Article rédigé par , le 26 septembre 2014
Sur la montée des populismes européens, les données sont désormais bien établies. L'Italien Beppe Grillo en est sans doute la représentation la plus éclatante. Connaissez-vous cette créature monstrueuse inventée par la télévision ?
Beppe Grillo s'est fait connaître au milieu des années 1980, lorsque l'opération « Mains propres » a décimé les vieux partis politiques italiens. À l'époque, le comique dénonce la corruption. Vingt ans plus tard, il torpille la « caste » des élites. Il est aujourd'hui à la tête du Mouvement 5 étoiles, qui prône l'établissement d'une démocratie directe et cybernétique, qui a rassemblé en 2013 23% des électeurs italiens.
Grillo ne fait pas du tout rire Jacques de Saint-Victor. Bon connaisseur de l'Italie, cet historien du droit et des idées politiques prend l'ex-comique au sérieux. Il ne croit pas que la spectaculaire percée électorale de son mouvement soit réductible à une mauvaise farce italienne.
Cette mouvance, qu'on caractérise souvent par le terme d'« antipolitique », est pour l’auteur un phénomène d'un genre nouveau : « Il faut être attentif à ce qui se passe de l'autre côté des Alpes.
Là prend peut-être forme le futur de nos démocraties, marquées par l'émergence des nouveaux moyens interactifs dont le blog de Grillo, l'un des plus suivis au monde, est devenu le symbole inquiétant.
La France, elle aussi, commence à être affectée par cet antidémocratisme qui prend le masque de la démocratie pour la saper à coup de vulgarités, de plaisanteries et de démagogie. Ce qui est d'autant plus préoccupant que les « antipolitiques » à la Beppe Grillo avancent main dans la main avec des hommes comme Gianroberto Casaleggio, milliardaire d'Internet et cadre mystérieux du Mouvement 5 étoiles. Les clowns sont parfois dangereux.
L’un des intérêts de l’ouvrage est de dévoiler les nouveaux oripeaux numériques de ce populisme. Saint-Victor dissèque les ressorts de ce néo-populisme et conclut qu'à la faveur du développement du web 2.0, une nouvelle pensée politique se propage qui menace les fondements de la démocratie représentative. Cet essai tente de démystifier la chimère d'une « démocratie en ligne » dont l’auteur souligne les dérives possibles. « L'exigence de transparence est un dieu sévère qui, comme Saturne, dévore ses propres enfants. Elle n'admet aucune limite et rien ne vient jamais rassasier son désir. »
Le Net « remet au goût du jour les rêves de démocratie directe oubliés depuis Périclès ». Le Web interactif, nouvelle agora numérique, sera-t-il le piège de la démocratie représentative ? Grillo, ce nouveau Savonarole, ne s'y trompe pas : « Les partis, les médias sont morts. » Des messages diffusés ad nauseam sur son blog, l'un des dix les plus influents du monde. « Ils doivent tous dégager », « Vaffanculo »… Un nouvel espace public émerge et ce n'est pas un salon du XVIIIe. Ce livre trace les contours de cet espace, en répertorie les dangers. L'historien est au rendez-vous des idées nouvelles.
Georges Leroy
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