Article rédigé par Antoine Besson, le 13 juillet 2012
Cet été, www.libertepolitique.com rencontre les députés de l’opposition et tente de comprendre avec eux la nouvelle donne politique, les leviers de pression et les moyens d’action à sa dispositon. Cette semaine, entretien avec Hervé Mariton, député de la Drôme, membre de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale et Président de Réforme & Modernité.
Transcription de l'interview vidéo :
Hier, Jean-Marc Ayrault faisait son discours de politique générale à l’Assemblée nationale. Comment s’annonce ce nouveau quinquennat et quelles sont vos impressions ?
Ce discours de politique générale était décevant. J’étais plutôt inquiet car clairement je ne suis pas dans la majorité de Mr Ayrault. En même temps on a toujours une certaine attente à l’égard d’un nouveau Premier ministre.
Ce que j’ai constaté, c’est qu’il s’agissait d’un discours flou sur le fond. Certes, c’est ce qu’on dit en souriant de François Hollande depuis le début mais la réalité est tout de même que nous n’avons rien appris de neuf. Ce discours de politique générale aurait pu permettre non pas d’avoir des nouvelles révolutionnaires – ce n’est pas le but systématiquement – mais d’en savoir davantage sur ce que se proposait de faire le gouvernement. Au lieu de ça, nous n’avons eu qu’une déclinaison en moins bien du programme de François Hollande. Comme certains l’ont dit, ce n’était pas un discours de politique générale, c’était un discours général de politique.
Sur le fond donc, rien qui permette d’en savoir davantage, pas de valeur ajoutée. Sur la forme, c’était un peu poussif mais l’essentiel n’est sans doute pas là.
L’impression que j’en retire, c’est qu’il n’y avait pas d’énergie que le Premier ministre et le gouvernement ait la capacité ou même simplement l’envie de transmettre. Vous savez, on peut être en désaccord sur le fond avec un gouvernement ou une nouvelle majorité mais l’enjeu est d’insuffler de l’énergie au pays. Cette énergie pourrait être d’une nature qui ne nous plaise pas tout à fait mais ce serait déjà de l’énergie et ce ne serait pas mauvais pour le pays. Là clairement, il n’y a pas d’énergie nouvelle insufflée au pays et quant au contenu des mesures que ce soit dans le domaine économique ou sur les questions de société, elles sont emminement critiquable.
Justement, dans le programme de François Hollande entièrement repris par le gouvernement, il y avait de nombreuses mesures de nature à inquiéter parce qu’en total désaccord avec la loi naturelle. C’est par exemple le mariage et l’adoption pour tous, l’euthanasie, la recherche sur les cellules souches embryonnaires, etc… De quel moyens disposons-nous dans la nouvelle donne politique pour faire pression sur le gouvernement et s’opposer à ces projets de loi ?
Des Français de différentes convictions, religieuses ou non, sont en effet inquiets de perspectives de libéralisation de la recherche sur l’embryon, de légalisation de l’euthanasie et d’autorisation du mariage homosexuel et de l’homoparentalité. On est là sur des choix de société majeurs. Alors comment répondre à ces menaces ? Je pense en effet que ces textes que portent la majorité et le gouvernement sont une menace pour notre société – en tout cas elle menace nos convictions. Plusieurs choses.
Premièrement, il faut faire en sorte que le plus grand nombre de parlementaires voient clair et s’expriment sur ces sujets. Je suis clairement positionné contre la libéralisation de la recherche sur l’embryon, contre l’euthanasie, contre le mariage homosexuel qui porte l’homoparentalité et alors – comme le gouvernement l’assume d’ailleurs – une définition très complexe de la famille avec trois parents, quatre parents, cinq parents… Tout cela est extrêmement compliqué. En réalité, cette conception abîme la famille comme fondement de la société et se résoult, se résigne ou peut être aspire à une définition purement individualiste et matérialiste de notre société. J’ai une position extrêmement claire là dessus. Il faut que l’on soit le plus grand nombre de députés – UMP et éventuellement d’autres – à avoir des positions claires là-dessus. Qu’on les assume. Qu’on les énonce. Qu’on oblige notre groupe politique à débattre et à s’exprimer. Il peut y avoir une certaine prudence sur le thème : « Nous sommes divisés sur le sujet, il faut peut être éviter d’aborder ces questions ». Non, il ne faut pas éviter ces sujets ! Il faut entendre les différentes positions. Elles sont dignes d’être entendues. Mais une position politique doit ensuite émerger, que ce soit au sein du groupe UMP ici, à l’Assemblée, ou que ce soit dans le débat au sein du parti. Nous avons un congrès de l’UMP au mois de novembre, je crois qu’il y a matière à ce que des motions expriment des positions très fortes sur ces sujets là.
Le deuxième élément au delà de la conviction politique qui doit se former et s’exprimer, c’est le débat parlementaire. Il ne faut pas que les socialistes aient le sentiment que tout ca peut avancer comme une lettre à la poste. Ça ne sera pas le cas ! Nous défendrons nos convictions au Parlement. Et pour ce faire, il faudra prendre appui sur l’opinion. Nous ne suffisons pas. La force et la fermeté de notre conviction politique doit nous permettre de faire émerger la force de l’opinion. Il faut faire en sorte que se rejoignent le débat parlementaire et le débat dans l’opinion pour que sur le plus grand nombre de sujets possibles, le gouvernement se dise qu’il y a plus d’inconvénients que d’avantages à bouger sur ces sujets et remballe ses propositions.
Et puis, ultimement, si nous n’y arrivons pas dans le débat parlementaire, la saisine du Conseil constitutionnel est évidemment de notre responsabilité pour que chacun mesure les changements fondamentaux de notre société qui sont là en débat.
Vous avez parlé de l’UMP. En fait d’opposition, le parti de droite semble embarqué dans une guerre des chefs et plus profondément la droite n’a encore jamais été confrontée à une telle situation d’hégémonie politique du PS. Quels seront les défis de la droite dans l’avenir proche et comment concrètement elle peut exister en tant qu’opposition ?
La droite a engagé à l’initiative de Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP, un débat sur ses valeurs. Certains ont critiqué cette initiative, d’autres l’approuvent. Personnellement, je crois qu’actualiser la charte qui était à la fondation de l’UMP il y a 10 ans est quelque chose de tout à fait judicieux et opportun.
Au fond, une manière très concrète de mener une réflexion sur les valeurs et de mettre en même temps du concret dans l’actualisation de notre charte, c’est sans doute de s’interroger sur les valeurs qui sont contestées et menacées par les projets de la majorité et du gouvernement. De cette façon, ce ne sera pas un travail théorique ni un travail en chambre. Ce sera une action très concrète d’affirmation de nos convictions par l’opposition lorsqu’elle est nécessaire. Il peut y avoir des sujets qu’on approuve dans la démarche du PS, mais enfin dans ce que l’on voit et ce que l’on entend depuis quelques semaines, il y a manifestement un gros travail d’opposition à mener. Donc oui il faut dire les choses sur les valeurs.
Je pense aussi que l’opposition doit faire son travail en reconnaissant que tout n’a pas été parfait dans le mandat qui vient de se dérouler et même dans les 10 ans de notre majorité. Ce n’est pas un droit d’inventaire mais une humilité raisonnable. Nous n’allons pas manier les manettes du pouvoir demain. Nous sommes aujourd’hui dans l’opposition. Il convient donc de faire en sorte que ce que la gauche veut faire et peut faire aujourd’hui quand elle a la majorité fasse le moins de mal possible au pays – c’est le débat parlementaire – et préparer les grandes positions sur les grands enjeux pour retrouver la confiance des Français après-demain.
A propos des grands enjeux, Vincent Peillon s’apprête à lancer une grande consultation nationale sur la refondation de l’école de la République. Que préconisez-vous en la matière ?
Je crois que l’école de la République a besoin de progrès continu. J’ai toujours été l’homme du progrès continu davantage que de la rupture. Je l’ai eu dit à Nicolas Sarkozy en son temps qui n’a pas toujours apprécié. Je préfère le progrès continu à la refondation. Faisons attention à ces démarches un peu prétentieuses que monsieur Peillon semble vouloir évoquer.
Faisons également attention, tout n’a pas été fait pour l’école. Il y avait encore des progrès considérables à faire. Nous avons été insuffisants dans certains domaines. Mais il y a une marque et une réalité que nous avons imprimé qui est le socle commun de connaissances. Faire en sorte que l’école se disperse moins et qu’elle assure aux enfants et à leur famille l’apprentissage d’un socle commun de connaissances. N’abîmons pas cela !
Vous êtes membre de la Commission des Finances. Economiquement parlant, ne craignez-vous pas que la politique fiscale annoncée par le gouvernement Ayrault soit un nouvel obstacle à la compétitivité des entreprises françaises ?
Le collectif budgétaire que nous discutons en ce moment est une absolue catastrophe. Il y a 7 milliardsd’impôts nouveaux et 90 millions d’économies mobilisés à dire vrai pour financer les 90 millions de dépenses supplémentaires qui se trouvent décidées pour l’éducation. Est-ce que vous situer les chiffres ? 90 millions d’économies – qui n’en sont pas vraiment mais enfin admettons – versus 7 milliards d’impôts supplémentaires.
Si il y a bien un marqueur entre la gauche et la droite, c’est qu’à droite, lorsqu’il s’agit de rétablir l’état des finances publiques, nous préférons réduire les dépenses. La gauche préfère augmenter les impôts.
7 milliards versus 9 millions, on ne peut pas dire que les plateaux de la balance soit équilibrés !
Vous êtes également Président du groupe Réforme & Modernité. Pour vous, quelle direction doit prendre la réforme de l’Etat dans le contexte de crise actuel ? Comment réduire le coût de notre administration et les efforts annoncés par le gouvernement seront-ils suffisants ?
Il est indispensable de réformer l’Etat ne serait-ce que pour assurer une meilleure efficacité et particulièrement dans le contexte actuel des finances publiques. Mais il faut réformer l’Etat tout en marquant notre attachement à de grandes politiques publiques auxquelles nous tenons et qui expriment des valeurs auxquelles nous sommes attachés – je pense à la politique familiale.
Le mot clef, c’est la simplicité. Réformer l’Etat par la liberté. Je suis un libéral. Mais la liberté, ça n’est pas uniquement des grands concepts, de grandes théories, de l’idéologie ou de l’idéologisme. La liberté, ça s’applique concrètement : emmerder moins les citoyens et ça veut dire davantage de simplicité : la simplicité des procédures publiques, la simplicité de la gestion publique, la simplicité de l’organisation des collectivités locales, la rapidité de réaction, de décision, de relation de l’administration. La liberté, par la simplicité pour l’efficacité. Je crois que c’est comme cela que l’on peut s’en sortir et c’est une condition nécessaire de réduction des déficits et de la dette publique.
Propos recueillis par Antoine Besson