Régionales : pourquoi le Parti socialiste se fait hara-kiri ?
Article rédigé par Roland Hureaux, le 10 décembre 2015 Régionales : pourquoi le Parti socialiste se fait hara-kiri ?

La décision du Parti socialiste de retirer sa liste au second tour des élections régionales dans trois régions clef : PACA, Nord-Picardie, Grand Est, même si elle se heurte à une fronde dans cette dernière région, sera qualifiée de courageuse par ceux qui considèrent qu'empêcher le Front national d'accéder à toute responsabilité, fut-elle locale, est l'objectif prioritaire. Elle est en tous les cas douloureuse.

Il faut comprendre les mécanismes des élections régionales pour en mesurer les dommages collatéraux considérables. Une liste qui n'est pas présente au second tour n'aura pas d'élus.

La décision du PS prive de mandat dans chaque région une vingtaine de candidats en tête de liste et donc influents qui s'étaient démenés au cours de la campagne et dont l'élection était assurée. Certains perdent, avec les indemnités afférentes, une ressource vitale. Il y a fort à parier que beaucoup d'entre eux ne soient pas prêts à se défoncer pour faire la campagne de Hollande en 2017.

Ces candidats pourront aussi se voir reprocher par une partie de leurs électeurs de ne pouvoir s'exprimer au second tour et de devoir choisir entre deux candidats du camp adverse plus ou moins honnis. Ils pourront avoir le sentiment d'un lâchage et en conclure que voter pour le PS ne sert désormais plus à rien.

Enfin le Parti socialiste sera absent du conseil régional dans trois régions d'implantation historique : le Nord et l'Est, les deux plus vieilles régions industrielles et donc ouvrières de France, et PACA, dont le chef-lieu, Marseille, est aussi un fief historique du Parti socialiste.

Le sentiment que le PS est dès lors entré dans un déclin irréversible va naturellement déteindre dans d'autres régions. Quels jeunes pourra-t-il recruter pour assurer son renouvellement ?

Pour quels avantages ?

En regard de ces inconvénients lourds, quels avantages ?

Avoir évité que le FN ne prenne pied dans un exécutif régional, qu'il ne devienne un parti de gestion désormais entièrement normalisé ? Sans doute, mais c'est une arme à double tranchant. D'abord, si les chefs du Front national, Marine Le Pen en tête, se trouvent accaparés par la gestion locale, ils seront moins disponibles pour la campagne nationale. Ils ont aussi des chances de se pendre les pieds dans le tapis, compte tenu notamment de leur inexpérience et d'un environnent administratif et médiatique hostile.

À l'inverse, si le Front national bute sur le Front républicain, il pourra se poser en victime d'une manœuvre que beaucoup, à tort ou à raison, tiennent pour antidémocratique. Il pourra plus facilement que par le passé dénoncer la collusion UMPS (LRPS) et se poser ainsi comme le seul vrai parti d'opposition. Or en démocratie, l'opposition a toujours vocation à accéder un jour au pouvoir.

C'est pourquoi on peut se demander si le bénéfice escompté justifie le comportement du Parti socialiste.

Le mirage centriste

Une explication de son attitude avancée ces jours-ci est que Francois Hollande poserait là les jalons d'une nouvelle configuration politique d'où émergerait, sinon une UMPS, du moins un grand mouvement de centre-gauche allant du PS à l'aile centriste des Républicains, ayant comme références Valls, Macron, Bayrou, Lagarde, Juppé, Bertrand avec éventuellement le Président comme chef de file. Faute de pouvoir se faire réélire avec l'étiquette du PS, Hollande le serait avec celle de l'UMPS.

Une telle configuration laisserait évidemment de côté Nicolas Sarkozy qui a refusé de se prêter au jeu des retraits croisés en maintenant ses candidats les moins bien placés au second tour.

Mais on ne saurait exclure qu'en dernière instance et au prix d'un important préjudice accepté, François Hollande ait dû céder à une contrainte impérative. Contrainte interne que l'on peut imaginer, du CAC 40 au Grand Orient. Surtout contrainte internationale : Hollande a pensé sans doute qu'il ne pourrait pas se présenter la tête haute devant ses alliés de l'OTAN, ses partenaires de l'UE et la Commission européenne elle-même, en paraissant complice de l'accession du FN au pouvoir, fut-il régional. Il est clair que par rapport à une telle exigence, le sort d'un brave militant socialiste du Nord pesait peu.

Reste à savoir comment les Français, pas seulement ceux qui ont voté pour le Front national, percevront cette stratégie qui a les apparences d'une manœuvre de la dernière chance.

 

Roland Hureaux

 

 

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