Congrès de l'UMP : de nouveau un pilote dans l'avion
Article rédigé par Catherine Rouvier, le 10 décembre 2004

Ce fut un congrès tout en contrastes. Il y eut d'abord le discours sourd, confidentiel, presque inaudible de François Baroin. Il parla à mi-voix de "regards qui s'échangent et de portes qui claquent" puis soudain cria, enfin audible, son désir d'unité et termina, après avoir rappelé que si on le compare à Harry Potter c'est plus à cause de ses "épis" et lunettes que de ses pouvoirs magiques, sur un énigmatique "à l'UMP on se retrouvera parce qu'on ne se quittera pas...".

Vint ensuite le discours dynamique, fort et clair des perdants du scrutin.

Christine Boutin d'abord, qui martèle : "Qu'est ce que la famille aujourd'hui ? Qu'est ce que le travail aujourd'hui ? La participation, qu'est elle devenue ?" Et qui assène : "Il faut une nouvelle répartition de la richesse". Puis demande : "La langue française voulez vous la défendre ? Notre planète, voulons nous la défendre ?" Et ajoute : "Les questions sont simples... mais les réponses demandent du courage !" Prévenant les critiques, elle crie presque : "Mettre l'homme au cœur de la politique, c'est simpliste ? Mais c'est la seule question qui vaille !" Son ton devient lyrique et ses paroles résonnent dans l'immense salle : "Qui doit servir l'autre ? L'homme ou les intérêts économiques ? L'homme ou les intérêts financiers ? L'homme ou les intérêts scientistes ?" Elle le dit : "Il faut défendre la dignité, de la conception à la mort naturelle..." Elle l'affirme : "J'incarne une droite sociale, celle qui prend en considération les plus faibles, celle qui n'a pas peur de son histoire, celle qui croit en l'homme." Elle conclut : "Je veux que l'Union gagne pour que la France gagne, en 2007, et après. Sans risque de me tromper je dirai : bonne chance, Nicolas !"

C'est Nicolas, mais Dupond Aignan, qui parle ensuite. Lui aussi est partisan de l'union. La preuve, il ravale sa rancune : "On aurait aimé pouvoir parler comme on le fait aujourd'hui avant le scrutin..." mais "ça n'aurait sans doute pas changé grand chose". Il râle aussi contre le scrutin électronique et, ce faisant, se fait huer par les Jeunes Populaires. Il prône le choix des candidats aux élections par les adhérents, le referendum sur les 35 h, sur la Turquie, et assène à son tour ses vérités : "On ne mobilise pas un peuple en niant son identité, en le maintenant dans la dépendance et la culpabilisation. Notre cause à nous, gaullistes, c'est bien cette certaine idée de la France. Une France responsable, libre rayonnante, forte. Il faut revenir à l'assimilation - et non la simple intégration - des immigrés. Il faut réformer les services publics pour les sauver. Il faut écarter le carcan européen qui étouffe le bel idéal européen. Il faut faire l'Europe sans la Turquie, une Europe qui aurait le courage de délimiter ses frontières et de relancer sa natalité..." Lui aussi souhaite bonne chance à Nicolas Sarkozy et annonce Robert Pandraud porteur des résultats de l'élection du président de l'UMP.

Nicolas Sarkozy est le vainqueur, bien sûr, avec plus de 85% des suffrages exprimés. Mais sur la photo en noir et blanc qui s'affiche alors, il a un air un peu triste. Quelque part entre un Malraux romantique et tourmenté, et Charlie Chaplin .

Heureusement la salle s'égayera vite par le "show télévisé" des vedettes qui soutiennent le nouveau président. Ils sont tous là, ceux qui depuis les années 70 ont été à contre courant : Sardou, l'immortel auteur de Ne m'appelez plus jamais France, Delon, Reno, Chazel, Clavier qui demande à Sarkozy de "rendre enfin ce parti populaire", Chancel... Il y a aussi ceux qu'on attendait pas : Mimi Mathie, Guy Gilbert, le curé des loubards, Santoro, Virenque, Leeb, Palmade qui s'emmêle dans les sigles UMP pour la plus grande joie de la salle, Faudel... Il y a aussi les cautions morales : Marek Halter, Elie Wiesel , Bertrand Tavernier ; les cautions politiques : Aznar, sifflé par les jeunes - vae victis ! – Edmund Stoiber et Angela Merkel... C'est le petit Louis Sarkozy qui ferme le bal avec un "Bonne chance mon papa" à tirer des larmes des cœurs les plus sarkophobes.

Enfin c'est le discours. Il est 14 h 05. Les militants, qui avaient avalé en vitesse leur plateau repas dès 11h30 pour l'écouter à l'heure prévue (13h30), piaffent d'impatience.

Mais en orateur consommé, Nicolas ne se dépêche pas. Il fait d'abord applaudir les députés qualifiés de "force d'avant-garde". "J'ai besoin de vous ! Levez-vous !" Leur lance-t-il. Puis François Baroin ("pour ton amitié, ta loyauté !"). Puis Raffarin, "À toi, Jean-Pierre, car ces trois années passées dans ton gouvernement resteront à jamais dans ma mémoire...!" À Madame Chirac : "Madame, vous m'avez dit un jour à Tulle : j'ai besoin de vous. Aujourd'hui, c'est moi qui vous le dis : j'ai besoin de vous"... À Alain Juppé, "où que tu sois, écoute ce qu'ont à te dire les militants"... les applaudissements résonnent longuement.

Puis il commence enfin, mais mezzo voce, comme en minimisant sa joie, en lui donnant les couleurs du devoir... "J'aurai plus de devoirs que de droits... les attaques seront rudes... je dois porter votre énergie... incarner vos espoirs...et le changement qu'attend la France... je dois redonner de la considération à la politique."

Petit à petit, il hausse le ton : "Des nations condamnées par le marxisme le plus déshumanisé ont voulu rattraper ces années de cauchemar... et l'ont fait grâce a Vaclav Havel (applaudissements), à Lech Walesa (applaudissements), à Jean-Paul II (applaudissements nourris). Ce qui a été un risque est devenu une chance... la blessures est enfin cicatrisée. Aider nos frères de l'Est est notre devoir et notre intérêt."

Puis il aborde l'Europe : "Il faut une Europe politique ! La France doit en être le principal acteur... Ce n'est pas une zone de libre échange... Il doit y a voir un débat sur ses frontières...La Turquie doit y être associée, pas intégrée."

Le ton monte encore : "Personne ne nous attendra si nous ne prenons pas notre avenir en main... Notre ennemi c'est le fatalisme...Notre ennemi c'est le statu quo, je veux que nous soyons libres... Libres ensemble... Tous ensemble."

Il revient ensuite à l'économie. "Je refuse qu'on achète le silence des plus faibles par le RMI... Je refuse que les Français partent pour réussir..., quittent leur pays parce que les prélèvements sont trop lourds...L'ascenseur social et l'intégration sont en panne."

Il martèle : " L'égalitarisme ne fait pas partie des valeurs de l'UMP, ni l'assistanat !" " Que celui qui travaille plus gagne le plus, que celui qui est le plus handicapé soit le plus aidé ! c'est çà l'égalité républicaine, c'est çà l'équité républicaine !" " Les familles d'handicapés ont plus le doit que d'autres à la solidarité nationale" (applaudissements). " Ceux qui perdent leur emploi à 50 ans méritent plus de solidarité que celui dont l'emploi est garanti à vie" (applaudissements). " Le limousin ou la Corrèze ont plus de droit à la solidarité nationale" (là un flop ; pas d'applaudissements !) "La réussite n'est pas un mot coupable. Il ne faut pas opposer réussite économique et progrès social". " Qui payerait les allocations si la France qui travaille se décourageait ?" "On ne répond pas à l'échec des uns en bloquant la réussite des autres !" L'emploi est aussi évoquées : "L'État ne doit laisser personne au bord du chemin mais chacun doit fournir le maximum d'efforts personnels." " Protéger le travail par des lois, c'est moins bien qu'offrir du travail." "Une procédure lente de licenciement ne console pas du licenciement." "Il n'est pas coupable d'avoir un patrimoine et de le transmettre."

Viennent les principes, les valeurs : "Si quelque chose est juste, il faut le faire, que ce soit populaire ou non." "Il faut retrouver les valeurs essentielles, le respect ! le travail ! la Patrie !" " La France ce n'est pas un regret, un souvenir, une nostalgie, un musée, un parc d'attraction pour touristes. La France c'est... un avenir ! Elle doit tourner ses regard vers le meilleur de ce qui marche dans le monde." "La société n'a pas à négocier. Ceux auxquels nos lois ne plaisent pas, nul ne les oblige à rester."

Puis le quart d'heure philosophique : "L'échec est le rendez-vous possible de celui qui ose ! Le seul échec est celui qui aboutit à ne plus rien faire." "Ce qui compte ce n'est pas d'échouer ou de réussir mais d'essayer de se mesurer et, quand on se retourne, dire ; j'ai fait quelque chose de mon existence..."

Le sujet brûlant de l'école est enfin abordé : "À l'école il faut développer le travail en équipe, le charisme, l'énergie et réhabiliter le "maître"." " L'éducation civique est une matière essentielle".

Le message final concerne le parti. "Au sein du parti, une place et des responsabilités seront confiées à ceux et celles qui ont le plus envie de mener le combat contre la gauche." "Je vous que vous fassiez de la politique." "Je veux que vous aimiez la politique", "que vous alliez vers les autres sans arrogance." "Il faut que notre union soit indestructible, insubmersible, qu'on oublie les divisions du passé, qu'on fasse du quinquennat de Jacques Chirac un succès et qu'on soutienne en 2007 celui qui saura nous rassembler, quel qu'il soit !"

Les 40.000 spectateurs ont épuisé leur capacité d'attention, leur registre d'émotion. Ils se lèvent et s'en vont, indifférents à Gaudin, Raffarin et les autres qui vont tenter de parler mais dont les paroles résonnent, lointaines, comme la musique de fond qui accompagne les sorties de grand messe. Michèle Alliot ne s'y trompe pas et préfère ne pas parler dans ces conditions. Raffarin bâcle son discours. La messe est dite. Ils ne sont pas très contents, mais les militants, eux, ont le cœur joyeux. Ils ont l'impression qu'il y a, de nouveau, un pilote dans l'avion.

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