Article rédigé par renaissancecatholique.fr, le 10 novembre 2021
Source [Renaissance catholique] Le mardi 5 octobre 2021, Jean-Marc Sauvé, président de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE) a remis au président de la conférence des évêques de France, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, un rapport imposant et accablant, fruit de deux années de travail, présentant les forfaits les plus abjects qui puissent avoir été commis contre des enfants innocents, avançant que 330 000 personnes avaient été abusées dans le cadre de l’Église de France, depuis soixante-dix ans. Le choc est immense.
Ce jour-là, Alice Casagrande, membre de la commission, rapporte au micro des extraits d’audition dévastateurs. Dans l’un d’eux, elle relaie les propos d’une femme de cinquante ans qui interroge son interlocuteur pour savoir « si la CIASE est vraiment indépendante ». À vrai dire, la réponse n’est pas claire. La commission est-elle indépendante de l’Église ? Assurément oui. Ses membres n’ont absolument aucune complaisance avec le personnel ecclésiastique et la plupart d’entre eux n’épousent certainement pas les principes catholiques traditionnels sur les dogmes, sur la morale, sur l’ecclésiologie. Mais la CIASE est-elle absolument libre, c’est-à-dire neutre, au point de pouvoir restituer une vérité affranchie de toute complaisance institutionnelle avec les bourreaux ainsi que de tout parti pris contre le catholicisme ? Ce serait particulièrement malhonnête que de répondre par l’affirmative.
Une commission particulièrement orientée
Lorsqu’on gratte un peu le pedigree de chaque membre de la commission et des quatre « experts » de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) qui ont élaboré les chiffres de victimes, on ne peut qu’écarquiller les yeux. On aurait souhaité monter de la même manière une commission pour gérer un poulailler qu’on aurait convoqué une assemblée de renards. Quand on lit le texte ou lorsqu’on écoute les interventions de la remise du rapport, pas à un seul moment, on ne retient le fait que les prêtres ont, dans leur immense majorité, sacrifié leur vie pour sanctifier les âmes et leur venir en secours. À la lecture ou à l’audition, les membres du clergé ne seraient que des monstres refoulés ou des rabatteurs cyniques. Cette grande impression d’amalgame humiliant est à lui seul une honte. Devant un drame aussi grave que les actes pédophiles, il aurait été de bon ton de désigner une commission vraiment affranchie de toute idéologie. Or ce ne fut manifestement pas le cas.
Bien entendu, à la tête de la commission, Jean-Marc Sauvé a tout pour sauver les apparences. Le costume est impeccable. L’allure et la stature sont presque gaulliennes et les aveux de catholicisme de celui qui avait souhaité devenir jésuite ne peuvent que rassurer les esprits soumis. Mais comment imaginer un instant une once d’objectivité chez cet homme lorsqu’on apprend que cet ancien membre du Parti Socialiste fut pendant douze ans à la tête du Conseil d’État où il s’est attaché à interdire le crucifix de Ploermel surplombant la statue de Jean-Paul II. Le même homme a signé les deux arrêts des 14 février et 24 juin 2014 condamnant Vincent Lambert à mourir par arrêt de son alimentation et de son hydratation ? Derrière lui, au milieu de quelques spécialistes scientifiques, voisinaient des anciens membres des cercles socialistes, des titulaires de chaires universitaires spécialisées dans le « genre », avec des promoteurs de l’avortement ou des chantres d’une laïcité exacerbée. Et quand ils étaient catholiques, il s’agissait essentiellement de progressistes dont le but non dissimulé était une réforme idéologique de l’Église. Comment imaginer un instant qu’ils allaient traiter de l’affaire en mettant de côté tous leurs a priori ?
Citons en particulier Nathalie Bajos, qui se trouvait à la tête de la commission de statistiques. Dans ses prises de position, elle se présente comme un défenseur de la sexualité débridée ou de l’IVG et elle ne s’est pas cachée de minimiser, en conférence, les méfaits de la pornographie sur les enfants. À ses côtés, Julie Ancian communie dans le même engagement sur le droit à l’avortement, tandis que les dissentiments militants, à l’égard de l’institution ecclésiastique, de Josselin Tricou, universitaire en « études de genre et de sexualité », sont connus depuis maintenant longtemps.
Des suggestions contrastées
Certainement, les préconisations du rapport ne sont pas toutes à jeter aux orties. Pointer du doigt le danger de la théologie des charismes, les abus d’autorité, la déformation des Écritures, le danger que constitue la suppression de la séparation au confessionnal sont des rappels importants et les réformes de l’Église ont été particulièrement néfastes sur tous ces points au cours du demi-siècle qui vient de s’écouler. On pourrait même insister sur les mauvais effets qu’a pu, en certains cas, générer la familiarité grandissante à l’égard du prêtre, certaines proximités (tutoiements trop faciles, similarité du costume, abolition de la clôture) mettant à mal la distance qui, en bien des cas, aurait rendu suspecte toute tentative tactile d’un copinage trop prononcé.
Néanmoins, en voulant s’en prendre à la vertu d’obéissance, en souhaitant détruire l’identification du prêtre au Christ, en s’attaquant à la vertu de pureté, la commission a montré son objectif idéologique qui vise à saper les fondements essentiels de la religion catholique. En mettant en cause l’un de ses piliers, le sacrement de confession, elle rejoignait le grand rêve de l’homme qui se fait Dieu en récusant les attributs divins, démontrant par là même l’incapacité à comprendre le fonctionnement de cette instance qui n’est pas une conversation entre deux hommes, qui ne relève pas d’un simple secret professionnel, et en révélant les limites évidentes d’une commission qui est tellement indépendante qu’elle ne comprend tout simplement pas la réalité de ce sacrement.
Silence sur le monde libertin soixante-huitard
L’enjeu est pourtant grave. Des milliers d’enfants ont été détruits dans leurs chair par les méfaits d’adultes, au cours des dernières décennies. Derrière leur nombre anonyme impressionnant se cachent des individualités dont les âmes ont été salies, voire détruites. S’il ne faut pas se leurrer et bien réaliser que de telles inconduites ont déjà eu lieu par le passé, l’histoire ancienne en rapporte finalement peu de cas. L’une d’entre elles est pourtant tristement célèbre. Il s’agit de celle du puissant Gilles de Rais qui a utilisé des jeunes garçons prépubères pour assouvir ses pulsions dégradantes et qui fut, pour cela, traduit devant un tribunal d’Église. L’Inquisition, dès qu’elle a eu vent des sévices, a instruit son procès qui a débouché sur son excommunication malgré le fait qu’il fût maréchal de France et ancien compagnon de Jeanne d’Arc, tandis que le bras séculier du duc de Bretagne condamnait le seigneur de Tiffauges à la pendaison et au bûcher. Si la Justice du XVe siècle pouvait paraître expéditive dans ses conclusions, il faut tout de même lui reconnaître d’être à l’époque plus compatissante pour les enfants que ne l’est notre monde contemporain, toujours soucieux du salut des bourreaux plutôt que de celui des victimes. Triste époque que la nôtre où on milite pour l’abolition de la peine de mort des bourreaux, tandis que la vie des victimes est souvent ignorée. On notera au passage que le fait que Gilles de Rais fût marié n’eût absolument aucune influence sur son délire psychiatrique qui le conduisit à détruire les enfants, partageant ainsi le sort matrimonial de Marc Dutroux et Michel Fourniret, démontrant que le mariage n’est pas une solution à la pédophilie.
Depuis cinquante ans, nous vivons dans une société où la pornographie est banalisée, où la sexualité débridée fait chuter les politiques, où les esprits les plus obscurs ont essayé un temps de légitimer la pédophilie. Le silence qui préserve tout cet univers, dès lors que les élites se complaisent à ne pas le condamner sévèrement, est inique. Il ne saurait gommer la culpabilité de responsables ecclésiastiques, qui ont, par bêtise ou par grave naïveté, proposé des mesurettes sans proportion avec les crimes perpétrés. Néanmoins, ce monde libertin qui a eu pour devise « jouir sans entrave », qui a cautionné les actes pédophiles, qui a exercé un appel d’air dans toute la société, qui a favorisé les pères violant leurs filles, permis que des prêtres supplicient des gamins, a une responsabilité systémique encore plus marquée. Ne pas mentionner cette évidence et faire comme si le haut clergé était seul à devoir comparaître, c’est tenter de faire disparaître la principale culpabilité.
On pourrait presque déplorer chez les membres de la CIASE le même travers que celui qu’ils attribuent aux hommes d’Église, c’est-à-dire d’être trop silencieux. Comment ne pas voir, de façon évidente, que les prédateurs, ayant qualité de prêtre ou pas, ont pratiqué leurs atroces forfaits au cours des dernières décennies, parce que la société permissive dans laquelle ils vivaient dédouanaient leurs actes alors même que la religion continuait à les condamner ? Comment ne pas remarquer que lorsque l’Église promettait la damnation éternelle aux pédophiles, le monde soixante-huitard leur assurait des pétitions de défense dans les journaux en vogue ? Comment ne pas avouer que, lorsqu’ils s’adonnaient à des aventures sexuelles avec des enfants, les prédateurs étaient davantage confortés par les écrits de jeunesse de Daniel Cohn-Bendit que par ceux du curé d’Ars ?
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