Clonage : pourquoi les femmes devraient s’intéresser aux biotechnologies
Article rédigé par Rebecca Taylor, le 25 mai 2013 Clonage : pourquoi les femmes devraient s’intéresser aux biotechnologies

Des chercheurs viennent de créer pour la première fois des cellules souches embryonnaires humaines, grâce notamment à l’énucléation de l'ovule d'une femme donneuse. Pour la biologiste américaine Rebecca Taylor, les femmes devraient se méfier. Mesdames, vous êtes en train de devenir des “banques de matériel biologique”. Non sans risque pour votre santé et votre fécondité. Rebecca Taylor explique pourquoi, dans un billet de 2009 à nouveau d’une brûlante actualité, traduit par le biologiste français Albert Barrois.

LA PLUPART DES FEMMES ne savent pas combien elles sont précieuses. Je ne parle pas de la cuisine, du ménage, ou d’élever les enfants tout en rapportant un salaire à la maison. Je parle de leur biologie.

Le Dr Hwang Woo-suk, chercheur déshonoré qui affirmait avoir cloné des embryons humains et extrait des cellules souches, a été reconnu coupable de détournement de fonds récemment et a reçu une peine de deux ans avec sursis. À mon avis, le principal crime du Dr Hwang n'est pas son article frauduleux, ou le détournement de fonds. C’est plutôt l’exploitation des chercheuses de son laboratoire pour leurs ovules.

Le clonage nécessite des ovules, beaucoup d’ovules. Donner des ovules n'est pas facile et peut entraîner une stérilité et même la mort. Que ces chercheuses de son laboratoire aient été incitées à vendre leurs ovules ou non, ce fut une grave violation éthique.

Les précieux ovules

Le retour du Dr Hwang sous les feux de la rampe m'a rappelé que les biotechnologies de pointe, surtout dans le domaine de la reproduction, sont un problème pour les femmes. La recherche sur les cellules souches embryonnaires ou le clonage ne peut se poursuivre sans les précieux ovules qui se trouvent dans nos ovaires.

Dans le futur, ni le clonage reproductif ni le génie génétique sur les enfants ne pourra être fait sans nos ventres pour porter les dernières créations des scientifiques. Tout cela induit des risques importants pour les femmes dont la biologie est unique.

« Prostitution de haute technologie »

Certains diront que l'indemnisation est suffisante pour s’assurer que les femmes ne sont pas exploitées par la biotechnologie. Je ne suis pas d’accord. Je parle des indemnisations pour les mères porteuses ou les dons d'ovules de la prostitution de haute technologie qui s’appuie sur les femmes à faible revenu.

De trop nombreux scientifiques considèrent les femmes comme des banques de matériel biologique dont on ne peut malheureusement disposer sans payer. Récemment, le Dr Sam Wood de la société Stemagen Corp a dit qu'il voulait payer les femmes pour obtenir leurs ovules. Il prétend qu'il ne peut pas en avoir autrement.

Oublions les risques pour la santé des jeunes femmes, le Dr Wood veut ces ovules pour continuer le clonage thérapeutique. « Donnez-nous les ovules. Si nous ne réussissons pas, vous pourrez critiquer », a déclaré Wood. « Vous devez donner aux gens les outils nécessaires pour savoir si une expérience va marcher. »

La fin justifie les moyens

Une fois de plus la fin justifie les moyens. Le seul problème, c'est qu'il parle de jeunes femmes qui mettent leur fécondité et leur santé en danger pour lui fournir les matériaux de base pour ses expériences de clonage.

Je pense que certains hommes ne comprennent pas que le don d'ovules n'est pas comme un don de sperme. Je vais aller plus loin et dire que si pour obtenir des spermatozoïdes, il fallait aller les chercher directement dans les testicules avec une aiguille après injection d’hormones, la recherche sur les cellules souches embryonnaires et le clonage serait encore de la science-fiction. C’est garanti.

Au nom de la science

Une de mes citations préférées sur le clonage vient du Dr Gregory Pence, spécialiste de bioéthique de l'Université de l'Alabama, qui parle tranquillement de ce qu'il faudrait faire pour que le clonage reproductif devienne une réalité :

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Si l'objection morale primaire au clonage reproductif, c'est qu’il se traduira vraisemblablement par des erreurs génétiques lors de la reprogrammation, alors bien sûr nous voulons faire des recherches pour prévenir ce genre de problème. Mais comment faire cela ?
 Le meilleur moyen est de voir comment des embryons clonés se développent et d’étudier leur gestation chez des chimpanzés, dans des utérus artificiels, ou avec des volontaires humains, puis les faire avorter pour voir quels embryons sont normaux et lesquels ne le sont pas, puis faire des expériences pour ne plus créer que des embryons ou fœtus qui se développeront normalement. »

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Dr Pence, ces « volontaires humains » sont de vraies femmes qui mettraient leur propre fécondité et leur santé mentale et physique en danger, non seulement en portant un fœtus cloné, mais aussi en devant avorter volontairement au nom de la science.

Même certains pro-vie…

Même les « pro-vie » peuvent considérer les femmes comme « une matière biologique exploitable ». Souvenez-vous du Dr William Hurlbut de Stanford qui a proposé le transfert nucléaire altéré associé à la reprogrammation assistée par oocyte (Altered Nuclear Transfer with Oocyte Assisted Reprogramming ; ANT-OAR) comme une alternative au clonage pour générer des cellules souches embryonnaires spécifiques pour des patients.

Trente-cinq poids lourds universitaires « pro-vie », dont le père Thomas Berg et le père Tad Pacholczyk ont signé une déclaration approuvant l’ANT-OAR. Le problème ? La partie oocytes. Les oocytes sont des ovules et l’ANT-OAR nécessite des ovules humains, tout comme le clonage. L’ANT-OAR aurait eu besoin du même nombre, sinon plus, de femmes donnant des ovules pour satisfaire les besoins en ovules de cette technique.

L’alternative iPS

C'est justement pour ces problèmes d'ovules et d’embryons que certains chercheurs ont abandonné la recherche sur les cellules souches embryonnaires et le clonage et travaillent avec des cellules souches pluripotentes induites (cellules iPS) à la place.

Les cellules iPS ne nécessitent ni embryons ni ovules et se comportent comme des cellules souches embryonnaires. Ces cellules iPS peuvent même être génétiquement identiques à un patient, ce qui rend le clonage inutile.

Faites une faveur à vos filles

C'est pour ça que les femmes doivent se soucier des biotechnologies. Parce que c'est leur corps qui sera exploité pour permettre à quelques visions de scientifiques de se concrétiser. Si nous ne fournissons pas les matériaux de base, la recherche sur les cellules souches embryonnaires et le clonage ne peut pas continuer et des alternatives comme les cellules iPS devront être trouvées. Les femmes doivent de se manifester et dire « Trouvez une autre solution ». Certaines l’ont déjà fait : « Hand Off Our Ovaries » [qu’on pourrait traduire par : Laissez nos ovaires tranquilles], dont je suis membre, est un groupe de femmes et d’hommes pro-choix ou pro-vie qui réalisent que les progrès des biotechnologies vont exploiter les femmes vulnérables.

Faites une faveur à vos filles. Apprenez-leur les biotechnologies, ce qu’il y a de bon et ce qu’il y a de mauvais. Assurez-vous qu'elles comprennent à quel point leur corps est précieux. Apprenez-leur ce que sont les dons d'ovules et les mères porteuses et les risques encourus. Assurez-vous qu'elles apprennent à ne pas devenir des victimes exploitées dans le Meilleur des mondes.

 

Source :
Why Women Should Care about Biotechnology,
par Rebecca Taylor sur le blog Mary Meets Dolly (2009), avec son aimable autorisation.

Traduction française pour Liberté politique : Albert Barrois (cf. son blog d’actualité scientifique)