtront” (Os 4, 3) [3]. »
Or la place de l’homme dans cet ordre est centrale. Dieu l’a installé au centre de toute la Création, sa dignité est inaliénable, son âme immortelle. Fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, l’homme est le sommet de la Création. C’est pourquoi toute atteinte à la vie et à la dignité de l’homme est une atteinte grave à la Création voulue par Dieu.
Le respect de la vie
« Comment est-il possible de défendre de façon efficace la nature si l’on justifie les initiatives qui frappent le cœur même de la Création qu’est l’existence de l’homme ? » s’interroge Jean Paul II [4].
"« Est-il possible de s’opposer à la destruction du monde, si au nom du bien-être et de la commodité, l’on admet l’extermination d’enfants à naître, la mort provoquée des personnes âgées et des malades et, que, au nom du progrès, l’on conduit des interventions et des manipulations inadmissibles dès le début de la vie humaine ? Lorsque le bien de la science ou les intérêts économiques prévalent sur le bien de la personne, et même de sociétés entières, les destructions provoquées dans l’environnement sont le signe d’un authentique mépris de l’homme.
Il faut que tous ceux qui ont à cœur le bien de l’homme dans ce monde apportent un témoignage constant que la norme fondamentale que doit respecter un juste progrès économique, industriel et scientifique, c’est le respect de la vie et, en premier lieu, de la dignité de la personne humaine [5]. »
"
L’homme au centre
L’écologie humaine entend aussi combattre la pauvreté et l’injustice dans lesquelles vit une partie de l’humanité [6]. Ainsi on comprend pourquoi, dans toutes les dernières interventions du pape polonais ou du Vatican en faveur de la Création, la dénonciation des atteintes à l’environnement est précédée par la stigmatisation des maux qui pèsent sur l’humanité [7].
Et Jean Paul II, logique, a cette formule qui lui aliène définitivement tous les tenants de la Deep Ecology : « Placer le bien de l’être humain au centre de l’attention à l’égard de l’environnement est en réalité la manière la plus sûre de sauvegarder la Création [8]. »*
Laurent Larcher est journaliste. A publié La Face cachée de l’écologie, Cerf, 2004.
*Extraits de Liberté politique n° 30, « Jean Paul II, un maître pour l’histoire », été 2005, Laurent Larcher, « L’écologie humaine ».
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[1]. Centesimus annus, n. 38.
[2]. Homélie du pape Jean Paul II à Zamosc, le 12 juin 1999.
[3]. Cité dans le message pour la xxxiiie Journée mondiale de la paix.
[4]. Homélie du pape Jean Paul II à Zamosc, le 12 juin 1999.
[5]. Idem.
[6]. C’est le sens de l’intervention de Mgr Ronato au Sommet de la Terre de Johannesburg.
[7]. Ainsi, par exemple, la déclaration de Venise débute par ces deux phrases : « Nous sommes réunis ici aujourd’hui dans un esprit de paix pour le bien de tous les êtres humains et pour la protection de la Création. En ce moment de l’histoire, au début du troisième millénaire, nous regrettons de constater les souffrances quotidiennes d’un grand nombre de personnes à cause de la violence, de la faim, de la pauvreté et de la maladie », avant de dresser la liste des dommages qui menacent gravement l’environnement.
[8]. Jean Paul II, Message pour la Journée mondiale de la Paix, n. 10, 1 janvier 1999; cf. ORLF n. 50 du 15 décembre 1998.
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Bravo à Laurent Larcher qui disait également, dans son ouvrage: "grâce à son syncrétisme et sa polyvalence, l’écologisme a sans doute encore un bel avenir devant lui"
Vous auriez pu ajouter une autre phrase de Jean-Paul II: "L’éducation à la responsabilité écologique ...ne peut être fondée simplement sur l’affectivité ou sur des velléités mal définies. Son objectif ne peut être ni idéologique ni politique, et sa conception ne peut s’appuyer sur le refus du monde moderne ou le désir vague d’un retour au "paradis perdu". "
Or l'écologisme comme le disait également Jean Paul II tente "de se réfugier dans des formes de nostalgie fermées à ce qui existe de positif dans le monde contemporain"