Éminent spécialiste polonais de philosophie médiévale et ancien auditeur laïc au concile Vatican II, cet ami du pape Jean-Paul II est mort le 18 mai 2004.
Descendant, d’après la tradition, des anciens rois de la Rus, né en 1907 d’une famille enracinée dans la noblesse terrienne aux environs de la ville polono-ukrainienne de Lwow (Lviv), alors sous domination autrichienne, Stefan Swiezawski étudie, entre 1925 et 1932, à l’Université de Lwow qui connaissait alors une très grande vitalité intellectuelle, surtout en philosophie (1).
Il se marie en 1933 et sa femme Marys, disparue en novembre 2003 peu après que le couple ait fêté ses 70 ans d’union, sera toute sa vie sa proche collaboratrice.
Pendant la dernière guerre, après l’invasion de Lwow par les troupes soviétiques, il est contraint de se replier au sud de Cracovie, et exerce au cours de ces années l’activité d’hôtelier dans une pension de famille qu’il avait créée avec sa femme et qui, après avoir été confisquée par le pouvoir communiste, leur a été restituée à la fin des années 90. Malgré cela, il parvient à soutenir son habilitation, d’abord de façon clandestine en juillet 1944 (avec Wl. Tatarkiewicz), puis officiellement à Cracovie en janvier 1946, avec le professeur K. Ajdukiewicz, lui aussi exilé de Lwow.
Conscient de vouloir consacrer sa carrière à promouvoir un renouveau de la philosophie scolastique, spécialement à celle de Saint Thomas, et devant la difficulté d’obtenir un poste dans l’université d’État, Stefan Swiezawski entre, fin 1946, à l’Université catholique de Lublin où il enseignera pendant presque trente ans. Les années cinquante se révèleront particulièrement difficiles ¾ la faculté de philosophie de Lublin était alors la seule institution libre d’enseigner cette discipline dans tout le bloc socialiste ¾, mais aussi particulièrement riches et créatrices, du fait même du défi que représentait cette situation pour les enseignants et leurs étudiants.
En 1954, St. Swiezawski sera sollicité par l’abbé Karol Wojtyla pour intervenir comme rapporteur à son jury de thèse, et ce sera le début d’une longue collaboration et amitié, dans le cadre de l’Université de Lublin et au delà, puisqu’ils participeront ensemble à l’apostalat des laïcs en Pologne et, surtout, au dernier concile du Vatican.
Dans ce cadre, l’auditeur laïc, déçu de disposer de si peu de temps pour défendre la philosophie classique et la référence à Thomas d’Aquin dans le cadre des séances officielles, fera paraître en français, en collaboration avec J. Kalinowski, son ancien collègue et doyen de la Faculté de philosophie de Lublin, un petit volume intitulé La Philosophie à l’heure du Concile, qui fut mis en vente à Rome en 1965, peu avant les dernières sessions et qui permettait à l’" auditeur " de disposer d’une tribune plus large (2).
Parallèlement, St. Swiezawski s’était attelé à ce qui restera son " grand-œuvre ", les huit tomes de sa magistrale Histoire de la philosophie au XVe siècle (3). Tome après tome, le cardinal, puis le pape Jean-Paul II suit cette parution, l’accompagne avec sympathie, lit (pendant ses vacances) les volumes que lui envoie son ami.
Toujours actif malgré une cécité croissante, St. Swiezawski dirigea jusque dans ses ultimes années des séminaires de recherche et, puisqu’il ne pouvait plus écrire, s’exprimait par conférences, à la radio ou à travers d’autres médias.
Il laisse au total plus d’une trentaine d’ouvrages, dont certains rédigés avec des collaborateurs. Il concevait la vie intellectuelle comme une large fraternité, avec les médiévaux et les Pères de l’Église d’un côté, avec ses contemporains de l’autre. Par les liens qu’il entretint, depuis son adolescence jusqu’à sa mort, avec divers mouvements d’Église à ambition rénovatrice, il s’attachait à faire jaillir toujours vivante les sources de lumière et de sagesse qu’il avait découvert dans la grande tradition de l’Église.
> Pour en savoir plus :
La revue Liberté politique a publié dans son avant-dernier numéro (N° 24, hiver 2003-2004) un entretien avec Stefan Swiezawski, où le philosophe évoque son amitié intellectuelle avec les professeurs Karol Wojtyla et Kalinowski, et leur résistance dans l’université polonaise : " Le cercle des philosophes de Lublin "
Notes
(1) Un colloque sera consacré cet automne dans le cadre de l’ENS de Paris à ce qu’on a coutume d’appeler " l’école de Lwow ".
(2) Cet ouvrage est paru en français en 1965, puis en polonais en 1995. Sa traduction anglaise sort cemois-ci aux États-Unis : G. Kalinowski, St. Swiezawski, Philosophy during the second Vatican Council, Peter Lang, mai 2004.
(3) Un résumé de ses recherches est paru en France sous le titre, Histoire de la philosophie européenne au XV° siècle, adaptée par M. Prokopowicz, Paris, Beauchesne, 1990.
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