Le commentaire de Gérard Leclerc sur l'assemblée de Lourdes est, une fois de plus, plein de sagesse [1]. Mais ne faut-il pas un peu élargir l'analyse ? En effet, il y a lieu d'être déçu que les enjeux politiques soient passés à la trappe — ou presque — dans les conclusions des travaux des évêques.

Ces derniers ont manqué une occasion particulièrement favorable pour encourager les catholiques à se mobiliser. Sans doute, la question de la réintégration des "tradis" est importante pour l'Église. Mais du coup, tout l'enjeu national des échéances électorales de 2007 est passé à l'arrière-plan...

Mgr Ricard a raison d'engager une réflexion à long terme sur les différences structurantes et l'idéologie du gender. Mais le gender, on en parle depuis dix ans, alors que l'élection d'un président favorable au mariage homosexuel, c'est peut-être dans six mois... Il y a donc un fort décalage par rapport à l'urgence du moment. Qu'attend-on depuis 2002 (parution de la Note doctrinale du cardinal Ratzinger) pour engager une réflexion à long terme sur le comportement et l'engagement des catholiques en politique?

Faut-il conclure que le seul sujet sur lesquels l'Église de France soit aujourd'hui prête à tenir un message commun et collégial, en "serrant les rangs" (La Croix), soit la question des lefebvristes?

 

Le message envoyé par Lourdes laisse un arrière-goût d'inachevé, et guère à la hauteur de la crise que nous traversons. Et ce n'est pas le document du Conseil permanent publié quelques jours auparavant à propos des élections, un document pourtant utile, qui peut tenir lieu d'appel à la mobilisation générale.

Si le collège épiscopal n'est pas en mesure de parler d'une seule voix, notamment en faveur de la vie, du couple, de la famille et de la liberté d'éducation, d'une façon beaucoup plus résolue et déterminée, il ne faudra pas attendre des fidèles qu'ils accordent aux positions du Magistère toute l'attention et tout le soutien qu'elles méritent. Ils feront eux aussi en fonction de leur "sensibilité" propre. Quant aux candidats aux élections présidentielles et législatives, catholiques compris, on ne pourra pas dire que l'Église aura contribué à les mettre face à leur responsabilité...

 

On me permettra donc d'oser une question redoutable : n'est-on pas en train de contribuer à l'accréditation de la thèse de Marcel Gauchet selon lequel les catholiques eux-mêmes ont fini par se résigner au "pluralisme" des vérités et à la métamorphose des convictions religieuses en "identités" ? Un fléchissement qui ne serait pas sans rappeler la faible résistance opposée par l'Eglise en France à la pénétration de l'idéologie marxiste dans les années ayant suivi le concile Vatican II...

Il reste à espérer que cette prise de position forte que nous attendons tous, à défaut d'avoir été exprimée de Lourdes, sera émise à un moment donné dans la période qui nous sépare des élections.

 

*Fraternité Edmond-Michelet, Bordeaux.

Pour en savoir plus :

■ [1] Gérard Leclerc, Les évêques à Lourdes (II) : sortir de la suspicion

■ "Qu'as-tu fais de ton frère ?", message du Conseil permanent de l'épiscopat français à propos des prochaines élections

■ Discours de clôture du cardinal Jean-Pierre Ricard

■ Message des évêques de France au cardinal Ricard

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