Article rédigé par Bruno de Seguins Pazzis, le 13 janvier 2016
Réalisé en 2009, le film Le 13ème jour peut enfin, début 2016, débuter une carrière en France grâce à la société « Saje Distribution » qui se spécialise dans la diffusion d’un cinéma chrétien.
Il faut remercier Hubert de Torcy qui diriqe cette société de distribution pour cette version française dans laquelle Brigitte Fossey prête sa voix à sœur Lucie. Le 13ème jour est le film qui fait aujourd’hui incontestablement référence concernant la représentation au cinéma des apparitions de la Sainte Vierge à Fatima.
Portugal, 1917. Trois jeunes bergers du village de Fatima, Lucie, Jacinthe et François, sont témoins de phénomènes étranges. Chaque 13 du mois à compter du 13 mai, une « Dame venant du ciel » qui se présente comme Notre Dame du Rosaire se manifeste à eux et leur parle. Les habitants de Fatima, apprenant cela, n’en croient pas un mot et se moquent des enfants tandis que le gouverneur de la région souhaite arrêter la « mascarade » afin d’éviter des troubles à l’ordre public. Mais petit-à-petit, la foule des curieux s’agrandit… Le 13e jour d’octobre 1917, le miracle du soleil finit de persuader et de convertir la foule présente.
Des précédents
En 1952, l’américain John Brahm réalise Le Miracle de Notre-Dame de Fatima (The Miracle of Our Lady of Fatima), un film complètement dominé par une iconographie religieuse et dans lequel le cinéaste choisit de représenter les apparitions, ce que d’autres cinéastes avaient également choisi de faire à propos de Lourdes (Henry King avec Le Chant de Bernadette réalisé en 1943 et Jean Sagols avec Je m’appelle Bernadette en 2011). Jean Delannoy, dans ses deux films sur Lourdes, s’était refusé à le faire (Bernadette en 1988 et La Passion de Bernadette en 1989), préférant se limiter à montrer le visage de la future sainte pendant les apparitions.
John Brahm réussit sa représentation des apparitions ainsi que celle du miracle du soleil, et son film constitue une excellente approche des apparitions de la Sainte Vierge à Fatima, essentiellement pour les plus jeunes en raison d’un traitement très didactique et parfois trop bon enfant. Même s’il faut reconnaître un respect concernant l’essentiel des évènements le film est très marqué par le courant artistique qui prévaut dans le cinéma américain du début des années 50.
Sous le signe de la gravité…
Les frères Ian et Dominic Higgins choisissent eux aussi de procéder à une restitution des apparitions et du miracle du soleil avec une réussite toute particulière, mais surtout ils abordent le sujet avec une gravité certaine, approchant le récit au travers des yeux de Lucie, agée d’une trentaine d’année alors qu’elle est devenue Sœur Lucie de Jésus Rosa Santos, qu’elle vit dans la solitude au couvent des Carmélites en Espagne et qu’elle écrit le deuxième de ses six souvenirs. Cette gravité est aussi justifiée par le contexte qui prédomine à cette époque au Portugal: nous sommes en pleine première guerre mondiale, le socialisme a renversé la monarchie, et le gouvernement déploie une politique anticléricale et antireligieuse violente et féroce, s’étant donné pour objectif de supprimer la religion catholique du pays en deux générations. Cette gravité est toutefois quelque peu adoucie par une mise en image imprégnée de l’aura du souvenir de Sœur Lucie. La tonalité du film reste toutefois grave et sombre et les cinéastes restituent avec une force esthétique et spirituelle, ainsi qu’une très grande simplicité et véracité les évènements.
…et de la beauté !
Le film offre des plans absolument saisissants de beauté. L’utilisation du noir & blanc comme élément évocateur du contexte sombre de la période évoquée ci-dessus mais aussi comme support visuel du souvenir de sœur Lucie est un choix artistique très heureux d’autant qu’à ce noir & blanc se superpose la couleur lorsque le Ciel vient éclairer, inonder et transformer les âmes des voyants et de ceux qui les entourent. Les Frères Higgins vont encore beaucoup plus loin sur le plan esthétique avec un travail très méticuleux sur la lumière qui éclaire souvent les images par le côté, évoquant la peinture de Joannes Vermeer, une lumière qui baigne ces images du flou subtil des souvenirs et qui partage les visages entre ombre et lumière. A ceci, s’ajoute une utilisation des contrastes, du cadrage et des angles de prises de vues (contre plongée, basculement et décentrage des cadres…) avec un art que ne renieraient pas des cinéastes comme Carl Th. Dreyer, Robert Bresson ou Eric Rohmer.
En même temps, et sans qu’il y ait la moindre contradiction avec ce qui précède, lors de certaines séquences, dont celles restituant les phénomènes miraculeux, le nom du cinéaste américain, non catholique mais chrétien épiscopalien, Terrence Malick (La Ligne rouge en 1998, Le Nouveau Monde en 2005, The Tree of Life en 2011) vient immanquablement à l’esprit. A ce titre, La représentation du miracle du soleil lors de l’apparition du 13 octobre 1917 devrait, quant à elle, rester dans les annales du cinéma, tant la beauté des images le dispute à la perfection de la technique.
Quelques manques
Les puristes de l’histoire de Fatima critiqueront des manques ou des inexactitudes: absence des trois apparitions de l’Ange en 1915 à Lucie et à deux de ses amies, absence des trois apparitions angéliques de 1916 (l’Ange de la Paix, l’Ange du Portugal et l’Ange de l’Eucharistie) à Lucie, François et Jacinthe, mais aussi, la restitution de seulement quatre des six apparitions de 1917 ou encore le choix de ne pas représenter Lucie comme une enfant joyeuse, affectueuse, lumineuse même, comme en témoigne les récits historiques. Sur ce dernier point, les raisons du choix de la gravité jusque dans les personnages des petits voyants ont déjà été données plus haut. Pour le reste, est-il toujours nécessaire de tout décrire pour faire œuvre de vérité ? Fallait-il allonger et alourdir l’œuvre pour restituer avec une exactitude strictement historique pratiquement trois années de la vie de Lucie ? Faut-il alors considérer que Le 13ème jour pèche par manque de rigueur ou de détail historique ?
« Une œuvre d’art authentiquement chrétienne ! »
Les frères Higgins, pleinement auteurs du film puisqu’ils en sont à la fois les scénaristes, les metteurs en scènes et les directeurs de la photographie, font la preuve que non. Respectant la chronologie des faits, mais faisant le choix d’omettre certains faits pour mettre l’éclairage plus intensément sur d’autres, ils parviennent à retranscrire avec vérité l’ambiance, le climat, plus encore l’esprit, finalement la réalité de ce qu’ont vécu les petits voyants et à focaliser ainsi le spectateur sur l’essentiel. Indiscutablement, Ian et Dominic Higgins, réalisent avec Le 13ème jour bien plus qu’une simple mise en images des faits. Ils les transcendent pour atteindre l’âme du spectateur et signent ainsi une œuvre d’art authentiquement chrétienne !
Avec : Jane Lesley (Maria Dos Santos, Michael d’Cruze (Antonio Dos Santos), Kelley Costigan (Olypia Marto), Filipa Fernades (Lucia Dos Santos), Tarek merlin (Arturo de Oliveira), Derek Horsham (Tito Marto). Scénario : Ian et Dominic Higgins. Directeur de la photographie : Ian et Dominic Higgins. Musique : Andie Guthrie.
Bruno de Seguins Pazzis
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