Article rédigé par Roland Hureaux, le 19 janvier 2017
Qui s'en souvient ? La presse internationale avait évoqué à la rentrée 2015 qu'Angela Merkel puisse recevoir le Prix Nobel de la Paix en récompense de sa politique d'accueil, jugée aussi audacieuse que généreuse, des réfugiés du Proche-Orient.
Cela ne s'est pas fait, et heureusement.
Le magazine Time l'avait néanmoins désignée comme femme de l'année.
Après l'horrible attentat terroriste de Berlin, tout le monde a déchanté, la chancelière en tête : ses jours à la tête de l'Allemagne paraissent désormais comptés. Déjà les événement de Cologne du 31 décembre 2015 et quelques attentats commis depuis lors avaient montré les risques de cette politique d'accueil.
Dès le début de 2016, le roi Abdallah de Jordanie avait révélé au Sénat américain que des terroristes avaient été infiltrés dans les flux de réfugiés.
Certains tiendront la chancelière pour une bonne âme abusée. Il faut pourtant y regarder à deux fois avant d'accorder les indulgences à cette luthérienne. Il est vrai que parmi la cinquantaine de militaires de l'OTAN qui conseillaient les djihadistes (de la mouvance d'Al Qaida !) à Alep - Est il ne semble pas y avoir eu d'Allemands. Mais l'Allemagne de Merkel n'en avait pas moins été à la manœuvre dès la fin des années 2000 pour introduire le chaos en Syrie : action de ses services secrets, fourniture d'armes et d'entraînement (sur le territoire turc) aux djihadistes. Tout cela dans le cadre du plan de l'OTAN destiné à renverser le président Assad par djihadistes interposés. Plan qui, grâce à l'intervention russe, a lamentablement échoué mais a tout de même réussi à plonger la Syrie dans une guerre qui a fait 300 000 morts et 8 millions de déplacés.
Les centaines de milliers de réfugiés qui ont tenté de gagner l'Europe à partir de l'été 2015 auraient pu prendre l'avion à Ankara ou Istamboul pour Berlin : cela leur aurait coûté 170€. Au lieu de cela, la chancelière, qui avait pourtant fait savoir qu’elle était prête à les accueillir, les a laissés traverser la mer Egée puis prendre la longue route des Balkans où chacun a dû payer aux passeurs quelques milliers d'euros.
Même si Angela Merkel avait été naïve, loin d'être une circonstance atténuante, c'était là une faute majeure pour une femme à ce niveau de responsabilité. La naïveté est permise aux gens simples, elle ne l'est pas à la tête d'un Etat. Il n'était pas difficile de deviner que l'irruption d'un million de réfugiés (ou "migrants") dans un pays comme l'Allemagne créerait d' immenses difficultés. Il fallait un haut degré d'irresponsabilité pour ne pas l'avoir prévu.
Pourquoi cette irresponsabilité ? En attendant que la chancelière écrive ses mémoires, ce qu'elle aura très vite le temps de faire, on n'a pas le dernier mot sur ce sujet. Pression du patronat qui avait besoin de main d'œuvre ? Mais est-il sérieux de raisonner en ces matières seulement en chiffres, sans prendre en compte les facteurs humains et culturels ? Pression d'Obama, voire des réseaux Soros (et sa Foundation for an Open Society dont une des nombreuses filiales porte le nom de No Borders) ? Pression et chantage d'Erdogan qui fut l'organisateur principal de l'exode de l'été 2015 ?
Mais peut-être ne faut-il pas oublier la psychologie d'Angela Merkel,qui mélangeant la générosité privée avec son devoir d'Etat, a cru faire œuvre pie en ouvrant, avec l'approbation de toutes les Eglises, toutes grandes les portes de l'Allemagne?
Pendant des siècles les princes chrétiens ont su qu'ils étaient d'abord comptables du maintien de la paix civile chez eux et que, face à cet immense devoir, les considérations de charité devaient être laissées à la sphère privée. Mais cette leçon est aujourd'hui oubliée. Nous vivons depuis longtemps sous le règne de ce que Chesterton appelait "les idées chrétiennes devenues folles", responsables de tant de malheurs. Emmanuel Todd, lui, parle des chrétiens "zombies", ce qui ne veut pas dire de mauvais chrétiens mais des gens issus du christianisme, aujourd'hui sortis de l' Eglise (et souvent très hostiles à celle-ci) mais qui en conservent une vague sensiblerie, laquelle s'incarne en France dans le parti socialiste. Une sensiblerie idéologique qui obéit à ce que Hayek appelle la loi des "effets contraires au but poursuivi ". Une étude reste à faire sur l'importance de ce phénomène dans la société contemporaine et sur les ravages qu'il y fait, jusqu'à mettre en danger la paix en Europe.