La déferlante médiatique sur le nouveau Pape, en une semaine, donne à réfléchir. Le risque que prend la presse, sans le mesurer, est celui de l'effet boomerang. La presse profane exprime les critères de la société hédoniste et libertaire, et la presse chrétienne fait elle aussi étalage de ses réflexes et de ses étroitesses.

Tout le monde montre son flanc.

Que constate-t-on ? Les critères sont surtout sociologiques, par exemple les consternantes étiquettes de "conservateur" ou bien de "progressiste". Outre le fait que l'on se trompe souvent, au début d'un pontificat, sur les orientations du nouvel élu, il faut rappeler que les critères sociologiques ne sont pas les bons pour juger d'un tel événement. On souhaiterait chez les élites chrétiennes qui se donnent la peine de parler un peu plus de hauteur spirituelle et de pénétration intellectuelle. Celles-ci, en France, déçoivent assez souvent pour se souvenir d'être prudentes à l'égard de leur propre discours.

Surtout, faisant ainsi, les grincheux prennent le risque de passer ensuite pour des petits messieurs. Il en fut de même pendant tout le pontificat de Jean-PauI II, ne l'oublions pas trop vite. J'ai souvent été témoin, indirect ou direct, de critiques au sujet de ce dernier. On a le droit de parler, de discuter, d'argumenter ; mais cela doit se faire, à tout le moins, en vertu d'une réception filiale préalable. Mon impression ne fut pas rare d'avoir affaire à des nains critiquant un géant. J'en avais honte pour eux, pour le manque de profondeur de leur discours et, le cas échéant, pour la dignité de leur fonction. Certes, n'ayons pas peur, mais il faudrait au moins avoir peur du ridicule.

La dimension de celui qui n'est plus le cardinal Joseph Ratzinger va vite apparaître aux yeux de tous, dimension intellectuelle d'exception bien sûr, mais aussi charité et volonté de mener l'Église comme elle doit l'être. Que cela ne corresponde pas toujours à nos critères préconçus, ou plutôt à notre foi en peau de chagrin et à nos prétentions mondaines, est chose possible. Le fait que, dès le troisième jour de l'élection, le Pape apparaisse aux yeux des médias "plus ouvert" que prévu en dit long sur ceux qui ont préparé les critères d'appréciation.

Benoît XVI, en vertu de l'assistance de l'Esprit-Saint, saura quoi dire et comment le dire. Lui montrons-nous l'exemple ? Lui donnons-nous envie de gouverner de tels chrétiens ? Saurons-nous l'aider ? Si nous sommes nous-mêmes des bâtisseurs, et reconnus tels autrement que par le miroir de ceux qui nous entourent, l'Église avancera. Le moment est venu pour chacun de s'interroger sur sa propre fécondité apostolique. Ne manquons pas le rendez-vous de la vertu d'admiration, elle témoigne de la qualité de cœur de celui qui en fait montre. Un nain ne se rapetisse pas à témoigner de la grandeur d'un autre. Surtout, ne livrons ni notre âme ni notre jugement aux médias, même chrétiens.

*Le frère Thierry-Dominique Humbrecht est dominicain de la province de Toulouse.

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