Article rédigé par La Fondation de service politique, le 24 septembre 2008
LA PRESSE et certains responsables politiques nous ont présenté, depuis le mois de mars 1999, la guerre du Kosovo comme le triomphe de la morale sur la barbarie, comme une nouvelle pratique des relations internationales, comme une révolution dans l'art de la guerre.
Tout le mal que l'on pouvait penser des choix politiques et stratégiques de l'Alliance Atlantique depuis 1998, je l'ai écrit dans un article précédent . La découverte de charniers et d'exactions, l'acceptation par Slobodan Milosevic des conditions imposées par le G8 peuvent-ils, permettent-ils de croire que nous eûmes raison d'écraser la Serbie et le Kosovo pour faire plier le dernier dictateur communiste d'Europe le 10 juin 1999 ? La morale l'a-t-elle emporté sur le machiavélisme ? Les frappes " chirurgicales " ont-elles renouvelé la stratégie et la tactique ?
L'idéologie des droits de l'homme a-t-elle remplacé le principe sur lequel était basées les relations entre États, le principe de la souveraineté nationale ? On ne peut supprimer la souveraineté, on ne peut que la transférer. Est-il sage d'avoir transmis à l'OTAN le droit de faire la guerre — même si on l'appelle opération internationale de coercition ? Qui détient aujourd'hui la souveraineté : l'ONU, le G8, l'OTAN ou les États-Unis ?
Par ailleurs, si cinquante ans après leurs fautes déclarées imprescriptibles, MM. Bousquet et Papon devaient être jugés pour leur aide à l'Allemagne nazie, pourquoi les Albanais, collaborateurs de Mussolini et d'Hitler de 1940 à 1944 devraient-ils bénéficier d'une amnistie ou d'une amnésie ? Car, et on ne le répétera jamais assez, jusqu'en 1942, la majorité des habitants du Kosovo étaient des Serbes qui luttaient contre les fascistes et les nazis : Mussolini expulsa 200000 de ces résistants pour les remplacer par ses suppôts albanais. À partir de quels délais un traître devient-il fréquentable ? À partir de quand un envahisseur devient-il propriétaire légitime ?
Pourquoi la Serbie a-t-elle plié ?
La Serbie avait entrepris, depuis la fin de l'année 1998, d'éliminer l'UCK du Kosovo : comme lors de tout opération de contre-guérilla, les bavures furent nombreuses et atroces. Cela dit, si les Serbes avaient bien programmé l'opération de nettoyage ethnique (Fer à Cheval), ils ne l'ont déclenchée qu'après les bombardements alliés. Or l'OTAN avait totalement oublié que, de 1948 à 1991, le souci principal des états-majors alliés était : Que faire des réfugiés en cas de déclenchement d'un conflit entre l'OTAN et le pacte de Varsovie ? Où les fait-on passer ? Où les installe-t-on ?
Le président de la République, depuis le mois de mars 1999, nous avait déclaré qu'il fallait débarrasser l'Europe de Slobodan Milosevic : il est toujours au pouvoir, comme Saddam Hussein, et pour les mêmes raisons. Ces deux dictateurs incarnent, aux yeux d'une majorité de leurs concitoyens, l'esprit de résistance d'une nation agressée par les Occidentaux. L'abandon des Serbes par la Russie fut sans doute le facteur principal de la décision de Milosevic. La Russie, dont la diaspora compte des millions de Russes, du Kazakhstan à l'Estonie, ne pouvait pas soutenir une politique de purification ethnique sans ouvrir une boîte de Pandore ; l'Ukraine compte par exemple 22 % de Russes, la Moldavie 13 %, la Géorgie 8 %. C'est essentiellement l'infrastructure économique de la fédération yougoslave qui a fait les frais des attaques alliées. 2500 civils serbes et une dizaine de milliers de Kosovars furent tués par les bombardements alliés , entre 200 et 250.000 sont au chômage, car les Alliés ont détruit leur outil de travail. ; le montant des dégâts se chiffre à 29 milliards de dollars . Manifestement, il n'y a eu aucune tentative plausible d'éliminer Slobodan Milosevic. En dépit des propos du chef d'état-major des armées qui évaluait les pertes serbes à 30 à 40 % du potentiel initial , les armées serbes n'ont subi que des pertes modérées : les Alliés auraient détruit 180 chars sur 700, les trois quarts des missiles SA3, aucun missile SA6, très peu d'avions ou d'hélicoptères, moins de 2000 combattants sur 90.000... Selon les décomptes alliés, les Serbes ont retiré du Kosovo le 16 juin dernier, (Le Monde, p.2) 26000 militaires, 110 chars, 210 véhicules de transport de troupe, 151 pièces d'artillerie : il est clair que de simples mesures de camouflage et de dispersion ont limité les pertes, comme on le savait depuis les guerres françaises et américaines d'Indochine. Les avions et missiles alliés ont écrasé l'infrastructure économique, les télécommunications et le réseau de transport terrestre jusqu'à ce que la vie des Serbes soit paralysée : ce sont bien les civils serbes et kosovars qui ont payé les fautes de leurs dirigeants. À 19 contre 1, l'issue du conflit ne laissait aucun doute, seule la durée de l'obstination serbe resta indéterminée jusqu'au bout. Cela dit, résister onze semaines contre la principale coalition militaire du monde, c'est bien mieux que les huit semaines pendant lesquelles les Français firent front aux Allemands en mai et juin 1940...
Toutefois, la résistance opposée par les Serbes à l'OTAN a permis d'obtenir plusieurs résultats intéressants. Ni l'ONU, ni l'OTAN n'ayant pu faire plier Milosevic, c'est le G8, où la Russie est présente sans avoir de droit de veto, qui a élaboré le processus de sortie de la crise. Plusieurs dispositions du plan de Rambouillet sont devenues caduques : 1/ il n'est plus question de référendum pour le Kosovo ; 2/ l'OTAN n'a pas obtenu le contrôle de tout le territoire yougoslave ; 3/ la force d'interposition (KFOR) ne se déploie qu'au Kosovo. Pour les Serbes, le contingent russe de la KFOR est l'ultime garantie des accords qu'ils ont signés.
La stratégie alliée depuis le 3 juin 1999
Les accords signés par les Alliés avec l'UCK sont curieux : les forces de l'UCK doivent être démilitarisées, mais non pas désarmées. Dans le jargon diplomatique, cela signifierait que les armes lourdes devraient être remises à la KFOR, que les structures de la guérilla albanaise devraient être allégées, mais que les combattants conserveraient leurs armes individuelles : les États-Unis souhaiteraient que l'UCK se transformât en une sorte de Garde nationale, sur le modèle américain. Souhaitons bonne chance aux militaires alliés chargés de faire appliquer ces directives et en particulier d'interdire les exactions individuelles alors que des milliers d'armes individuelles resteront en circulation ! D'une façon générale, les Alliés ont toujours donné l'impression d'ignorer les desseins des Serbes, des Russes et de l'UCK. Ils ont pris leur temps et c'est souvent CNN qui leur a appris ce qui se passait, en particulier lors de l'arrivée des parachutistes russes à Pristina. Depuis le 3 Juin 1999, l'OTAN n'a su que réagir aux événements, elle ne les a jamais anticipés ou provoqués : les troupes et les chefs de l'UCK se sont partout installés avant la KFOR, les Russes ont précédé les alliés à Pristina le 10 juin 1999. Manifestement, il n'y a plus de stratèges à la tête de l'Alliance, ni de chef militaire de la taille de Patton, de Maxwell Taylor ou de Gavin dans les unités américaines ou d'un Bigeard chez les parachutistes français...
Partout les bandes de l'UCK ou des paramilitaires serbes assassinent impunément des paysans ou de vieilles gens, incendient ou pillent : 14 paysans dans leurs champs le 23 juillet près de Gracko ; attentat contre une église orthodoxe de Pristina le 1er août, exécutions sommaires et exactions quotidiennes. De 200.000, la population serbe est tombée à moins de 40000 : il est difficile de croire qu'il n'existe pas un plan de l'UCK pour la purification ethnique du Kosovo. Comme les carabiniers ou le 22e de cavalerie, la KFOR arrive " toujours en retard "...
Et il s'avère aussi difficile de séparer les furieux des deux camps qui s'affrontent, au Kosovo aujourd'hui, qu'au Liban il y a quelques années : depuis le 7 août, les forcenés de l'UCK multiplièrent les provocations contre les Français à Mitovica ou à Pristina...Comme au Proche-Orient depuis 1947, et surtout comme au Liban de 1978 à 1991, on peut craindre que l'ONU soit incapable d'imposer une solution raisonnable.
La Russie n'a pu empêcher les opérations militaires alliées contre les Serbes, mais c'est bien la pression diplomatique russe qui a mené Milosevic à résipiscence. Si l'OTAN a pu mener à sa guise les opérations aériennes, la Russie s'est avérée indispensable pour parvenir à la paix. Et si les forces armées russes ne sont plus l'instrument redoutable qu'elles furent jusqu'en 1991, les Russes sont toujours des stratèges et des tacticiens : ils l'ont prouvé en s'emparant de l'aérodrome de Pristina le 10 juin 1999. Pour les peuples d'Asie et d'Europe orientale, et en particulier la Russie actuelle, l'action des Etats-Unis, de l'OTAN, de l'Europe les a disqualifiés. Leur magistère moral est déconsidéré. La Russie a su profiter du désarroi des Alliés devant la résistance serbe pour conforter son rôle de protectrice de l'orthodoxie que les tsars s'étaient attribués, et pour extorquer les crédits nécessaires au renflouement de son économie. Il est évident que la Russie n'acceptera jamais le rôle que l'Alliance Atlantique s'attribue en Europe.
La politique de l'UCK
L'UCK est elle une résistance ou une bande de trafiquants de drogue ? Existe-t-il une politique de l'UCK, ou cette organisation est-elle entièrement manipulée par les Américains ? Ces questions méritent au moins d'être posées. Le Figaro Magazine, dans son numéro du 7 août 1999, mettait en lumière les louches relations entre la mafia albanaise et l'UCK : tous les trafiquants arrêtés en Allemagne, en Suède, ou en République Tchèque ont prétendu que leur trafic servait à acheter des armes pour l'UCK. Il y a quelques années, dans le New York Herald Tribune, un universitaire américain constatait que les Balkans ne constituaient plus le rempart sud destiné à contenir le Pacte de Varsovie, mais qu'il devenaient le nord d'un dispositif géostratégique destiné à protéger Israël et le pétrole du Moyen-Orient. Dans ce nouveau contexte, il convenait : 1/ de lier l'Europe à la Turquie ; 2/ de rapprocher la Turquie et Israël ; 3/ de constituer une chaîne d'États musulmans liés à la Turquie entre l'Adriatique et la Caspienne, pour donner une caution islamique à cet ensemble.
La Yougoslavie, ou ce qu'il en restait, constituait le dernier obstacle à ce schéma. Zbignew Brzezinski, dont on connaît l'influence aux États-Unis, J. Attali chez nous, répètent ces messages américains . L'apparition soudaine de l'UCK à la fin de 1997, sa stratégie consistant à occuper des villes et villages pour déclencher le cycle " provocations, répression, intervention internationale " nous oblige à poser la vraie question : à qui profitent réellement les crimes de guerre ou contre l'humanité ? Or le projet politique de l'UCK a été proclamé depuis avril 1997, lors d'une émission de la station Deutsche Welle : constituer une grande Albanie regroupant autour de Tirana, la Macédoine, le Sud du Monténégro, une partie de l'Épire grecque et, bien entendu, le Kosovo. Peut-on imaginer un concept plus déstabilisateur pour l'équilibre européen ?
Le chef du gouvernement autoproclamé du Kosovo a été désigné par les Américains : c'était un des tueurs de l'UCK, portant le nom révélateur de " serpent ". De formation marxiste-léniniste, comme tous les chefs de guerre depuis des décennies dans le monde entier, Hachim Thaci est un spécialiste du double langage, suivant qu'il s'adresse à la presse étrangère ou à ses partisans. Lors d'un entretien avec le Time, (5/8/99), il déclarait à propos des Serbes : " Nous n'aurons aucune pitié de ces gens...Ils seront traduits devant des tribunaux, la justice sera immédiate. " Le 8 août 1999, il déclarait à un quotidien grec (Elefteropya) : " L'objectif de mon gouvernement est un Kosovo multinational et pas une région exclusivement albanaise...la cohabitation avec les Serbes est non seulement possible mais indispensable, et nous devons donner la main à tous ceux qui n'ont pas commis de crime...Nous n'avons aucune raison d'éterniser la haine au Kosovo... Je n'accepte pas que l'UCK brûle des maisons. Ce sont des rebelles, des individus qui se présentent comme membres de l'UCK portant l'uniforme. Les assassinats de Serbes sont des actes de provocation contre l'UCK et la perspective démocratique au Kosovo. " Cela dit, Charles Kupchan, le spécialiste américain des Balkans au Council for foreign relations a déclaré : " Il n'est pas surprenant de voir l'UCK se précipiter pour combler le vide laissé de facto au Kosovo, parce que les troupes de l'OTAN n'arrivent pas assez vite ; et il est absurde d'imaginer que l'on va se débarrasser de l'UCK en tant que force militaire : ses hommes ne vont pas déposer leurs fusils . " À l'heure actuelle, il semble que l'UCK compte environ 20.000 hommes armés : ils se sont empressés d'occuper tous les bâtiments publics entre le départ des Serbes et l'arrivée de la KFOR.
La participation française dans cette aventure
Xavier de Villepin, sénateur, et J.-M. Boucheron, député, ont rédigé deux rapports, publiés le 5 juillet 1999. Ces deux parlementaires français laisseraient croire que la participation française dans le dispositif de l'OTAN s'est déroulée en douceur. Notre contribution aérienne fut la deuxième en importance après celle des États-Unis : nous avons effectué 11 % des missions aériennes, dont 1263 missions de bombardement (5,3 % à l'Italie, 4,8 % à la Grande Bretagne, 2,1 % à l'Allemagne). Nous fûmes les seuls européens à utiliser une gamme complète de moyens de renseignement (satellites, avions de reconnaissance, hélicoptères, drones). Cinq de nos drones sur les treize mis en œuvre furent abattus par les Serbes : ce taux de perte est normal, l'OTAN en a perdu 21 au cours de cette campagne. Comme je l'avais signalé depuis 1991, nos stocks de munitions sont insuffisants pour une participation à une action même mineure : il nous a fallu acheter des munitions aux Américains durant le conflit, notamment des bombes de 250 kg. En ce qui concerne les bombes guidées par laser, nos pilotes en ont utilisé 455 de 250 kg, et 127 d'une tonne : l'aéronavale, au début du conflit, disposait de moins de 200 bombes guidées par laser !
Les équipements de contre-mesures électroniques et de vision nocturne des Super-Étendard, les moyens de commandement et d'information du groupe aéronaval se sont avérés insuffisants. Il a fallu adapter d'urgence le Mirage 2000 aux moyens de largage de la bombe GBU 16 (munitions américaines). L'armée de terre est actuellement au maximum de ses capacités : elle devrait pouvoir projeter de 17.000 à 20.000 militaires aujourd'hui et 25.000 en 2002. Il y a actuellement 21.000 hommes déployé hors de France : 8000 au Kosovo, 300 en Bosnie, 100 en Albanie, 9000 en Afrique. Il a fallu, en catastrophe, mettre au point le surblindage des transports de troupe AMX-10P, adapter des engins blindés aux activités de déminage, acquérir des matériels de vision nocturne, etc.
L'addition sera salée : 1,1 milliard de francs du début des opérations jusqu'au 10 juin, proche de 2,5 milliards de francs pour 1999. Il sera intéressant de vérifier si ces factures seront prévues dans le prochain budget, ou si elles feront l'objet d'un " collectif " en fin d'années, ou si, comme ce fut le cas depuis 1982, les armées devront le prélever sur leurs investissement, les stocks ou l'entraînement. En attendant la prochaine opération, où nous ne serons toujours pas " dans la cour des grands ".
Les quelques chiffres que j'ai cités montrent que les États-Unis ont fourni au moins 75 % des moyens matériels et humains engagés. Où sont les outils décisionnels européens, qu'a fait l'UEO, où étaient les moyens crédibles et efficaces de l'Europe ? À force de vouloir toucher " les dividendes de la paix ", par crainte de " disposer de forces armées sur-dimensionnées ", nous avons en Europe des moyens militaires insuffisants pour nous faire respecter et inadaptées aux conditions des combats modernes. En particulier, notre technologie militaire est désuète. En dépit de quelques erreurs (15 sur 5000 missions de bombardement !), 99,8 % des projectiles alliés ont touché la cible visée. Le fond du problème, c'est que les Alliés furent incapables de détecter les cibles militaires ou de prévoir les actions des Serbes ou de l'UCK. Dans le domaine du renseignement, les satellites ou les écoutes, fussent-ils sophistiqués, sont très insuffisants : rien ne remplace l'intelligence humaine, surtout pour découvrir les intentions adverse. Les Alliés ont donc essentiellement pris à partie des objectifs civils, économiques et l'infrastructure yougoslave.
Quelle révolution militaire ?
Comme toute la presse l'a noté, les résultats des frappes chirurgicales furent des plus modestes sur l'armée serbe. Il y a bien eu des progrès importants dans la précision des tirs. Mais la détection des objectifs militaires et surtout celle des objectifs mobiles reste très difficile : les rampes de SA6 sont restées pratiquement intactes... D'après une étude américaine du Strategic Bombing Survey, au cours de la Seconde Guerre mondiale, plus de 96 % des bombes tombèrent à plus de 300 mètres de leur cible, la marge d'erreur était de 990 mètres ; au Vietnam, cette marge d'erreur n'était plus que de 120 mètres, et de 60 lors de la guerre du Golfe. Aujourd'hui, la précision se mesure en centimètres.
Toutefois, la technique n'a jamais remplacé la réflexion politique, stratégique et tactique. La révolution dans les affaires militaires (RMA) a montré ses limites au Kosovo. La révolution dans les affaires militaires, c'est essentiellement pour l'armée de l'air américaine le moyen de prétendre diriger les opérations militaires et de capter un maximum de crédits grâce à une architecture qui intègre : 1/ les capteurs chargés de détecter l'adversaire ; 2/ une connaissance précise de la position d'un mobile par le GPS (Global Positioning System) : 66 satellites du ministère américain de la Défense permettent de calculer positions et trajectoires au décimètre près ; 3/ la transmission de l'information traitée à très grande vitesse, utilisant l'intelligence artificielle et de multiples relais ; 4/ la fusion des données, qui les transforme en renseignement utilisables pour les combattants ; 5/ une connectique qui fait partager à toutes les unités, à tous les maillons de la chaîne militaire, les informations recueillis et les ordres donnés, et qui devrait donc être un multiplicateur d'efficacité... si les renseignements sont précis et si les ordres sont adaptés à la situation .
Après le repli des Serbes, laisser l'UCK saisir les bâtiments publics et instaurer son ordre, c'était préparer la libanisation du Kosovo. Refuser le combat terrestre du 24 mars au 4 juin 1999, refuser de faire courir des risques aux pilotes, c'était déshumaniser l'affrontement, c'était multiplier les dangers pour les populations civiles. Interdire aux pilotes de voler à moins de 4500 mètres du sol, c'était laisser les Serbes mener à leur guise le combat contre l'UCK et le nettoyage ethnique, c'était leur permettre de multiplier les leurres et de camoufler leurs matériels et leurs combattants. Comme l'a remarqué Norman Mailer, auteur de Les Nus et les morts, refuser de mettre en danger les pilotes qui menaient les bombardements, c'est rendre plus difficile la réconciliation . Le combat terrestre est atroce, mais la perception de dangers, de peines, d'efforts partagés par les combattants des deux camps facilite la réconciliation. Nous, Européens, n'avons pas fini de payer les fautes commises au printemps 1999 par les dirigeants alliés.
J.-G. S., 15 août 1999