La mention de l’héritage chrétien dans le projet de traité constitutionnel a été rejetée par la Convention Giscard d’Estaing, et par la Conférence intergouvernementale. Désormais, c’est aux parlementaires nationaux et aux peuples européens de se prononcer.

L’héritage chrétien est entre leurs mains. Le vrai débat populaire peut s’ouvrir, à commencer pour demander un référendum. À l’origine de la pétition française qui a recueilli 70.000 signatures, la Fondation de service politique a sollicité l’avis et l’appui des parlementaires français. Nous sommes heureux de diffuser aujourd’hui le texte intégral du manifeste de six députés UMP en faveur d’" une affirmation explicite de nos racines chrétiennes ".

QU’IL EST ETRANGE que quinze ans après la chute du mur du Berlin et quelques semaines après les retrouvailles de la réunification européenne proclamée le 1er mai 2004, la question des racines chrétiennes de l’Europe provoque autant de crispations !

 

Certains ne voudraient-ils pas effacer de notre mémoire collective les images des ouvriers catholiques de Gdansk résistant pacifiquement aux troupes d’assaut de Jaruzelski ? Ne veut-on pas éteindre à la hâte la lumière des multiples bougies que les protestants d’Allemagne de l’Est allumaient au pied de leur temple en 1989 ? Ne voudrait-on pas dissimuler la silhouette blanche et massive de Jean-Paul II comme pour minorer un rôle que d’aucuns jugent encombrant ? Toutes ces images ne gênent-elles pas une Europe occidentale qui, il y a quinze, vingt ou vingt-cinq ans, de compromis en compromis, d’ostpolitik en accords commerciaux, se satisfaisait de la coupure de l’Europe ?

 

L’Europe a besoin de valeurs pour savoir qui elle est. L’Europe de l’après-guerre s’était d’ailleurs construite sur deux principes : 1/ d’abord le désir de paix associé à la volonté d’en finir avec le conflit franco-allemand à l’origine de soixante-dix ans de guerre civile européenne — et aussi l’aspiration à la liberté face à bloc soviétique qui la niait. De Gaulle et Adenauer ont exprimé conjointement et solidairement cette volonté commune.

Et puis, au fil du temps, le risque de guerre s’éloignant, la menace soviétique s’atténuant puis disparaissant, l’idée européenne s’est diluée dans des considérations secondaires et mercantiles. L’Europe des marchands pas plus que l’Europe des normes ne passionnent guère, l’abstention électorale ne cesse d’en être le témoignage.

 

L’Europe a besoin de souffle, d’enthousiasme. La Constitution qui, dans bon nombre de pays, sera adoptée par référendum, serait l’occasion de redonner du sens à une construction par trop technocratique.

Dans un texte fondateur de cette importance, on dit qui l’on est et d’où l’on vient. Affirmer explicitement nos racines chrétiennes n’implique aucune exclusive. L’Europe doit admettre la diversité de ses héritages. L’Europe doit beaucoup aux Lumières mais ne commence pas avec elles. L’Europe ne peut se concevoir sans la pensée grecque, l’organisation romaine, les écritures juives et la foi chrétienne. La culture européenne est née du miracle grec qui fait naître la personne humaine, de l’Évangile qui érige la fraternité comme idéal de vie, et des droits de l’homme qui fondent l’État de droit moderne. Nier ces trois héritages, occulter le christianisme, c’est nier l’évidence. Le Constituant européen serait bien inspiré de s’en souvenir. L’Europe, parce qu’elle est encore naissante, doit reconnaître ce qu’elle doit à ceux qui ont bâti les églises romanes, les cathédrales gothiques et les grands retables baroques.

Savoir d’où l’on vient aide à savoir où l’on va. Prenons la question de la Turquie. Si l’Europe reconnaissait son identité, elle serait alors capable d’admettre l’altérité. La Turquie est une grande nation qui a droit à tout notre respect mais elle ne relève de l’ensemble européen, ni de par la géographie ni de par son héritage religieux.

Affirmer les origines chrétiennes de l’Europe est parfaitement conciliable avec la laïcité. Certes une certaine conception de la laïcité de combat s’y oppose mais cette laïcité de combat, si elle pouvait avoir un sens face à une Église toute puissante, est sans justification aujourd’hui. La laïcité n’est pas d’avantage l’amnésie. Comment ignorer ses racines ! L’ignorance de soi ou des autres est à l’origine du préjugé des incompréhensions et des intolérances. l’Europe est diversité, il est temps de l’admettre ne faisons pas de l’Europe le décalque d’une France jacobine.

Loin de nous l’idée de rejeter la laïcité à la française quand elle est une laïcité voulue pour garantir l’égal épanouissement de toutes les spiritualités et philosophies qui ont fondé l’Europe de la fraternité. Cette laïcité pourrait alors admettre ce qu’elle doit à la foi chrétienne. Le paradoxe n’est qu’apparent : la laïcité présuppose la distinction du spirituel et du temporel. Or cette distinction apparaît pour la première fois au monde avec le christianisme.

Nous rendrons service à l’Europe dans les décennies qui viennent en reconnaissant explicitement dans le préambule du prochain traité, les trois piliers sur lesquels s’appuie notre héritage culturel commune : la philosophie grecque, l’Évangile chrétien, les droits de l’homme.

 

Marc Le Fur, député UMP des Côtes d'Armor

Jean-Paul Garraud, député UMP de la Gironde

Alain Marsaud, député UMP de la Haute-Vienne

Dominique Richard, député UMP du Maine-et-Loire

Christian Vanneste, député UMP du Nord

Béatrice Vernaudon, député UMP de la Polynésie française

Ce Manifeste est la version complète et originale du texte publié par l'hebdomadaire Valeurs actuelles le 18 juin 2004.

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