Pour nous, Français, l'actualité africaine du mois d'octobre a été dominée par la mutinerie militaire en Côte d'Ivoire et ses conséquences politiques. La situation sur le terrain est figée : la moitié nord du pays est contrôlée par les mutins, l'armée française s'interposant entre eux et les forces gouvernementales qui se sont montrées incapables de prendre le dessus militairement.
Côte d'Ivoire. La mise sur pied d'une force africaine d'interposition se révèle laborieuse. Le gouvernement de Laurent Gbagbo maintient ses accusations contre le Burkina-Faso qu'il accuse de soutenir la rébellion. La médiation ouest-africaine, menée par le Sénégal, a permis l'arrêt des combats et des négociations sont en cours à Lomé, sous l'égide du président togolais Gnassingbe Eyadema. Au bout d'une semaine le résultat est encore bien maigre : les revendications corporatistes des militaires mutinés ont été prises en compte, maintien dans l'armée et amnistie. Le Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI) est apparu sur la scène, porteur de revendications politiques : élections anticipées pour effacer les résultats "truqués" des précédentes.
Pendant ce temps, et cela pèse lourdement sur le climat des négociations, le camp gouvernemental tente de se renforcer : achat d'armement (quelques blindés et peut-être un hélicoptère) et surtout engagement de mercenaires. La chasse aux étrangers est officiellement prohibée mais des réfugiés arrivant au Mali, en Guinée ou au Burkina-Faso apportent des témoignages de sévices divers. Les destructions de quartiers précaires se poursuivent à Abidjan. De leur côté, les rebelles semblent également recevoir des renforts en armes et munitions et tentent de mettre en place un semblant d'administration dans la zone qu'ils contrôlent. Leur justice est expéditive et, chez eux aussi, on signale exactions et pillages. L'avenir reste très incertain.
Centrafrique. Pendant ce temps, Bangui, capitale de la Centrafrique a connu un nouvel épisode violent. Un groupe armé venu du Nord du pays (ou du Tchad ...) a tenté une fois encore de renverser le président Ange-Félix Patassé. Sa garde lybienne, renforcée par des Congolais du MLC de Bemba, est venue à bout des rebelles après une semaine de combats dans le nord de la ville. L'affaire était menée par le général Bozizé, chef d'état-major déchu de l'armée centrafricaine, réfugié au Tchad. Le Tchad fait grief à la Centrafrique d'abriter l'un des opposants à son président Idriss Déby, le "général" Miskine. Le Tchad est également inquiet de la présence à Bangui d'éléments lybiens. Ces violences interviennent au moment où la Communauté des États d'Afrique centrale (CEMAC) tente de les remplacer avec une force régionale pour assurer la sécurité de Patassé.
Congo. Ces violences ne doivent pas cacher la progression difficile mais réelle de la paix au Congo. Les forces rwandaises se sont entièrement retirées des zones occupées de l'Est du pays. Les alliés de Kinshasa, Zimbabwéens et Angolais, en ont fait autant. Ces retraits ne sont peut-être pas aussi complets qu'on le dit mais les hostilités "internationales" ont cessé. Des combats entre groupes locaux ont suivi ce retrait et la population en fait toujours les frais. La diplomatie est active : les différentes factions congolaises discutent à Pretoria de la mise en place d'un gouvernement de transition. Kabila, le président congolais, et Kagamé, le président rwandais se sont rencontrés vendredi 1er novembre en Afrique du Sud. Au même moment, un groupe d'une dizaine de chefs hutus rwandais réfugiés au Congo sont expédiés au Rwanda. Monnaie d'échange ? Cette "livraison" a immédiatement déclenché des combats dans les centres de regroupements des hutus rwandais au Congo, matés au prix de nombreux morts par des soldats angolais, officiellement partis du Congo. Le désarmement des combattants hutus est une des conditions du retrait rwandais.
Soudan. Le conflit soudanais semble aussi en passe de trouver une solution. Des accords ont été signés au Kenya entre le gouvernement de Khartoum et la rébellion de John Garang. Leur mise en application est difficile et des combats ont toujours lieu dans le sud du pays. L'armée soudanaise ne paraît guère soumise au pouvoir politique ou bien celui-ci joue un double jeu pour se rapprocher des Américains qui l'ont accusé de soutenir le terrorisme islamique.
Nepad. Le lundi 4 novembre s'ouvre à Abuja, capitale du Nigeria, un sommet africain consacré au Nepad, l'initiative de développement africaine. Des dissensions sont apparues avant même l'ouverture du sommet à propos de "la bonne gouvernance", entendue comme la défense des droits de l'homme et la démocratisation de la vie politique. L'Afrique du Sud refuse tout contrôle sur ce sujet.
L'instabilité et la violence empêchent tout développement : les indicateurs de pauvreté ne s'améliorent pas en Afrique au Sud du Sahara. Mais la pauvreté et le peu d'espoir d'améliorer sa condition de vie ne sont-ils pas des causes de violence ? Les dirigeants africains sont responsables de la misère de leurs populations, utilisant le pouvoir à leur profit et à celui de leur groupe ethnique. Cette attitude engendre un esprit de vengeance et le changement politique n'est le plus souvent qu'un changement de prédateurs. La transformation des mentalités est une œuvre de longue haleine qui mobilise toute la société. Il faudra sans doute encore longtemps et bien des souffrances avant que n'arrivent au pouvoir les "hommes nouveaux" que l'on voit pourtant émerger dans toutes les sociétés africaines...
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