Article rédigé par Boulevard Voltaire, le 10 mai 2017
Le second tour a confirmé la géographie et la sociologie Macron que dessinait le premier : la France BLAM (bourgeoise, libérale, âgée, moderne) rejointe par la France BLAC de Fillon (bourgeoise, libérale, âgée, conservatrice). Ajoutez-y les 18-24 ans et le tour était dans le sac. Inversement, la strate qui a le plus voté pour Marine le Pen est celle des 35-49 ans : la classe vraiment active, chargée de famille, oubliée du système, et la plus lucide sur les évolutions dramatiques du pays. Ce sont les inactifs – jeunes et retraités – qui ont imposé Macron aux actifs dans la force de l’âge. Les quadras ne voulaient pas de ce quadra-là. Étranges effets de miroir…
La fracture française est donc d’abord démographique et sociologique. Selon une enquête Ipsos publiée par Le Point, les retraités ont voté à 74 % pour Macron, les plus de 70 ans étant même 78 % à le plébisciter, le sondage OpinionWay publié par Les Échos évaluant même le vote Macron des plus de 65 ans à 80 % ! Même score pour les bac+3 : 81 % ! Alors que ceux qui ont un diplôme inférieur au bac ont voté Marine le Pen à 45 %, qui demeure en tête, à 56 %, chez les ouvriers.
Et c’est par là que cette fracture devient géographique : Marine le Pen fait ses meilleurs scores en milieu rural (43 %) tandis que Macron atteint des scores soviétiques dans les grandes villes. Faut-il rappeler les chiffres écrasants de Paris, qui lui a donné 90 % ?
Comment expliquer qu’un candidat aussi jeune, relativement inexpérimenté en politique et aux prétentions réformistes ait à ce point été plébiscité par une France grise, plutôt conservatrice par nature ?
On pourra avancer la géniale mise en scène de son couple, où Brigitte faisait figure de parfaite représentante de ces seniors aisés (Le Touquet) mais ayant appartenu à la classe moyenne (professeur de français).
Macron a joué cette carte à fond, grâce à laquelle il a gagné sur deux tableaux, celui des femmes (68 % des femmes contre seulement 62 % des hommes ont voté pour lui) et celui des seniors. Et les retraités représentant 14 millions d’électeurs, avec une majorité de femmes, le ciblage électoral était parfaitement calibré. Merci Brigitte.
Il faudrait aussi ajouter la maîtrise impeccable du scénario « peur du Front national », qui était au cœur de la stratégie hollando-macronienne, et qui fonctionne toujours chez ces retraités. Pas tellement celui de la guerre, que peu d’entre eux, en fait, ont vraiment connue, si ce n’est par les récits de leurs propres parents. Mais une photo de cimetière militaire, ça émeut toujours ces vieilles âmes sensibles.
Mais c’était surtout la crainte pour leurs portefeuilles, à tous les niveaux : revenir au franc ? Toucher à leur épargne ? Leurs actions ? Leurs assurances-vie ? Dans ces situations, il n’y a plus ni droite ni gauche qui tiennent. Il n’y a plus que le portefeuille. Macron a su être ce Pinay ou ce Giscard rassurants de leur jeunesse.
La France des vieux, qui ne sera plus là pour payer les pots cassés, nous a donné notre plus jeune Président. Ils ont cru bien faire. Nous n’avons plus qu’à subir ce choix. Et certainement beaucoup d’autres.