Article rédigé par Laurent Ottavi, le 02 octobre 2015
ETUDE | L’euro a été mis en place dans un esprit de dépassement des États-nations, et d’émergence d’une nation européenne qui n’existait et n’existe toujours pas. Il apparaît aujourd’hui comme une monnaie suspendue dans le vide, soutenue en premier lieu par les pays du Nord qui en ont bénéficié jusqu’ici mais ne souhaitent pas payer ad vitam aeternam pour leurs voisins du Sud. Sur le terrain, la persistance des réalités nationales se traduit par des divergences économiques et politiques rendant l’euro de plus en plus difficile à gérer en l’absence de solidarité européenne et du fédéralisme qu’elle implique. La Grèce a en été une nouvelle fois l’illustration ces derniers mois. C’est la revanche de l’Histoire, qui sonne le glas de la monnaie unique.
2e PARTIE : 2002-2009, LES DIVERGENCES NORD-SUD
La divergence entre les économies créée par la monnaie unique, ce que l’économiste Jacques Sapir appelle l’« eurodivergence » [1], a eu pour effet le décrochage des pays du Sud — parmi lesquels la France. Les excédents des uns, les pays du Nord — avec au premier chef l’Allemagne et les Pays-Bas — étaient les déficits des autres [2].
1/ La stratégie allemande
La réunification et l’euro, sous-évalué par rapport à ce que serait le mark, ont permis à l’Allemagne d’importer des pièces détachées fabriquées à bas-coûts chez ses voisins d’Europe centrale et de l’Est à partir desquelles elle a assemblé machines-outils, voitures et biens d’équipements destinées à l’export. Le made by Germany a ainsi succédé au made in Germany c’est-à-dire à la production sur le sol allemand.
Lesdits produits, hauts de gamme, sont bien moins sensibles à la compétitivité-prix que ceux de ses concurrents, c’est-à-dire que le prix a moins d’importance dans le succès des exportations allemandes, lequel repose sur leur réputation d’excellente qualité. Les pays du Sud privés de l’arme de la dévaluation se sont endettés, grâce aux faibles taux que permettait l’euro, pour acheter ces biens allemands. En 2009, 63% soit près des deux-tiers des exportations allemandes, se faisaient en Europe [3].
La monnaie unique a d’autant plus servie l’Allemagne, pays à grande tradition industrielle, qu’elle a renforcé sa compétitivité par une politique non coopérative que la cogestion entre syndicats et patronat rend possible. Les lois Hartz, instaurées par Gerhard Schröder, ont reporté sur les ménages, par la diminution des prestations sociales, une partie des charges que paient les entreprises. Le système des retraites et les indemnités de chômage ont été réformés. Les licenciements et le travail à temps partiel ont été facilités[4].
Le gouvernement d’Angela Merkel, élue en 2005, a poursuivi les efforts engagés par les sociaux-démocrates en augmentant par exemple la TVA pour réduire, en contrepartie, les charges des entreprises.
Politique non coopérative
L’Allemagne a ainsi comprimé sa demande intérieure au bénéfice de ses exportations [5] dans une logique mercantiliste qui, à bien des égards, rappelle celle de la Chine comme l’a montré Jean-Michel Quatrepoint [6]. La première offre à ses clients des produits haut de gamme, la seconde des produits bas de gamme. Dans le même temps, en passager clandestin, l’Allemagne a profité de la demande des pays du Sud.
Si ces pays avaient agi de la même manière, comme leur demandent aujourd’hui les responsables allemands, l’Europe aurait été prise au piège de la récession faute de débouchés. C’est pourquoi ils ont fait le choix de l’endettement (public ou privé) ; ce au plus grand profit de la finance et notamment… des banques des pays du Nord ! « Le volume des prêts des banques étrangères à la Grèce, écrit l’économiste Gaël Giraud, a été multiplié par 4 entre 2000 et 2007. » Cette augmentation s’explique par « l’assurance que, en cas de problème, les contribuables européens seraient mis à contribution pour rembourser les dettes publiques [7] ».
L’euro, par conséquent, a eu un double avantage pour l’Allemagne : il a dopé la demande des pays du sud qui ont acheté ses produits à un crédit bon marché permis par l’euro et il a privé de l’arme de la dévaluation ces mêmes pays qui en auraient eu besoin pour regagner en compétitivité. Ainsi, le déficit commercial allemand en 2000 s’est-il transformé en 2007 en un excédent de 7,5 % [8]. La divergence au niveau de la balance des paiements créée par un tel système n’est absolument pas tenable, c’est pourquoi la crise de l’euro devait tôt ou tard finir par éclater [9].
2/ L’euro contre l’Europe
La zone euro, pendant près de dix ans, est donc divisée en deux : « Dopage de la demande intérieure au Sud, choc de compétitivité au Nord », comme l’écrivent les quatre journalistes auteurs de Casser l’euro pour sauver l’Europe (LLL) [10].
La production manufacturière de 1999 à 2012 augmente de 30% au Nord (Allemagne, Autriche, Belgique, Finlande, Pays-Bas), et recule de plus de 10% au Sud (France, Espagne, Italie, Grèce, Portugal) davantage tourné vers la production de biens non échangeables (bâtiment, tourisme). Autre exemple : l’emploi public recule de 2,5% dans le Nord de la zone euro alors qu’il augmente dans les pays du Sud.
En revanche, la hausse des salaires (de l’ordre de trois fois plus au Sud qu’au Nord) n’est pas la cause de la perte de compétitivité des pays méditerranéens puisque les salaires réels ont progressé moins vite que la productivité du travail [11]. Il est également faux d’affirmer que les populations du Sud de l’Europe travaillent moins que celles du Nord.
3/ Les pays du Sud
S’ils ont tous été affaiblis par les divergences créées par la monnaie unique, les pays du Sud n’ont pas connu pour autant la même trajectoire économique.
Bulles immobilières (Espagne, Irlande)
L’Espagne, à partir du crédit bon marché permis par l’euro et d’un afflux de capitaux allemands, a créé une bulle immobilière qui a provoqué une forte croissance, une hausse des salaires et des prix. Entre 2000 et 2007, le PIB augmente en moyenne de 3,6% chaque année et le nombre de demandeurs d’emplois est réduit de moitié [12]. « La construction et ses industries sous-traitantes, écrit Michel Aglietta, ont absorbé jusqu’à 25% de l’emploi » pendant que le déficit courant se creusait [13].
L’Espagne est citée en exemple par les dirigeants français à la veille de l’éclatement de la bulle. Celle-ci provoque une explosion du taux de chômage (19%) en 2007. La dette privée atteint 220% du PIB en 2012, et la dette publique double de 2007 à 2011 du fait de la recapitalisation de ses banques. Sa production industrielle a baissé de 15% depuis quinze ans.
L’Irlande a également créé une bulle immobilière mais, au contraire de l’Espagne, ce sont les banques qui se sont endettées et non les particuliers. Elle était également citée en exemple, par Jean-Claude Trichet ancien président de la Banque centrale européenne. L’Irlande a nationalisé son système bancaire en faillite mais, « contrairement à l’Islande, souligne l’économiste Gaël Giraud, le gouvernement irlandais a choisi de prendre à son compte l’essentiel des dettes bancaires et de s’efforcer de les payer [14] ». C’est pourquoi, en une seule année, la dette publique irlandaise est passée de 25% du PIB à 100%.
La maîtrise d’une monnaie nationale aurait permis à ces deux pays de relever leur taux d’intérêts pour faire face au gonflement de leurs bulles respectives. La BCE, préoccupée par le taux moyen en zone euro, est restée sourde aux différences entre les pays pourtant croissantes, puisque la monnaie unique fait diverger les taux d’inflation quand au contraire ils convergeaient du temps où existaient les monnaies nationales à la fin des années 1990.
La BCE n’a pas fait preuve de la même attention concernant l’inflation des actifs financiers, laissant les banques privées créer de la monnaie en très grande quantité : le bilan de BNP Paribas a triplé entre 2002 et 2007 [15].
Endettement public (Grèce, Portugal)
Les Grecs étaient entrés dans la zone euro parce que leurs dirigeants avaient menti — avec l’aide de Goldman Sachs — sur le déficit budgétaire de leur pays sans que la Commission européenne ni la BCE n’y trouvent à redire. Un audit de 2004 a montré que le déficit public de la Grèce en 2001 n’était pas de 1,4 mais de 3,7% et qu’il était en 2004 de 5,3% au lieu de 1,2% [16].
Les Allemands, rappelons-le, ne voulaient pas des « pays du club Med » dans la zone euro. Ceux-ci sont entrés principalement pour des raisons politiques et culturelles. « On ne fait pas jouer Platon en seconde division » disait déjà Valéry Giscard d’Estaing dans les années 1970 afin que la Grèce soit acceptée dans la Communauté européenne.
Pendant près de dix ans, et contre toute logique économique, les Grecs ont pu emprunter aux même taux que les Allemands. Comme le Portugal, la Grèce s’est endettée au service de sa consommation. A cela il faut ajouter une politique laxiste de dépenses publiques et une forte corruption qui rend difficile les rentrées fiscales notamment auprès des armateurs et de l’Eglise orthodoxe. D’après Michel Aglietta, « si les capitaux des armateurs placés dans les paradis fiscaux étaient rapatriés, la dette publique grecque pourrait être effacée ».
La consommation grecque reposait donc sur des bases malsaines. La balance courante de la Grèce, déficitaire de 7% au moment de l’entrée dans l’euro, atteint 15% du PIB en 2007. Les agences de notation n’ont pourtant pas sourcillées.
Costas Caramanlis, du parti conservateur Nouvelle Démocratie, mena une politique de rigueur qui eut pour conséquences des émeutes fin 2008. En 2009, Georges Papandréou accède au pouvoir. Il révèle l’ampleur du maquillage des comptes grecs. Le déficit budgétaire n’est pas de 3% mais de 8% à 9%. Les banques grecques sont les premières frappées par l’onde de choc créée sur les marchés, mais c’est l’ensemble de la zone qui va en subir les conséquences.
En 2009, la dette privée grecque est de 173% du PIB et la dette publique de 115% [17].
Faible croissance (Italie, France)
L’Italie, a connu de faibles taux de croissance faute à un taux de change qui étouffe ses PME familiales. C’est le seul pays, selon Eurostat, où le pouvoir d’achat a reculé depuis 15 ans [18]. Sa production industrielle a chuté de 21% depuis 1999. Celle de l’Allemagne, au contraire, a progressé de plus de 30%. Auparavant, l’Italie avait recours à la dévaluation, ce qui lui permettait de rivaliser régulièrement avec les exportations allemandes.
La dette publique italienne était déjà très élevée avant l’entrée dans l’euro, mais elle a l’avantage d’être majoritairement détenue par les résidents.
La France s’en est un peu mieux sortie que l’Italie, parce qu’elle a eu recours au déficit budgétaire[19]. Elle a été frappée à la fois par le taux de change interne, c’est-à-dire qu’elle n’a pas pu dévaluer sa monnaie pour faire face à la concurrence allemande, et le taux de change externe.
Le rapport Gallois [20] remis fin 2012 au gouvernement Ayrault a alerté sur les conséquences de l’euro cher [21]. Avec la monnaie dite « forte », la France, dont les produits milieu de gamme sont très sensibles à la compétitivité prix contrairement à l’Allemagne, a appris à ses dépens l’importance du taux de change dans la globalisation.
« Dans une économie ouverte sur l’extérieur, explique l’économiste Jean-Jacques Rosa, le taux de change est de loin le plus important de tous les prix. Il affecte en effet simultanément les prix de toutes les exportations et ceux de tous les biens importés, donc très directement les activités des entreprises installées dans le pays, soit exportatrices, soit productrices de biens et services concurrencés par les importations. La suppression des ajustements de change avec certains partenaires commerciaux est donc lourde de conséquence [22]. »
Une étude de l’Insee a montré que, pour un euro correspondant à 1,40 dollar, la France perd entre 1,5% et 2,1% de croissance par an[23]. Il faudrait qu’un euro soit l’équivalent d’un dollar (1 euro = 1 dollar) pour que les entreprises françaises soient compétitives. Si les grandes firmes globalisées ne remettent pas en cause la monnaie unique, c’est parce qu’elles ont délaissé le cadre national voire européen, sachant par exemple qu’une monnaie forte rend moins couteux l’achat d’une usine à l’étranger[24].
Le déficit commercial français en 2011 est de 70 milliards d’euros[25], soit près de 3 % du PIB — du « jamais vu » depuis 1950 écrit Alain Cotta[26] —, alors que la balance commerciale entre la France et l’Allemagne était à l’équilibre lorsque l’euro fut créé. La France a perdu 15 points de compétitivité par rapport à l’Allemagne depuis 2000[27]. Sa part dans le marché mondial a baissé de 5,1% en 2002 à 3,8% en 2013. L’industrie ne représente plus que 12% de son PIB (30% en Allemagne) et l’agroalimentaire français, concurrencé par le dumping social allemand, a perdu sa première place européenne.
Depuis 1983, c’est-à-dire le choix de François Mitterrand de rester dans le SME, la France a perdu plus de deux millions d’emplois industriels.
4/ La « grande illusion »
Pour ce qui est de l’endettement, les situations, là encore, sont différentes. Mais la plupart des pays de la zone euro ont baissé leur dette publique sur la période allant de 2000 jusqu’au début de la crise financière. L’Espagne était à 40% de dette en 2007 et celle de l’Irlande était encore plus faible. L’Italie était très endettée avant d’adopter la monnaie unique mais elle a réduit son ratio dette / PIB jusqu’en 2007.
Dire que c’est le laxisme budgétaire qui a entrainé la crise de l’euro, est donc faux, mis à part le cas grec et, dans une moindre mesure, le Portugal. Nous sommes ici au cœur de ce que l’économiste américain Paul Krugman [28] appelle « la grande illusion » : l’hellénisation du discours sert à justifier une politique d’austérité à des pays considérés comme irresponsables, au lieu de s’interroger sur les tares inhérentes à la monnaie unique. Le problème se situe bien plus au niveau des dettes privées.
Dette brute privée et dette brute publique en zone euro en 2007
(Source : Michel Aglietta, "Zone Euro : éclatement ou fédération", Michalon, 2012)
2007 | Dette brute privée | Dette brute publique |
France | 196 % | 65 % |
Allemagne | 200% | 60% |
Italie | 214% | 105% |
Espagne | 317% | 40% |
La dette publique augmente fortement à partir du moment où les Etats ont renfloué les banques et relancé l’activité après la crise financière de 2007-2008, c’est-à-dire que la dette privée a été transformée en dette publique [29].
L’euro ne nous a donc pas protégés de la crise financière : les banques européennes, devenues globales, s’étaient gorgées d’actifs toxiques, faute de réglementation bancaire, et la récession a été aussi importante en Europe qu’aux Etats-Unis. Il n’a pas non plus cassé l’hégémonie du dollar, contrairement à une autre promesse faite dans les années 1990. Celui-ci représentait en 1995 59% des réserves des banques centrales dans le monde. En 2011, cette part est de 62,1% [30].
Malgré l’intervention des États, la dette privée reste très élevée alors qu’aux Etats-Unis, sur la même période, de fin 2007 à fin 2009, elle est passée de 300% du PIB à 260% du fait notamment d’une politique de relance plus appuyée qu’en Europe. En 2011, la dette privée représente 140% du PIB européen contre 88% pour la dette publique [31].
Dette brute privée et dette brute publique en zone euro en 2009
(Source : Michel Aglietta, "Zone Euro : éclatement ou fédération", Michalon, 2012.)
2009 | Dette brute privée | Dette brute publique |
France | 203% | 78% |
Allemagne | 207% | 73% |
Italie | 214% | 115% |
Espagne | 334% | 64% |
En 2009-2010, le sauvetage des banques a déclenché ce qui a été appelé à tort la crise des dettes souveraines, qui est en fait la « crise de l’euro » ou plus exactement le dévoilement d’une réalité qui avait été cachée jusque-là par l’endettement public ou privé : la monnaie unique est en crise permanente parce qu’elle est privée du fédéralisme lui permettant de fonctionner. L’hétérogénéité entre les économies européennes, bien loin de la convergence promise, est alors apparue au grand jour. La Grèce était le premier maillon faible.
5/ Fédéralisme et union de transferts
Pour combler les divergences entre les économies nationales ici évoquées sans remettre en question la monnaie unique, il faudrait créer ce que les économistes appellent une union de transferts. Une redistribution de richesses serait ainsi opérée des pays les plus compétitifs, ceux du Nord de la zone euro, vers les pays du Sud ; c’est-à-dire que les Pays du Nord financeraient les pays du Sud. Il s’agirait d’appliquer le système de solidarité de l’Etat-nation entre les régions ou du fédéralisme américain entre les Etats. La région ou l’Etat en difficulté dépense alors davantage pour parer à la crise tout en contribuant moins au budget de l’État [32].
Une telle solidarité est indissociable du sentiment national. C’est parce qu’Américains ou Français partagent une communauté de destin fondée sur un passé et des intérêts communs qu’une telle redistribution, leur est acceptable. « Entre les États-nations constitués, écrit Alain Cotta, aucune zone monétaire optimale n’aura duré bien longtemps ; l’union latine, la zone rouble, la zone sterling auront disparu sans laisser d’autres traces que dans les livres d’histoires spécialisés [33]. » La question du sauvetage de l’euro est donc à poser en ces termes : existe-t-il une nation européenne au sein de laquelle les populations sont solidaires les unes des autres, ce qui rendrait possible une union de transferts ?
Eclatement ou fédération
Bien loin de l’opposition entre austérité et relance, c’est le clivage fédéralisme/souverainisme qui s’avère déterminant, d’où le titre du livre de Michel Aglietta, Zone euro : Eclatement ou fédération (Michalon) [34]. Il ne peut exister de zone monétaire optimale en l’absence de zone politique du même nom, c’est-à-dire où l’exercice d’un contrôle démocratique central est possible [35]. Michel Aglietta croit encore en la possibilité d’une « sortie par le haut » de la crise, c’est-à-dire par la construction du toit politique qui manque aux structures économiques, illusion de laquelle reviennent aujourd’hui quelques fédéralistes [36].
De fait, on ne voit ni les contours ni la substance de cette « nation européenne ». Les mythes fondateurs sont nationaux, les intérêts le sont encore, les peuples ne veulent pas abandonner leur patrie. Brandir l’exemple des États-Unis, colonies britanniques qui se sont forgées en nation dans la guerre, revient à plaquer sur une géographie et une histoire une réalité qui n’y correspond absolument pas. C’est précisément ce que la crise met en lumière. L’euro est la monnaie d’une Europe qui n’existe pas [37].
La monnaie allemande d’une Europe fantôme
Quand bien même cette fusion européenne [38] serait culturellement possible, elle se heurterait sur une réalité politique. L’Allemagne, et plus largement les pays du Nord, ne veulent pas de fédéralisme. Au moment des négociations sur le traité de Maastricht, elle avait déjà imposé une clause de non-renflouement des Etats membres.
Selon les calculs de Jacques Sapir [39], dans une union de transferts, les Allemands devraient sacrifier 8% à 9% de leur PIB chaque année sur une période d’au moins 10 ans. Patrick Artus, économiste chez Natixis et partisan de l’euro, évalue même ce montant à 12,7% (plus de 250 milliards d’euros par an). L’Allemagne ne peut pas accepter une telle option. Le coût de sa réunification, de 1500 milliards d’euros sur vingt ans c’est-à-dire 3% du PIB allemand annuel, a été colossal et elle tient à son Etat retrouvé.
La monnaie unique, est donc condamnée. Retarder l’éclatement plutôt que l’anticiper revient à mettre l’idée européenne en péril et à plonger les peuples dans le chaos.
Laurent Ottavi
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[1]. Jacques Sapir, Faut-il sortir de l’euro ?, Seuil, 2012. « Une monnaie unique quand elle n’est pas équilibrée par une politique budgétaire particulièrement active, écrit Jacques Sapir, accélère le processus de différenciation fondés sur écarts de productivité et de coût salarial réel entre pays de la zone monétaire. »
[2]. Voir : Jean-Michel Quatrepoint, le Choc des Empires, Gallimard, 2014 : « Six pays affichent un excèdent total de 2 440 milliards sur 10 ans, dont 1740 pour la seule Allemagne. Et les onze autres –essentiellement l’Europe du sud et la France – dont le déficit tangente les 2000 milliards de dollars. […] Grâce aux excédents de l’Allemagne et des Pays-Bas, la zone euro et l’Union européenne sont toujours excédentaires, ce qui justifie la bonne tenue de l’euro face au dollar. »
[3]. Alain Cotta, Sortir de l’euro ou Mourir à petit feu, Plon, 2011.
[4]. Si le taux de chômage allemand est aujourd’hui un des plus faibles d’Europe il le doit en grande partie au vieillissement de la population. Il ne doit pas masquer non plus la paupérisation des travailleurs. On pense bien sûr aux fameux emplois à moins de 450 euros.
[5]. « Les gains de compétitivité dus à la baisse des coûts salariaux unitaires relativement aux pays où ils ont monté le plus, ont continué tout au long de la décennie. » Michel Aglietta, Zone Euro : éclatement ou fédération, Michalon, 2012.
[6]. Jean-Michel Quatrepoint, le Choc des Empires, Gallimard, 2014.
[7]. Gaël Giraud, Illusion financière, Les éditions de l’Atelier, 2012.
[8]. Jacques Sapir, Faut-il sortir de l’euro ?, Seuil, 2012.
[9]. Paul Krugman, Sortez-nous de cette crise … maintenant, Flammarion, 2012.
[10] F. Dedieu, B. Masse-Stamberger, B. Mathieu, L. Raim, Casser l’Euro pour sauver l’Europe, LLL, 2014.
[11]. Les chiffres cités sont issus de Casser l’Euro pour sauver l’Europe, op. cit.
[12]. Casser l’Euro pour sauver l’Europe, op. cit.
[13]. Michel Aglietta, Zone Euro : éclatement ou fédération, Michalon, 2012.
[14]. Gaël Giraud, Illusion financière, Les éditions de l’Atelier, 2012.
[15]. Gaël Giraud, Illusion financière, op. cit.
[16]. Michel Aglietta, Zone Euro : éclatement ou fédération, op. cit.
[17]. Michel Aglietta, Zone Euro : éclatement ou fédération, op. cit.
[18]. Casser l’Euro pour sauver l’Europe, les Liens qui libèrent, op. cit.
[19]. Jacques Sapir, Faut-il sortir de l’euro ?, Seuil, 2012.
[20]. Le groupe EADS que dirigeait Louis Gallois estimait que pour 1, 10 euro = 1 dollar, le groupe perdait 1 milliard d’euros. Pour 1,20 euro = 1 dollar, le groupe perdait 2 milliards d’euros, etc. Airbus délocalise sa production en zone dollar pour baisser ses coûts.
[21]. Dont le seul avantage est d’avoir une moindre facture énergétique.
[22]. Jean-Jacques Rosa : L’Euro : comment s’en débarrasser, Grasset, 2011.
[23]. Les effets de l’appréciation de l’Euro sur l’économie française, Frank Cachia, 20 Juin 2008. Cité dans : J. Sapir, Faut-il sortir de l’euro, Seuil, 2012.
[24]. Jean-Jacques Rosa : L’euro : comment s’en débarrasser, Grasset, 2011.
[25]. Jean-Pierre Chevènement, 1914-2014 : l’Europe sortie de l’histoire ?, Fayard, 2013.
[26]. Alain Cotta, Sortir de l’euro ou mourir à petit feu, Plon, 2011.
[27]. Jean-Pierre Chevènement, 1914-2014 : l’Europe sortie de l’histoire ?, op. cit.
[28]. Paul Krugman, Sortez-nous de cette crise… maintenant, Flammarion, 2012.
[29]. La dette publique n’en reste pas moins inférieure à celle des institutions financières et des entreprises privées non financières.
[30]. J. Sapir, Philippe Murer, Les Scenarii de dissolution de l’euro, Fondation Res Publica, 2013.
[31]. Gaël Giraud, Illusion financière, op. cit.
[32]. Emmanuel Todd, au cours du colloque organisé par Liberté politique en 1998, lançait cet avertissement : « Distinguer la politique budgétaire de la politique monétaire […] dans des pays où 40% à 60% du PIB est l’objet de redistribution ou d’attribution par l’Etat c’est une vue de l’esprit. Donc pas de politique budgétaire commune, cela signifie pas de monnaie commune. Le destin de cette monnaie est donc scellé ». L’euro de tous les risques, Actes du colloque du 4 février 1998, François-Xavier de Guibert/Liberté politique.
[33]. Alain Cotta, Sortir de l’euro ou mourir à petit feu, op. cit.
[34]. Michel Aglietta, Zone Euro : éclatement ou fédération, op. cit.
[35] Georges Berthu, À chaque peuple sa monnaie, François-Xavier de Guibert, 1998.
[36]. Par exemple François Heisbourg : La Fin du rêve européen, Stock, 2013.
[37]. « En un mot, écrit Michel Aglietta, pour tous les pays sauf l’Allemagne l’euro est une monnaie étrangère. ».
[38]. « La fusion en Europe, c’est la confusion » disait le général de Gaulle.
[39]. Jacques Sapir, Faut-il sortir de l’euro ?, op. cit.