La maladie de l’Église se nomme post-modernisme. Le diagnostic d’un théologien
Article rédigé par Diakonos, le 09 octobre 2018 La maladie de l’Église se nomme post-modernisme. Le diagnostic d’un théologien

Source [Diakonos] Je reçois et je transmets. L’auteur, un ancien membre des Franciscains de l’Immaculée, enseigne la théologie dogmatique à la Faculté de théologie de Lugano, en Suisse, et sert actuellement en Angleterre, à la Saint Mary’s Church de Gosport, dans le diocèse de Portsmouth.  Parmi ses ouvrages, publiés en italien et en anglais, figure ce titre : “Il Vaticano II, un concilio pastorale.  Ermeneutica delle dottrine conciliari”, 2016.

La relation qu’il établit entre les racines de la crise actuelle et la contestation au sein de l’Église de l’encyclique « Humanae vitae », un texte majeur du magistère de Paul VI, le pape qui sera canonisé dimanche 14 octobre, est particulièrement d’actualité.

La Sainte Mère Église, est confrontée à une crise sans précédent dans toute son histoire. Les abus en tous genres, et particulièrement dans la sphère sexuelle, ont toujours existé dans le clergé.  Toutefois, l’épidémie actuelle se trouve au croisement d’une crise morale et d’une crise doctrinale dont les causes sont plus profondes que de simples écarts de conduite de la part de certains membres de la hiérarchie et du clergé.  Il faut gratter un peu la surface et creuser plus en profondeur.  La confusion doctrinale provoque le désordre moral et vice-versa ; les abus sexuels ont proliféré pendant des années en profitant du laisser-aller, au point de rendre peu à peu anachronique la doctrine en matière de morale sexuelle.

Il ne fait aucun doute, comme l’a déclaré l’évêque anglais Philip Egan de Portsmouth, que cette crise s’étend sur trois niveaux : “primo, une longue liste de péchés et de crimes commis les jeunes de la part des membres du clergé ; secondo, les cercles homosexuels qui gravitent autour de l’archevêque Theodore McCarrick mais que l’on retrouve également dans d’autres milieux d’Église ; et tertio, la mauvaise gestion et la couverture de toutes ces affaires par les plus hautes sphères de la hiérarchie de l’Église”.

Jusqu’où faut-il remonter dans le temps pour identifier les racines de cette crise?  On peut identifier deux causes principales de nature morale.  La première est liée de manière lointaine au problème qui afflige l’Église, l’autre de manière plus immédiate.

La première cause trouve ses racines dans la réaction à de l’encyclique “Humanae vitae”. En critiquant l’alliance indissoluble entre le principe unitif et procréatif du mariage, on en est venu à tolérer et à justifier au nom de l’amour toutes les autres formes d’union.  L’amour devait être placé avant et au-dessus de la fixité de la nature.  La contraception était considérée comme un moyen moral légitime permettant de préserver l’importance de la responsabilité de l’homme par rapport à la loi de Dieu, aussi bien naturelle que surnaturelle.

En réalité, le scénario qui se dessinait était bien différent. De fait, si la procréation n’est plus la fin première du mariage, qu’est-ce qui empêche ensuite de la séparer de l’amour, de séparer l’amour de la procréation et ensuite de justifier une procréation sans union comme conclusion logique d’un amour sans procréation ?  On a donc fait la promotion active, dans la société et dans l’Église, d’un amour stérile, isolé de son contexte naturel et sacramentel.

C’est l’identité de l’amour qui était en jeu. Comme l’a récemment souligné l’évêque Kevin Doran, président de la commission de bioéthique de la Conférence épiscopale irlandaise, il y a « un lien direct entre la ‘mentalité contraceptive’ et le nombre étonnamment élevé de personnes qui semblent prêtes à définir aujourd’hui le mariage comme étant une relation entre deux personnes sans distinction de sexe ».  Il a également ajouté que si l’on pouvait séparer l’acte d’amour de la procréation, « alors, il devient assez difficile d’expliquer pourquoi le mariage devrait être entre un homme et une femme. »

La crise actuelle de l’Église trouve son origine d’une part en la manifestation d’une crise d’identité sexuelle, c’es-à-dire en une rébellion idéologique contre le magistère enraciné dans une tradition morale constante, et d’autre part dans l’incapacité de regarde le vrai problème en face, c’est-à-dire l’homosexualité et les cercles homosexuels au sein du clergé. Plus de 80% des cas d’abus sexuels connus commis par le clergé ne relèvent en effet pas de la pédophilie mais bien de la pédérastie.  On a banalisé la conviction que toute forme d’amour est acceptable au nom du relâchement de l’interdit de la contraception, même si les formules dogmatiques elles-mêmes n’ont pas changé.  La véritable essence du Modernisme consiste à inverser la théorie et la pratique en accoutumant les gens aux usages acceptés par le plus grand nombre.

« Humanae vitae » a fait l’objet d’une contestation encore jamais vue auparavant depuis l’intérieur de l’Église. Un livre intitulé « The Schism of ‘68 » décrit entre autre la manière dont les catholiques se sont battus pour un aggiornamento sexuel.  Le mot « Aggiornamento » est l’une des mots-clés pour interpréter Vatican II et ses textes.

Des cardinaux, des évêques et des épiscopats entiers ont pris une part active à cette rébellion. Le primat de Belgique, le cardinal Leo Joseph Suenens, est même parvenu à faire publier par la Conférence épiscopale belge toute entière une déclaration s’opposant à « Humanae vitae » au nom de la soi-disant liberté de conscience.  Cette déclaration, ainsi que celle formulée par la Conférence des évêques allemands, servit de modèle à d’autres pays.  Le cardinal John C. Heenan de Westminster décrivait la publication de l’encyclique du pape Jean-Baptiste Montini sur la transmission de la vie comme étant « le plus grand choc depuis la Réforme ».  Le cardinal Bernard Alfrink, avec neuf autres évêques hollandais, alla jusqu’à voter en faveur d’une déclaration d’indépendance qui invitait le peuple de Dieu à rejeter l’interdiction de la contraception.

En Angleterre, plus de 50 prêtres ont signé une lettre de protestation publiée dans « Time ». Parmi ces prêtres, on trouvait également Michael Winter, qui, en parlant de sa décision d’abandonner la prêtrise, déclarait qu’elle avait été déclenchée par la crise à propos d’« Humanae vitae ».  Winter finit par se marier et a publié en 1985 un livre intitulé « Whatever happened to Vatican II ? » dans l’espoir de ressusciter l’enseignement conciliaire contre ce qu’il considérait comme son enterrement par les autorités romaines.  Il était sans doute convaincu qu’il fallait chercher cette conception de la contraception comme suprématie de l’amour dans l’enseignement de Vatican II.  Winter était également un membre fondateur du Mouvement pour un clergé marié.  Ce qui est assez étonnant – Winter n’étant pas un cas isolé – du point de vue du clergé, c’est le drame que certains d’entre eux ont du vivre quand, selon leurs propres termes, on a jeté le fardeau de l’interdiction de la contraception sur les épaules des laïcs.  Comment pouvaient-ils vraiment comprendre – si tel était bien le cas – une telle souffrance ?

Toutefois, la question est ailleurs : si l’on a légitimé une protestation « officielle » menée par des cardinaux et des évêques contre « Humanae vitae », sous prétexte qu’elle était en ligne avec l’idéologie du moment – n’oublions pas que ces années-là, le mouvement de mai 68 visait à subvertir la morale chrétienne au nom du sexe libre – on comprend mieux la montée mentalité « officielle » justifiant l’homosexualité dans le clergé et tout type d’union sexuelle, au point de devenir un jour majoritaire.

« Si la question se trouve devant le gouvernail de notre conscience », comme l’écrit Tom Burns dans « The Tablet » du 3 août 1968 (le même éditorial a été republié le 28 juillet 2018), il peut toujours il y avoir un conscience qui rejette le gouvernail comme tel. Une conscience qui ne serait pas préalablement éclairée par le vérité est comme une barque ballottée par les flots de la mer.  Tôt ou tard, elle finit par couler.  La conscience seule – c’est-à-dire une conscience sans vérité – n’est pas une conscience morale.  Elle doit être éduquée afin de poursuivre le bien et rejeter le mal.

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