À l'initiative du cercle français de la Rose blanche, un camp de formation à la doctrine sociale de l'Église pour étudiants et jeunes professionnels est proposé du 16 au 23 août prochain en Provence. Une opportunité à saisir pour se former dans un cadre amical et estival. Entretien avec son fondateur, Benoît Schmitz.
Qu'est-ce que le cercle de la Rose blanche ?
BENOIT SCHMITZ.— Né à l'automne 2006, le cercle de la Rose blanche organise pour la troisième année consécutive un camp de formation au mois d'août. Nous avons voulu proposer une formation intellectuelle permettant aux jeunes catholiques d'exercer leurs responsabilités dans la vie politique et sociale. Nous pensons en effet que, face aux impasses de notre société, il est nécessaire de susciter des esprits libres capables de rendre raison de l'espérance chrétienne et d'opposer des convictions réfléchies à ce que Benoît XVI a appelé la dictature du relativisme .
La formation que nous proposons cherche à articuler l'étude des fondements philosophiques et théologiques de la doctrine sociale de l'Église, d'une part, et celle des grands enjeux actuels, d'autre part. Elle est assurée par de jeunes catholiques soucieux de transmettre l'enseignement qu'ils ont reçu et de promouvoir l'action des catholiques dans la Cité.
Nous faisons aussi appel à un certain nombre de personnalités. Lors des deux premiers camps, nous avons ainsi reçu Mgr Cattenoz, Mgr Rey, Xavier Lemoine (maire de Montfermeil), Anne Coffinier (présidente de la Fondation pour l'École), Thibaut Dary (délégué général d'Ichtus), les philosophes Jean-François Mattéi et Yves Semen.
Cette année nous recevrons à nouveau le mathématicien Laurent Lafforgue, mais aussi le journaliste Laurent Dandrieu (Valeurs actuelles) et Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme-Lejeune et administrateur de la Fondation de Service politique.
Pourquoi vous êtes-vous placés sous le patronage de la Rose blanche ?
La Rose blanche est un mouvement de résistance au nazisme organisé par des étudiants allemands chrétiens. Ils s'employèrent à dénoncer les racines nihilistes et païennes de la pensée nazie. Arrêtés pour avoir distribué des tracts hostiles au régime, ses principaux animateurs, Hans et Sophie Scholl, Christoph Probst, Alexander Schmorell et Willi Graf, furent exécutés en 1943. Leur histoire n'est pas aussi épique que l'opération Walkyrie ; contrairement à Claus von Stauffenberg et aux autres conjurés du 20 juillet 1944, ils ne furent jamais en mesure de renverser Hitler ; mais ces enfants d'Antigone − selon la formule de Pierre-Emmanuel Dauzat qui a traduit les Lettres et carnets de Hans et Sophie [1] – ont semé pour aujourd'hui. Sophie notait le 22 juin 1940 : Comment pourrait-on attendre du destin qu'il fasse triompher une cause juste quand si rares sont les gens qui se sacrifient sans broncher à une juste cause ? Comment ne pas penser que cela a été aussi écrit pour nous ?
Mais peut-on sérieusement faire un parallèle entre la situation actuelle et celle que connurent les membres de la Rose blanche ?
Il est bien évident qu'elles sont très différentes. L'histoire ne se répète pas. Mais cela ne doit pas empêcher de voir qu'elles font partie du même cycle historique, qu'elles procèdent d'une même matrice. Dans Mémoire et Identité, Jean-Paul II a montré que cette racine commune se trouvait dans le rejet de Dieu comme créateur et dans le refus de la notion de nature humaine.
De plus, nos sociétés n'ont pas rompu avec le scientisme qui fut l'armature idéologique des totalitarismes. Le fétichisme de la science et l'individualisme hédoniste se conjuguent pour remplacer les croyances fondatrices qui font que le sens est reçu et non posé arbitrairement par l'homme. Le grand juriste Pierre Legendre a pu dire – c'était à propos du Pacs – que le droit, fondé sur le principe généalogique, laiss[ait] la place à une logique hédoniste héritière du nazisme (Le Monde, 23 octobre 2001).
Dans quel esprit organisez-vous ce camp de formation : travail ou loisir ?
Nous souhaitons que cette session puisse être un authentique temps de loisir. Pris en tenaille entre le divertissement et le travail, le loisir est réduit à la portion congrue dans la société de consommation. Dans l'Allemagne en reconstruction de 1947, le philosophe Josef Pieper qui a beaucoup influencé Benoît XVI rappelait à ses compatriotes l'importance de cette immersion contemplative au sein de l'être : c'est par le loisir que l'homme reste capable de se réaliser lui-même comme une créature ordonnée à l'ensemble de l'être . L'utilitarisme qui se manifeste aujourd'hui aussi bien dans les attaques contre le dimanche que dans l'incapacité gouvernementale à comprendre ce qu'est une université montre à quel point il est nécessaire d'instituer aujourd'hui – contre le courant dominant – des lieux et des moments dédiés au loisir... qui fassent aussi une place au divertissement (à la piscine ou au bar) et au travail (éplucher les pommes de terre, mettre le couvert)...
Quel est le programme de la session 2009 ?
Le fil conducteur sera cette année le thème de la civilisation de l'amour . Nous commencerons par un état des lieux : nous regarderons d'abord la façade, celle d'un discours qui met l'amour à toutes les sauces et voudrait nous faire croire que nos démocraties, en se dotant d'une religion humanitaire, ont accompli le christianisme en reniant tout ce qui en faisait une religion divine. Puis nous inspecterons les fondations : contrairement à ce que semblait annoncer la façade, l'anthropologie qui sous-tend les sociétés libérales est profondément pessimiste : à la suite de Hobbes, elle considère que l'homme est inapte à l'amour et que l'ordre social ne saurait se construire que sur l'intérêt individuel.
Nous consacrerons la deuxième partie de ce camp à tenter de comprendre comment l'on pourrait bâtir une civilisation de l'amour. Cela suppose de revenir sur un certain nombre de séparations typiquement modernes : celles qui opposent l'amour de Dieu et l'amour du prochain, l'amour et l'intelligence, l'amour et le lien politique. Ce n'est qu'en acceptant que l'amour de Dieu soit premier que l'on peut espérer construire une civilisation où l'amour divin irriguera les liens humains et où chacun pourra se donner selon sa vocation.
Comment s'inscrire ?
Le camp est ouvert à tous les jeunes catholiques, étudiants ou jeunes professionnels, qui souhaitent réfléchir aux implications sociales et politiques de leur foi. Il est également ouvert à tous ceux qui, sans partager la foi de l'Église, trouvent dans son enseignement des repères pour leur vie d'homme et de citoyen.
Pour s'inscrire, il faut envoyer un mail à cercleroseblanche@yahoo.fr. Nous enverrons alors aux personnes intéressées le bulletin d'inscription et les modalités de ce camp de formation dont le prix est fixé à 130 €.
[1] Hans et Sophie Scholl, Lettres et carnets, Paris, Tallandier, 2008.
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