Article rédigé par Antoine Besson, le 06 avril 2012
Le baiser à la Lune, un dessin animé poétique réalisé à l’intention des classes de CM1 et CM2 pour leur expliquer l’homosexualité et lutter contre l’homophobie commence à être distribué grâce au soutien des réseaux d'éducation populaire. Le film est ainsi relayé par la Ligue de l'enseignement, la Fédération Léo Lagrange et des syndicats de l'éducation alors même qu’il avait fait l’objet d’une forte mobilisation des associations familiales lors de sa création il y a deux ans.
Polémique d’hier et d’aujourd’hui
Déjà à l’époque, libertepolitique.com s’était fait l’écho de la protestation. La mobilisation générale contre une œuvre marginale d'obscurs militants homosexuels devenue une affaire nationale. Une fois de plus, tout est affaire de soutien et de financement.
Au terme d’une bataille rangée entre groupes de pression issus d’associations familiales et lobbies LGBT, l’affaire avait finalement été tranchée par Luc Chatel, déjà ministre de l’Education nationale, qui avait déclaré être résolument hostile à toute forme d'homophobie et de discrimination, mais que traiter ces sujets en primaire semblait prématuré.
Ce film n'avait donc pas vocation à être projeté en primaire et le ministère de la Jeunesse et des Sports avait retiré son partenariat au projet bien que le 4 février 2010, le Haut-Commissaire politique à la Jeunesse Martin Hirsch se soit dit très fier d'avoir participé au projet en le finançant à hauteur de 3 000 €.
Aujourd’hui, 2 ans après, la polémique reprend, suite à l’annonce dans le journal Libération que la diffusion du court-métrage a été relancée notamment par les réseaux d’éducation populaire, un courant d'idées qui milite pour le développement de chaque personne (individuelle) et communautaire (développement social) afin de permettre à chacun de s'épanouir et de trouver la place dans la société.
Justification fallacieuse
Aujourd’hui, comme tout ce qui touche à l’homophobie et au combat des arts, toute réaction allant contre ce court-métrage souvent décrit comme un sommet de poésie et de pédagogie est immédiatement accusé d’intention de censure.
Pourtant il y aurait beaucoup à dire sur le fond. A commencer par dénoncer ce principe politique fallacieux qui veut que, pour lutter contre l’homophobie, il faut banaliser l’homosexualité. Et quoi de plus facile pour cela que de commencer chez les plus jeunes.
Autre justification fallacieuse, l’idée que ce conte moderne comble une carence des contes traditionnels qui accumulent les clichés. Le court-métrage de Sébastien Watel met ainsi en scène, dans un château qui prend l’eau, l’histoire de Félix, un poisson-chat, élevé par Agathe, une chatte qui considère le vertébré aquatique comme son neveu. Bercée par les contes, Agathe rêve de marier son Félix à une gentille poissonne. Sauf que voilà, Félix, lui, en pince pour Léon, le poisson-lune. Sous les yeux du Soleil et de la Lune qui vivent, eux aussi, une histoire d’amour, Agathe, d’abord désespérée, va évoluer à mesure qu’elle découvrira l’amour tendre qui lie les deux poissons. Une charmante histoire qui tort le cou proprement aux clichés de charmant princes, de scintillante princesse et de fabuleux mariage ! Ici, il faut s’interroger : est-ce à la société moderne de redéfinir la sagesse des contes de fée ?
Sagesse des contes
Bruno Bettelheim l’a montré dans sa Psychanalyse des contes de fées, les contes sont dépositaires d’une sagesse populaire qui, de tous temps, a largement devancé les avancées de la psychologie pour accompagner l’enfant dans son passage de l’immaturité à la maturité. Cette sagesse des contes s’appuie entre autre sur un modèle naturel aujourd’hui largement remis en cause par la société moderne dans de multiples domaines. Est-ce étonnant alors que l’on veuille redéfinir cette sagesse populaire afin qu’elle s’adapte aujourd’hui à nos modes de vie ? Non ! Est-ce souhaitable pour autant ? Est-ce un service à rendre à nos enfants ? Dans une société où la seconde cause de mortalité chez les jeunes est le suicide, saper ainsi une source objective de repères dans l’éducation des jeunes est un pari très risqué, voire irresponsable.
Massacre des innocents
Quoiqu’il en soit, le plus scandaleux dans cette affaire, est sans doute qu’elle s’attaque directement à l’innocence des jeunes enfants. Les élèves de CM1 – CM2 sont ici les otages d’un débat qui leur échappe et les dépasse. Saluons l’action du Collectif pour l’enfant qui a pris contact avec le ministre de l’Education nationale, Luc Chatel, et qui « dénonce cette tentative d'intrusion dans l'intimité et la conscience de si jeunes enfants, au mépris du respect qui leur est dû, et sans égard pour la responsabilité éducative de leurs parents. »
« L'éducation affective et sexuelle est un domaine sensible, explique le Collectif pour l’enfant, où les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. La question de l'homosexualité ne peut être abordée qu'avec chaque enfant, en fonction de ses préoccupations et de son âge. Au contraire, « imposer à tous les écoliers de CM1 et CM2 de se sensibiliser à des problématiques qui sont le plus souvent totalement étrangères à leurs préoccupations est de nature à susciter l'inquiétude et la confusion chez des enfants », ajoute Béatrice Bourges [porte parole du collectif, ndlr]. Les enfants ont en effet le droit de vivre leur âge sans se voir imposer des problématiques qui ne les concernent pas. »