Article rédigé par François Le Forestier de Quillien, le 20 février 2009
Lettre d'un jeune français engagé au service des réfugiés irakiens en Syrie. — J'habite loin, en Syrie, où je travaille avec les réfugiés irakiens. De là-bas, j'ai appris que trente députés de la majorité, mécontents des conclusions du récent rapport Léonetti, souhaitaient une loi autorisant l'euthanasie.
En lisant les courriers des lecteurs des journaux nationaux réagissant à cette actualité, je remarquais à quel point en fait nous devenons de plus en plus individualistes. Nous sommes obsédés par les bagnoles, par les vacances à la plage, par les loisirs, par le confort, le pouvoir d'achat, par le droit à ceci, par le droit à cela, par le droit à mourir en paix... Nous ne savons pas ce que nous disons, nous sommes devenus comme fous. Jamais nous ne nous sommes battus pour vivre et nous avons oublié que l'être est bien plus important que le bien être, que nous avons une chance inouïe de vivre et la possibilité incroyable d'aider nos proches à vivre aussi.
J'entends parfois des vieux paysans qui disent ah il nous faudrait une bonne guerre pour remettre la France debout ! Et bien, ils n'ont peut-être pas tort nos gens de bon sens, car je vois que nous ne comprenons plus la valeur de la vie. Nous ne voyons plus combien la vie est belle même si elle est dure, qu'elle est un cadeau même si elle comprend son lot de souffrance, qu'en définitive elle nous dépasse et que nous devons nous en émerveiller. Nous nous regardons tellement nous-mêmes que nous ne voyons plus les autres, que nous ne voyons plus la vie des autres, que nous ne voyons plus nos propres vies, que nous ne voyons plus la vie, que nous ne l'aimons plus, la vie.
Des rencontres en vérité
Ce qui est vrai, c'est que de voir des personnes mourantes, blessées, fragiles, diminuées, nous met mal à l'aise. On ne sait plus trop où se mettre, on se sent à son tour bien faible. Ce qui est vrai aussi, c'est que ces personnes mourantes, blessées, fragiles, diminuées, obligent à nous mettre en question.
Bien souvent ces rencontres sont des rencontres en vérité, sans fards, sans faux-semblants. Ces rencontres nous révèlent au plus profond de nos êtres avec ce qui est bon en nous et ce qui l'est moins.
La force de notre société, celle de notre civilisation, c'est de protéger les plus faibles. Au centre, ce n'est pas l'individu, mais les individus en relation. Ce n'est pas moi qui le dit, ce sont les mots mêmes de la devise de notre cher pays. Si nous reconnaissons à un individu le droit de se donner la mort, c'est toute la société qui meurt, c'est toute notre civilisation qui s'écroule. L'individu devenu la valeur ultime, la fraternité qui anime l'humanité s'éteint. Leurs morts, c'est notre mort à tous, la mort de chacun de nous.
Alors il est temps de redonner à la France une réponse à sa désespérance, une réponse à toutes celles et tous ceux qui croient qu'un jour leur seule issue sera de commettre l'irréparable . Et après ? Jusqu'où ?
Le sens de la vie
À tous les vieux militants cathos de la génération de mes parents, les résistants de l'Eglise en crise, vous êtes valeureux mais bien souvent quand vous donnez de la voix, vous ne faites que tendre des bâtons pour vous faire battre. Ca n'est pas en répétant à l'envi La vie est sacrée ou Nous combattrons jusqu'au bout que vous ferez avancer le débat.
À tous les militants de l'euthanasie : Comment pouvez-vous dépenser autant d'énergie pour permettre aux Français de se tuer ? Pourquoi ne vous battez-vous pas avec autant de force pour ceux qui ont mal à en mourir, pour les aider à vivre, à continuer ? Moi je vous embauche toute suite, au chevet des malades, des orphelins, des clodos, de tous ceux qui ont mal de vivre ! Eux ne demandent pas la mort, ils ne demandent qu'à vivre !
À tous ceux qui sont demi-smicards, handicapés, déprimés, malades du désespoir, en fin de vie, défigurés, déglingués du ciboulot, vieux grabataires, torturés par des bourreaux, exploités par des patrons truands, violés dans leur intimité, dégoûtés par l'injustice, je dis "rien n'est foutu", il y a toujours des ressources nouvelles en vous et dans les autres qui feront de vous des êtres debout. Votre vie a un sens, celle d'une humanité mystérieuse qui nous dépasse. Votre vie donne du sens à notre vie car elle nous dit ce que nous sommes finalement, des êtres bien faibles mais tellement beaux face à des questions sans fin : la mort, la vie, avant, après...
Yallah, la vie est, et c'est assez pour qu'elle soit vécue, jusqu'au bout, protégeons la !
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