Lyon, primatiale Saint-Jean [Document] — " Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique ". Y a-t-il une phrase plus importante dans la Bible ? Y a-t-il même quelque chose à ajouter ?

Ouvrir la bouche dans la Primatiale de Lyon, pour commenter ce passage de l'Évangile de saint Jean, au premier jour de mon ministère dans une Église dont les fondateurs étaient si proches de l'Apôtre bien-aimé, c'est émouvant et impressionnant.

Mais c'est surtout une immense joie !

" Dieu a tant aimé le monde... " Cette phrase nous dit tout, tout sur le cœur de Dieu, tout sur la personne et le mystère du Christ. Elle exprime aussi l'essentiel de notre mission, du chemin que nous avons à parcourir et du témoignage que nous avons à donner ensemble.

 

Dieu est amour ; il ne sait qu'aimer et il voudrait que les hommes, ses enfants, apprennent enfin ce qu'aimer veut dire.

 

Le livre où nous trouvons cet enseignement, c'est celui de la vie de Jésus. L'Évangile nous montre comment le Fils unique a parcouru les chemins de notre terre, en pèlerin du Dieu " qui a tant aimé le monde ". Aimer, c'est tout donner et se donner soi-même. Quand nous montons lentement avec lui et ses disciples, par les miracles et les paraboles, vers le rendez-vous du salut du monde, nous comprenons vraiment que tout est dit dans ces mots : " Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique. "

 

L'Église nous invite à les méditer aujourd'hui, pour la fête de la Croix glorieuse. Mais le sommet du Golgotha, le Vendredi saint, n'est-il pas un spectacle de ténèbres et de désolation ? Qui ose, qui a le courage de porter son regard vers le Fils de l'homme, élevé de terre, comme le serpent de bronze ?

Sache, frère chrétien, que cette croix est glorieuse et que le Vendredi saint est aussi et d'abord un moment de lumière intense. Tout homme qui croit obtiendra par Jésus la vie éternelle. L'Apôtre écrit aux Corinthiens : " Non, je n'ai rien voulu savoir parmi vous, sinon Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié. " Il voit bien ce qu'aimer veut dire, et comment, en aimant, Jésus s'est donné, livré, perdu... Ce n'est pas seulement un sommet de l'amour, c'est une folie ! Il est allé jusqu'au bout, jusqu'à l'extrême, l'extrême de l'amour et l'extrême de nous-mêmes, de notre misère.

Et nous, créés à l'image du Dieu d'amour, baptisés, plongés dans la mort et la résurrection de Celui qui est allé jusque-là, nous savons bien quel est le chemin où nous sommes appelés par Dieu et attendus par le monde.

Il n'y a pas d'autre route pour que notre terre refleurisse, à chaque génération.

Jésus a prononcé cette phrase dans la suite de la conversation avec Nicodème avec qui il parlait de renaissance. Il venait de lui dire : " Ne t'étonne pas si je t'ai dit : Il vous faut naître d'en haut. "

Prenant donc notre tour, quand l'heure sonne pour notre génération, nous écoutons cette parole éternelle et nous contemplons le monde tel qu'il est aujourd'hui, toujours changeant, merveilleux et souffrant. Et nous demandons au Seigneur la grâce d'avoir une charité inventive.

L'histoire nous a montré que la charité d'aujourd'hui, c'est la justice de demain. Les disciples du Christ ont agi dans les siècles passés pour que la culture universitaire permette à l'intelligence humaine d'atteindre toute sa hauteur et sa noblesse, pour que les malades soient soignés dans les hôpitaux et les hôtel-Dieu, pour que les enfants pauvres soient instruits comme les autres, et maintenant tout le monde trouve juste et normal que l'éducation nationale, la santé publique et les universités soient des domaines importants dans la vie d'une nation.

Mais le chantier est encore immense, et il le restera. Dieu nous a montré tant d'amour, que nous ne saurions être en repos tant que nous n'aurons pas trouvé comment guérir notre monde des fléaux qui l'accablent, et d'abord celui de la haine et de la violence.

S'il y a des saints aujourd'hui, la grâce ne leur manquera pas pour redonner le souffle de l'espérance partout où il fait défaut : l'accueil de la vie, les obstacles rencontrés dans l'éducation des jeunes, les dépressions, la solitude, les difficultés de la vie familiale... Avec beaucoup d'autres sans doute, je prie – faute d'avoir su agir moi-même – pour que se lèvent parmi nous des génies de la charité qui luttent efficacement contre les dégâts provoqués par la drogue, qui redonnent aux toxicomanes leur dignité et qui réconfortent leurs familles.

Par de petites actions ou de grandes initiatives, ils sont nombreux ceux qui nous donnent à comprendre que les rencontres interculturelles sont un enrichissement et non pas un choc de civilisations. La formidable énergie que donne la charité authentique - le véritable amour de l'homme - doit nous montrer comment réduire le tragique déséquilibre international de notre planète. Qui connaît les pays les plus pauvres sait que la joie ne leur fait pas défaut et que le commencement d'un vrai partage de notre argent leur suffirait pour entreprendre et déployer leurs dons.

Le mois dernier à Cracovie, j'ai eu la joie de suivre le voyage du Saint Père et d'entendre sa longue méditation sur ce thème : " Dieu est riche en miséricorde. " Que les hommes puisent à cette source, et partent à l'aventure. Ils apporteront l'espérance, ils susciteront la joie.

Au moment où je reçois la charge pastorale de l'Église de Lyon, je voudrais dire qu'aucune phrase de l'Évangile ne me nourrit et ne réjouit autant que celle qui nous est donnée aujourd'hui. Je suis sûr que cet amour est vainqueur. " Dieu a tant aimé le monde... " Ne cessons donc jamais de rendre grâce pour cet amour qui nous précède et nous enveloppe, et qui ne nous fera jamais défaut.

J'entre dans une famille ecclésiale dont l'histoire est éblouissante. Après l'Évangile, le livre de la vie des saints est certainement le plus instructif, le plus suggestif.

Je pense aux martyrs, depuis sainte Blandine et ses compagnons qui répondaient à toutes les questions sur leur identité par un candide : " Je suis chrétien ", jusqu'à ceux qui partirent de Lyon comme missionnaires et donnèrent leur vie en Extrême Orient. Je pense aux pasteurs, depuis saint Irénée, l'homme de paix, théoricien de " l'accoutumance ", par laquelle il nous offre un beau programme théologique et spirituel, jusqu'à mon cher prédécesseur, le cardinal Billé qui, avec tant de clarté et de conviction, nous invitait à aller au cœur du mystère de la foi et à former une Église qui propose la foi. Et les génies de la charité, dévorés du zèle de la mission ou de l'unité, ils n'ont pas manqué dans ce diocèse ! Ils portent les noms de Frédéric Ozanam, d'Antoine Chevrier, de Pauline Jaricot, de Paul Couturier, et de bien d'autres encore que vous me ferez découvrir.

Mais nous n'allons pas nous glorifier de la ferveur qui brûlait dans le cœur des autres. C'est aujourd'hui et demain que nous sommes attendus. Le Seigneur est venu allumer un feu sur la terre et il lui tarde que ce feu brûle désormais en nous.

Frères et sœurs, en terminant, permettez-moi de reprendre l'adresse d'Irénée aux lecteurs, au début d'un de ses livres : " Ce que je viens de vous dire bien simplement, avec vérité et même une certaine candeur, recevez-le avec amour. Développez-le vous-mêmes, vous êtes plus capables que moi. Recevez-le comme des semences, des commencements et faites-le fructifier " (A.H. Préface 3).