Article rédigé par Antoine Besson, le 09 septembre 2011
[SUITE ET FIN DE NOTRE SERIE D'ETE] Le débat fait rage chez les catholiques et n'est pas exempt de passions. Quelle que soit votre position, quels que soient vos propos, nul n'est à l'abris ! La toile est le théâtre d'un affrontement entre pro et anti Harry Potter qui n'a d'égale (et encore) que l'affrontement final de la célèbre saga littéraire entre les adeptes de Voldemort et les défenseurs de Poudlard...
Ni ange, ni démon... Voilà peut-être ce qui dérange le plus dans Harry Potter. Car c'est vrai, le Christ n'est pas à la source de l'inspiration de J.K. Rowling, l'auteur des aventures du célèbre sorcier. C'est notamment ce qui différencie la saga d'une autre œuvre littéraire colossale comme Le monde de Narnia, d'un autre auteur à initials, théologien celui-là, C.S. Lewis. Si les intentions de l'auteur sont incertaines (Rowling ne s'est confiée que très rarement aux médias), il apparaît cependant qu'elles ne soient pas catholiques. Dés lors, la fiction se nourrissant de l'expérience, il faut concéder à tous les anti que Harry Potter n'est pas une œuvre d'évangélisation. Plus encore, l'auteur vit dans une société sécularisée qui rejette Dieu et ce qui y conduit. Il est donc possible de supposer que l'inspiration de J.K. Rowling soit athée et peut-être même anti-chrétienne.
Concédons également que Rowling trouve une part de son inspiration dans la tradition millénaire de la magie comme le souligne à raison Mona Mikaël : les sorciers se reconnaissent entre eux et sans risque d'erreur. Ils n'ont qu'à, d'un clin d'œil, lire les symboles qu'ils voient (habillement, accessoires, bijoux, couleurs, gestes, etc.). Ils repèrent ces symboles, reconnaissent les rituels, les attitudes, les sorts, où que ceux-ci se trouvent et sous les meilleurs masques, dans la réalité tout comme dans la fiction [1]. Il est évident que la première tâche de l'écrivain est de se documenter sur l'univers qui sert de cadre à son récit. Ce serait avoir une piètre opinion de J.K. Rowling que de penser qu'elle ne s'est pas documentée sur les magiciens pour rédiger sa saga littéraire qui se déroule dans un décor magique. De fait, la magie comme réalité de notre monde a eu une influence sur les romans d'Harry Potter. Ce que confirme Steve Wohlberg, protestant, dans son livre Exposing Harry Potter and Witchcraft (pp. 64-65) :
Outre les lieux réels (l'Angleterre, l'Afrique, l'Irlande, l'Égypte, l'Australie et l'Amérique), l'auteur cite les noms de personnages réels (Nicolas Flamel, Adalbert Waffling et Helena Blavatsky), de compagnies réelles (Llewellyn Publications au Minnesota), d'outils réels (baguette magique, chaudron, boule de cristal) et de pratiques réelles (lancement de sorts, numérologie, divination, astrologie, chiromancie, enchantements, boule de cristal, voyage astral et spiritisme) ; tout cela est mentionné dans les livres chargés d'occultisme de JK Rowling. Il est vrai qu'à ces choses sont soigneusement mêlés des éléments imaginaires, mais le fait demeure : ces pratiques sont réelles et des sorciers réels s'y adonnent aujourd'hui sur toute la planète.
Faut-il pour autant brûler Harry Potter ?
A propos tout d'abord de l'auteur, on peut se demander si le débat sur Harry Potter doit réellement porter sur les intentions de J.K. Rowling. Nous ne le pensons pas et cela pour deux raisons au moins.
D'une part, J.K. Rowling s'est montrée très discrète sur ses intentions et a une forte tendance à fuir les médias, ce qui rend son opinion pratiquement insaisissable. Par ailleurs, si d'aucuns ont cru un jour trouver trace d'une déclaration explicite des intentions de l'auteur de Harry Potter, il s'est trouvé que c'était un faux diffusé sur Internet par le site satirique The Onion [2] ! Il ne semble donc exister aucun moyen à l'heure actuelle pour supputer sur ses intentions premières. Le plus claire de ce que nous savons de ces motifs est ce qu'elle dit j'ai écrit ce que j'aimais lire. J'ai écrit une histoire complexe avec beaucoup de mystères et de surprises car c'est ce que j'aime, et j'ai créé des personnages qui m'intéressaient profondément, donc je suppose que beaucoup de lecteurs sont comme moi. [3]
D'autre part, juger d'une œuvre littéraire uniquement depuis la vision de l'auteur est réducteur. Ce serait comme juger toutes les œuvres de Van Gogh comme les délires d'un fou. L'œuvre possède sa propre réalité et sa propre existence indépendamment de son créateur et de l'intention qui a présidé à sa création.
Concéder le caractère non chrétien, voire païen, des livres de Rowling, ne signifie pas pour autant que nous souscrivons à la chasse aux sorcières qui animent ceux qui rejettent Harry Potter comme œuvre démoniaque.
Tout d'abord, parce que notre étude démontre que l'ensemble du roman repose sur une éthique rigoureusement saine, initiée dans l'histoire de la philosophie par Aristote (un païen !). Philosophie largement baptisée depuis par l'Eglise.
Ensuite, une œuvre littéraire existant indépendamment des intentions de son auteur, il est possible dans faire plusieurs lecture. C'est ainsi que madame Mona Mikaël écrit :
C'est une donnée de base connue des occultistes : les outils du sorcier (baguette, balai, couteau et chapeau pointu) sont des symboles phalliques ou sexuels, c'est-à-dire qu'ils ressemblent par leur forme à l'organe masculin. Sachant cela et sachant que chaque outil reflète les attributs de son maître, relisons un passage qui se trouve au Tome 4 : c'est l'examen des baguettes magiques avant le Tournoi des Trois Sorciers, pour s'assurer qu'elles fonctionnent bien. La baguette ici décrite est celle de Viktor Krum, le champion bulgare de Quidditch, également bien connu pour son goût prononcé pour les jolies sorcières : "Bois de charme avec un cœur de nerf de dragon. Plus épaisse que la moyenne... Très rigide... Dix pouces et quart... Avec une détonation semblable à celle d'un pistolet, la baguette projeta une volée de petits oiseaux qui s'envolèrent dans le ciel humide." (La coupe de feu, p. 330) Disons-le sans pruderie : c'est une éjaculation ! [4]
Est-ce que Mona Mikaël ne sollicite pas le texte ? Eviter une lecture partisane n'est pas toujours facile. C'est la raison pour laquelle notre étude publiée cet été (Harry Potter et l'au-delà de la fiction [5]), s'est attachée, non pas à son décor ou à des éléments symboliques toujours sujet à impressions mais sur les éléments philosophiques et éthiques qui sont sous-jacents dans le récit. Connaissant la renommée d'Harry Potter dans notre société et particulièrement le succès auprès des jeunes enfants, conscients que la fiction, par le biais de l'imagination, a un impact réel sur l'intelligence et le jugement en formation des adolescents, il nous a semblé intéressant d'offrir aux lecteurs de libertepolitique.com et spécialement aux éducateurs des pistes de réflexion et de conversation qui leurs donnent des clefs pédagogiques capable de former le jugement de jeunes lecteurs.
Enfin, souvenons-nous du vieil adage Le diable porte Pierre . C'est la réaction des chrétiens qui compte en premier lieu au contact de la culture. Il nous faut discerner le bon du mauvais certes mais notre action ne s'arrête pas là ! Encore faut-il ensuite faire l'effort de se réapproprier le monde qui appartient pour l'heure rappelons-le au dragon : Et il fut précipité, le grand dragon, le serpent ancien, appelé le diable et Satan, celui qui séduit toute la terre, il fut précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui (Ap 12, 9). La veille des chrétiens va jusque là ! Elle exige l'action dès ce monde. C'est ainsi par exemple qu'une œuvre fondée par un franc-maçon, le scoutisme, a pu, bénéficiant de l'influence et de l'action des chrétiens, donner les fruits que l'on sait.
Un autre anti Harry Potter, Michael O'Brien, l'auteur de Père Elija, une apocalypse, situe aussi le problème au niveau de la culture, usant de l'habituel dichotomie entre culture de mort et culture de vie !
Harry Potter est représentatif d'une vague de révolution culturelle qui le dépasse largement et où nous sommes tous immergés, et je crois qu'il s'agit aussi d'une révolution spirituelle – une révolution spirituelle négative. Cela nous montre que nous autres chrétiens avons été si saturés par le déplacement de symboles dans notre manière de penser, dans notre imagination, alors que dans le même temps nous sommes devenus tellement accros de la culture du divertissement, que nous ne voyons plus où est le problème, sans même parler de la manière d'y résister. [6]
En réalité, le problème n'est peut-être pas tant dans le fait d'être immergé dans une culture que nous subissons mais plutôt dans celui de subir une culture dans laquelle nous ne sommes pas assez immergés ! Notre rôle de chrétien dans la cité exige de nous, non seulement que nous affirmions que nous sommes pour une culture de vie mais encore que nous la créions ! Qu'attendent les chrétiens pour se réapproprier la culture ? Qu'attendons-nous pour créer le beau, le bien et le vrai dans notre société, à l'image du Christ ?
[1] Mona Mikaël répondant à notre fil A propos de Harry Potter, Mona Mikaël et la rigueur scientifique par Antoine Gazeaud sur http://jesusmariejoseph.forumgratuit.fr
[2]http://web.archive.org/web/20000815214418/http://www.theonion.com/onion3625/harry_potter.html
[3] http://www.h-potter.com/repaire-rowling/interviews/2007/2210-toronto.htm
[4] Idem
[5] Voir :
- Les dangers spirituels de la magie (1/6)
- Voldemort : une allégorie du mal dans Harry Potter ? (2/6)
- Dumbledore, l'homme sage dans Harry Potter ? (3/6)
- Poudlard, une école de vie ? (4/6)
- Le jugement moral dans Harry Potter (5/6)
- Ron et Hermione, les leçons sur l'amitié (6/6)
[6] Harry Potter : une interview de Michael O'Brien (2)
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