Article rédigé par Antoine Besson, le 01 octobre 2011
Comme chaque année à la rentrée, les enseignants ont délaissé élèves et tableaux noirs pour descendre dans la rue. Mais le mouvement cette année a particulièrement marqué les esprits du fait de la mobilisation conjointe du privé et du public. Un événement qui vient s'ajouter à la longue liste des signes du malaise de l'Education nationale.
Les suppressions de postes : un simple élément déclencheur
Le mouvement qui a mobilisé mardi dernier 29% des professeurs du primaire et 22% du secondaire a été lancé par les syndicats (privés et publics confondus) en réaction à l'annonce du projet du gouvernement de supprimer 14.000 postes d'enseignants pour 2012. Mais les raisons du mécontentement de ces professeurs allaient bien au-delà de cette simple mesure. C'est ainsi qu'un principal de collège en grève témoigne sur Rue89 : Le quotidien est devenu infernal, et le sentiment général est que cette école est déboussolée. Elle ne répond plus aux attentes ni de la société, ni des parents. .
Claude Berruer, adjoint au Secrétaire général de l'enseignement catholique, partage en partie ce point de vue. Pour ce dernier, les enseignants n'ont pas manifesté pour une revendication catégorielle mais plutôt pour que l'Etat leur redonne la capacité d'exercer un métier qu'ils ont choisi dans un contexte favorable au service des jeunes et des familles.
Les signes annonciateurs d'un malaise plus profond
Pour comprendre la grogne générale des enseignants, pas question donc de s'arrêter au seul manque de moyens. Le malaise est plus profond et de nombreux signes l'attestent. Sur les seuls derniers mois, la capacité de l'Education nationale à constituer des programmes dépourvus d'idéologie a été battue en brèche par l'affaire de l'enseignement de la théorie du gender en classe de première. A la rentrée, c'est le retour en force des écoles hors contrat qui interrogeait les médias. Voici maintenant que les professeurs descendent en masse dans les rues avec un consensus pour la grève rarement atteint par les syndicats.
L'école va mal. Et si le constat est facile, la nature du malaise est beaucoup plus difficile à identifier. Est-ce un problème de moyens comme le laissent supposer les revendications des syndicats ? A en croire les récents rapports budgétaires de l'INSEE, de la Cour des Comptes et de l'Education nationale, ce ne serait pas le cas.
D'après le rapport L'état de l'école (télécharger), l'Education nationale emploierait 852 907 enseignants pour 12 millions d'élèves environ soit un professeur pour 14 élèves. Un ratio très éloigné de la réalité comme le constate l'association SOS Education à l'origine d'un message choc qui reprend toutes ces données et qui circule sur internet.
Le manque de moyens n'est pas non plus financier rappelle le spot de SOS Education. D'après les rapports budgétaires, les dépenses d'Education sont de 132 milliards d'euros sur un budget total de l'Etat de 283 milliards. Une somme considérable, aujourd'hui mal employée, qui entretient les rouages d'une très lourde machine administrative qui emploie notamment 126 915 fonctionnaires non-enseignants assimilés à du personnel de bureau.
Un problème de fond : la mission de l'Ecole
Claude Berruer dans son analyse dénonce un problème de fond. De son point de vue, l'école doit retrouver le sens de sa mission : L'identité professionnelle des professeurs est au cœur du problème. Ils ne savent plus ce que la nation et les familles attendent de leur école. Ils ne remettent pas en cause leur choix professionnel mais ont besoin de vrais repères ! A l'heure de l'ère numérique et de la disponibilité exponentielle du savoir, le professeur est dans une situation très paradoxale. Il ne se définit plus comme dépositaire du savoir.
Que doit transmettre l'enseignant aujourd'hui ? Comment se définit-il ? Ces questions, concernent au premier chef les professeurs qui incarnent cette mission de l'école: Les professeurs se sentent de plus en plus surchargés tandis que le ministère envoie un signal fort de réduction des moyens. Ils doivent faire face à des demandes cumulatives sans hiérarchisation. Autrefois, l'école était le lieu de l' instruction publique tandis que la famille éduquait les enfants. Mais la société a évolué et l'école est également devenue le lieu de l'éducation. Aujourd'hui, la mutation continue et il revient à l'école d'intégrer et d'orienter en plus d'instruire et d'éduquer. Le problème réside dans le fait que ces missions que l'Etat confie à l'école ne sont absolument pas hiérarchisées. Les enseignants doivent tout mener de front sans compter les demandes composites des parents !
L'urgence de la réflexion et du discernement
Le constat n'est donc pas très encourageant sur la situation présente de l'école. Mais le problème apparaît davantage politique que financier ou humain. Il est donc possible d'espérer une évolution positive dés lors qu'existerait cette volonté politique. Alors qu'il est difficile d'augmenter les moyens alloués à l'éducation dans ces temps de crise, la période électorale est en revanche favorable aux changements politiques. Il est donc essentiel de nous mobiliser et de faire entendre cet appel à repenser la mission de l'école.
La solution est dans la simplification et la hiérarchisation des objectifs. Si la culture est ce qui reste quand on a tout oublié, que veut-on qu'il reste à nos enfants ? s'interroge Claude Berruer. Les politiques de demain devront être capables de dire les fondamentaux de notre société et de notre pays afin d'ordonner les objectifs de l'école et ainsi redonner aux enseignants le sens de leur identité professionnelle. L'école est depuis trop longtemps abandonnée aux syndicats au détriment des intérêts des enfants, des familles et des enseignants se plaint SOS Education. Sans contester la légitimité des syndicats à défendre les conditions de travail des maîtres, il faut refaire aujourd'hui de la question éducative une question politique répond Claude Berruer.
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