Article rédigé par Didier Sarrazin, le 06 juin 2003
L'intéressante analyse d'Aline Lizotte sur l'encyclique Ecclesia de Eucharistia (Décryptage, 23/V/03) m'a donné un éclairage très utile et synthétique du point de vue catholique sur la célébration eucharistique. Merci. J'avais entendu beaucoup d'approximations sur ce texte.
Regrettons qu'une fois de plus, des expressions saines de conviction soient attaquées comme "intolérantes"... Comme si affirmer une position claire était en soi comparable à un acte de violence ! Bien plus violent à mon sens est un charabia creux prétendu "ouvert" que l'on ne peut critiquer sans se voir insulter... Je ne me sens pas agressé par l'article, qui exprime une conception de la Cène, et donc de l'Église, très différente de la mienne (protestante).
Lors des messes, comme protestant réformé, je ne me sens pas autorisé à communier physiquement (je suis marié sans sacrement avec une catholique romaine). Je communie dans l'écoute de la Parole de Dieu, sans jouer sur les mots. Je pense ainsi respecter des convictions que je ne partage pas. Je ne comprends pas l'acharnement de nos pasteurs protestants à vouloir forcer l'accès à une table d' "autel" contraire à leurs doctrines. Fondés sur la seule Écriture, nous avons rompu, parfois agressivement, avec les traditions médiévales, voire récentes, que respectent d'autres chrétiens dans d'autres lectures de la Sainte Bible.
Personnellement, je désapprouve le zèle dit "oecuménique" mal appliqué. Certains veulent conformer autrui à ses propres opinions doctrinales, sans son consentement, en lui faisant poser des actes contre sa conscience. Non. Saint Paul nous invite au contraire à respecter le frère fidèle que nous trouvons "faible" dans la foi (attaché dans son exemple aux interdits alimentaires). De telles attitudes dévaluent nos confessions de foi en Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, un seul Seigneur au service duquel nous sommes unis. Nous devons veiller à l'authenticité de cette base de communion, quitte à la trouver trop étroite... Christ est le seul fondement qui nous soit donné ici-bas !
Nous devons à Dieu un culte "en Esprit et en vérité". Où serait la sincérité, dans une célébration "oecuménique" où un prêtre honnête agirait en tremblant de profaner une "Substance" sainte, et où un pasteur cohérent prendrait l'hostie avec des restrictions mentales dignes des jésuites des pires caricatures ? L'encyclique récente qui rappelle les positions habituelles des catholiques romains sur le sujet est de ce point de vue un arrêt opposé à l'hypocrisie. Gardons de part et d'autre nos cultes et organisations respectifs, en accord avec notre conscience. Reconnaissons en pleine lumière nos divergences "réelles", qui n'empêchent pas le respect mutuel et d'autres formes de fraternisation que la "communion dans le flou doctrinal". L'ambiguïté n'est pas une valeur évangélique : "Que ton oui soit oui et que ton non soit non", ordonne au contraire Jésus.
Prêtres et pasteurs peuvent et doivent témoigner ensemble de Jésus-Christ, par exemple en agissant ensemble dans les domaines primordiaux de la charité agissante et de la morale, où les pasteurs réformés errent parfois dangereusement loin de la Parole de Dieu... Ne nous posons pas les uns aux autres de lourds problèmes inutiles et archaïques. L'essentiel sur la Cène a été écrit avec talent depuis des siècles !
Cela s'aplanira de soi-même dans la convergence propre aux réflexions menées de bonne foi et dans le souci principal de la vérité. Avec le temps, les protestants finissent par annoter leurs bibles et les catholiques à remettre la Vulgate à sa place... Nous protestants, commençons à prendre conscience des conséquences de la lecture de la Bible en Église et non dans la solitude. Les catholiques romains commencent à réfléchir sur un positionnement des autorités ecclésiales qui laisse à Notre-Seigneur seul la première place. Prions pour approfondir encore notre unité en Christ. Si le Jugement ne vient l'interrompre, c'est un chemin qui prendra des siècles. Nous avons la "nuque raide".
Il est pour l'heure des combats urgents à mener par tous les chrétiens ensemble, sur des sujets comme la défense de la vie et de la dignité humaine : euthanasie, valeurs familiales, avortement, morale publique... Si Jésus semblait d'accord avec la primauté du culte à Jérusalem, il le perturba dans un accès de sainte colère, il prêcha la Samaritaine, et il relativisa l'importance qu'il y avait à honorer Dieu dans le Temple ou sur le mont Garizim... Je trouve très inopportun, en ces temps pénibles de recul de la foi confessée en Christ, de raviver des déchirements douloureux entre chrétiens, contre-témoignages scandaleux de l'Évangile.
Ces questions dépassent de beaucoup les connaissances du public, même cultivé. Soyons discrets dans ces débats.
Rappelons-nous qu'ils ont fait et font toujours le lit de l'islam ou, bien pire encore, de l'incroyance et de l'immoralité qui dominent dans notre époque. Ils n'ont de sens que pour ceux des chrétiens qui sont initiés au vocabulaire désuet de la théologie et à ses significations anachroniques ("espèce", "substance", "personne", "réel", etc. ont un sens scolastique !). Ne portons pas ces "disputations" sur la place publique, où des journalistes totalement incompétents confondent conception virginale et immaculée conception, pour prendre l'exemple récent d'un soi-disant expert d'un quotidien soi-disant de "référence". De ce point de vue, je trouve que la promotion de l'encyclique dans les vitrines de librairie est maladroite et risque de nuire à la cause chrétienne.
Bien entendu, l'analyse claire et précise de votre site est elle, au contraire, utile et pleinement justifiée.
Fraternellement en Christ.
Didier Sarrazin
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