C’est au tour des serviteurs de l’État, tenus au devoir de réserve, de s’exprimer de plus en plus contre les conséquences néfastes de la loi Taubira. Le groupe Cambacérès, qui regroupe 82 anciens élèves de l’ENA, interpelle sur Atlantico le président de la République. Sur notre site, c’est un haut fonctionnaire qui appelle le mouvement de La Manif pour tous à aider le corps social à retrouver le chemin de sa reconstruction. La méthode qu'il préconise : coaguler les forces en présence sur quelques points d'accord fondamentaux autour du droit de l'enfant.
LE MECONTENTEMENT dans la rue, fût-il massif, ne suffit pas à inverser le cours politique des choses. Ou alors il s’agit d’une évolution où le peuple décide de renverser ses institutions et ses gouvernants par la force, sans autre forme de procès, si l’on peut dire. Les Manifs pour tous du 13 janvier, du 24 mars, du 21 avril ou du 5 mai… n’ont pas, apparemment, exprimé cette volonté.
Mais pourtant, une volonté claire s’est manifestée, un refus instinctif et atavique qu’on touche à un fondement considéré comme essentiel, principal de l’affectio societatis : non pas l’institution du mariage mais le droit de tout enfant à connaître un père et une mère, qu’ils le soient selon les lois de nature ou qu’ils en soient les substituts légaux. 2013 n’est pas le 1984 de l’école libre ni le 1906 des inventaires. Le poids du catholicisme, fût-il réduit à une identité sociologique, n’est pas à lui seul suffisant pour faire prévaloir son bon droit, qu’il porte sur ses écoles ou sur ses édifices cultuels.
Mais c’est justement et paradoxalement le signe d’une espérance en 2013 plus profonde.
Nous ne sommes pas, sur le sujet du mariage pour tous, dans un combat entre cléricaux et anticléricaux, même si le poids des catholiques engagés dans ce combat est substantiel, tout simplement parce que 45 millions de Français sur 65 sont baptisés dans l’Église catholique.
La diversité jusqu'à l'apparemment absurde ou à l'hétéroclite des soutiens de La Manif pour tous, d'homosexuels à traditionalistes, de bourgeois de province à musulmans de banlieues, d'Antillais socialistes à Bretons enracinés, sans oublier ce qu'il faut de saltimbanques, laisse au premier abord une impression étrange (que peuvent-ils avoir en commun ?) mais finalement rassurante. Comme si la société française, dont le délitement s'accélère, tentait par un ultime effort de se ressaisir sur le plus petit dénominateur commun de notre contrat social : qu'un enfant, fût-il élevé par un seul de ses parents, ou dans une famille recomposée ou pas, en quête ou non de ses origines naturelles, quels que soient sa race, son origine, sa religion, sa classe sociale, puisse continuer à naître véritablement, mais aussi juridiquement d'un père et d'une mère, qu'ils fussent ou non mariés ; que ce droit imprescriptible reconnu par la Convention des Nations-unies sur les droits de l'enfant ne lui soit pas définitivement enlevé... Au risque de basculer dans le « meilleur des mondes » dont Aldous Huxley nous narre combien le mot « mère » est proscrit du vocabulaire courant, honni et ne doit jamais être prononcé.
Juste avant l'abîme, une réaction désespérée, un dernier réflexe vital du corps social, d'une société, d'un peuple plurimillénaire qui ne veut pas disparaître comme peuple organiquement constitué ni se résumer à un agrégat d'individus désunis.
Dernière chance avant la fin du peuple
Cette chance est à saisir. Après, il n'y aura plus de peuple, plus de société française, ce monde disparaîtra, il y aura toujours des hommes, des femmes, des enfants, certains repliés dans des communautés étanches, fermées à l'extérieur, d'autres livrés à un Léviathan sans visage, individus anonymes sans passé, sans histoire, sommés de consommer et de jouir sans fin, mais interdits de questionner, de se questionner, de chercher ce mystère des origines et de le perpétuer. Il n'y aura plus de peuple français.
Cette chance est à saisir vite. Il n'est plus temps de se disputer entre bisounours, humoristes, croyants, laïcs, gauche, droite. Il faut retrouver le sérieux des circonstances et se ressouvenir d'un esprit, d'un élan, un peu trop mythifié peut-être dans notre roman national mais finalement plus pragmatique qu'idéaliste, ou plutôt, pragmatique parce que l'idée qu'il portait n'était autre, osons le dire, que le salut de la France.
Le Conseil national de la Résistance fut un moment improbable de notre histoire. La Charte qu'il élabora a aujourd'hui la vertu d'un mythe commode, celui d'une réconciliation nationale entre toutes les factions, qu'on n'attendait pas. Mais ne fut-elle pas surtout un compromis pratique entre les forces politiques en présence qui acceptèrent de mettre entre parenthèses leurs points d'opposition pour définir le socle d'une reconstruction intellectuelle, morale et spirituelle de la Nation, en vue, une fois la victoire obtenue, de maîtriser elle-même son destin ?
Reconstruire sur les fondamentaux
Toute proportion gardée, on peut estimer que notre société bigarrée, éclatée, peut-être plus multiculturelle et métissée qu'elle ne l'a jamais été, peut retrouver le chemin de sa propre reconstruction sur quelques points d'accord fondamentaux.
Tout d’abord, reconstruire sur le socle du droit de chaque enfant à avoir un père et une mère, c'est-à-dire sur une histoire qui lui permette de se mettre debout et d'avancer. Oui, nous voulons reconstruire notre pays sur l'amour d'un père et d'une mère pour les enfants que la nature leur donne ou que la Nation leur confie.
Il faut donc très vite structurer ce mouvement profond qui cristallise d'autres motifs de mécontentement légitimes mais seconds, pour qu'il devienne une force politique, une expression politique qui emmènera dans son sillage les autres questionnements, les autres inquiétudes et peurs qui traversent tout le corps social. Reconstruire le sens du bien commun autour de nos enfants.
Cette structuration politique passera, c'est humain et c'est naturel — par une coagulation des forces en présence autour de principes communs, d'objectifs communs au service desquels le combat, la lutte politique pourra s'amplifier :
"♦ l'enfant n'est pas une chose – il n'y a pas de droit à l'enfant, il n'y a que des droits de l'enfant, qui lui permettent aussi d'accomplir ses devoirs envers son père et sa mère, envers la Cité ;
♦ le père, la mère ne sont pas des idées, des concepts, ils ont des devoirs envers leurs enfants, ce qui leur donne des droits pour pouvoir exercer leur responsabilité de parents et d'époux ;
♦ la société doit une garantie aux familles qui élèvent leurs enfants en leur donnant les moyens de le faire par rapport à ceux (et ils sont libres) qui n'en élèvent pas. Ce principe fondamental de solidarité est au cœur du régime des prestations familiales ;
♦ le père et la mère sont les premiers éducateurs de leurs enfants. L'autorité parentale doit être reconnue et défendue par la Nation mais aussi ne pas s'exercer au détriment de l'intérêt premier de l'enfant ;
♦ l'enfant n'est pas une terre vierge à endoctriner, c'est un être dont la dignité appelle à la liberté, dont la conscience formée et éclairée par ses parents, ne peut être violée, enrégimentée, déformée, conditionnée par l’État ou la société ;
♦ l'enfant à naître n'est pas une marchandise ni un produit fabriqué mais un être humain unique et indisponible ;
♦ la protection par la société est due aux enfants dépourvus de famille et s'exerce à titre subsidiaire.
"
La base de ce combat doit être maintenant de repartir de ces principes pour les faire prévaloir, pour les imposer aux oligarchies politiques, économiques, médiatiques en place.
Ce ne sera sans doute pas assez pour certains, beaucoup trop pour d'autres. Mais il faudra aussi y rajouter les autres éléments d'ordre plus social ou économique que les crispations actuelles révèlent :
"♦ la montée de la pauvreté dans nos villes, nos quartiers, nos villages ;
♦ la dette publique qui paraît ne plus pouvoir être jugulée par personne et le poids d'une fiscalité devenu insupportable parce que ni équitable ni productive ;
♦ le chômage de masse qui s'installe lui aussi dans des bassins de population entiers ;
♦ l'insécurité et les périphéries allogènes de la société, partagées entre repli intégriste et dérive délinquante ;
♦ la disproportion croissante entre niveaux respectifs de revenu et de responsabilité au service de la cité ;
♦ le verrouillage du pouvoir politique, économique et médiatique par un personnel politique oligarchique et coopté, devenu impuissant face à des contraintes extérieures (droit européen, libre échangisme effréné) qu'il a lui-même acceptées ;
♦ le saccage de plus en plus visible du patrimoine naturel, paysager et rural qui a forgé l'âme de la France ;
♦ le saccage des mentalités par le développement d'addictions de toutes sortes qui sont autant de paradis artificiels où la jeunesse cherche en vain un refuge ou une raison d'exister ; il nous faut sortir de la caverne de Platon et dissiper les fausses ombres qui la peuplent.
"
Il est urgent que les différentes résistances se rencontrent maintenant et s'organisent.
Il est urgent que plusieurs bonnes volontés, issues des horizons les plus divers, abdiquent leurs étiquettes politiques, philosophiques ou religieuses pour écrire ensemble une nouvelle Charte de la résistance française, un Appel à la République pour tous.
Appel lucide sur les déchirures et blessures de notre tissu social, modeste devant l'immensité de l'ouvrage à reconstruire mais avec au cœur, la petite sœur Espérance qui fera luire la flamme de notre résistance : puisse-t-elle ne jamais s'éteindre et nous donner la victoire !
Car c'est l'amour pour nos enfants qui nous habite, et rien d'autre.
Anonyme tenu à l'obligation de réserve
Photo : © LMPT-Bonnafont/Liberté politique