Alors que le président Sarkozy annonce son projet de réforme des institutions et lance le débat, comment trouver du plaisir à lire un ouvrage de droit constitutionnel ? En ouvrant celui que Michel de Villiers (sans parenté avec l'ancien ministre) vient de publier, assurément.

Cet ancien professeur de droit constitutionnel à la faculté de Nantes, dont la compétence en la matière est reconnue (il a publié plusieurs ouvrages qui font autorité), a su rendre plaisante une matière que beaucoup trouvent rébarbative : en 130 pages, écrites sous forme d'un dialogue à partir de questions venant naturellement au fil du propos, auxquelles il répond d'une façon claire comme un enseignant rompu à la pédagogie sait le faire, il replace la constitution de la Ve République dans l'histoire des institutions et éclaire les débats qu'elle suscite depuis son origine.

Pourquoi le faire aujourd'hui ? Pas seulement parce que l'on va bientôt en fêter le cinquantième anniversaire ; mais aussi parce revient régulièrement l'idée qu'elle est bancale et ne peut perdurer. Faut-il en changer, en pour quoi faire ? Pour fonder une VIe République nettement parlementaire comme le souhaitait Arnaud Montebourg à l'ouverture de la campagne présidentielle ? Pour la transformer en régime présidentiel comme le préconise Nicolas Sarkozy ?

Michel de Villiers n'impose pas ses propres réponses, même si on perçoit ses réserves envers l'une et l'autre perspective ; mais il fournit au lecteur les clés d'analyse et de compréhension du débat constitutionnel que les élections d'abord, puis la pratique qu'instaure Nicolas Sarkozy, enfin la présentation du programme de son gouvernement par François Fillon ont fait ressurgir.

Il le fait avec bon sens et sans étalage d'érudition (mais les connaisseurs sauront déceler les solides fondements de ses observations), de sorte que chacun suit sans peine le progrès de sa maïeutique.

Trois thèmes méritent une attention particulière : à propos de la dyarchie Président/Premier ministre qui prévaut au sommet de l'État et des diverses solutions envisagées pour y remédier, il consacre un chapitre intitulé justement Supprimer l'un des deux, mais lequel ? où il démonte avec justesse les conséquences de la démocratie quinquennale ;

à ceux qui prônent le renforcement d'un Parlement désenchanté , il pose la question décisive du cumul des mandats en mettant à nu les effets pervers de la représentation multicarte qui détourne les parlementaires de l'exercice de leurs fonctions essentielles ;

constatant enfin que la Constitution de la Ve République a ignoré le fait européen pendant 25 ans, jusqu'en 1992 à l'occasion de la ratification du traité de Maastricht, lorsque la compatibilité des traités européens avec ses principes et son dispositif a été examinée pour la première fois, il ne manque pas de revenir sur la question qui, faute de réponse explicite, a fait achopper le projet de traité instituant une constitution pour l'Europe : Quel est le cadre premier de la vie politique ? Est-ce encore et toujours la Nation ?

L'auteur a raison de rappeler que tout citoyen qui s'intéresse à la vie politique de son pays et souhaite y participer, fût-ce à un niveau modeste, doit disposer d'un minimum de culture sur ses institutions : il fournit le moyen d'atteindre cet objectif raisonnable. Avec quelque chose en plus qui est un signe incontestable de qualité : il parvient à rendre son lecteur plus intelligent.

On ne formulera qu'un regret : qu'il ne se soit trouvé aucun éditeur pour cet ouvrage publié à compte d'auteur. Puisse-t-il néanmoins conquérir assez de lecteurs pour donner des remords à ceux qui n'y ont pas cru.

■ Conversations constitutionnelles

Droit et Cité, 2007, 150 p., 12€ + 2€ de frais de port

21 rue François-Lizé, 44000 Nantes

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