Qu'est-ce que Jésus a vraiment apporté, s'il n'a pas apporté la paix dans le monde, le bien être pour tous, un monde meilleur ? Qu'a-t-il apporté ? Telle est la grande question qui accompagne ce livre, écrit Benoît XVI en avant-propos, un livre qui est le fruit d'un long cheminement intérieur .

 

Le pape écrit ici en théologien, il présente l'expression d'une quête personnelle , que chacun est libre de contredire .

Son Jésus des Évangiles est présenté comme un Jésus réel , une figure sensée et cohérente , beaucoup plus logique et historiquement parlante que les reconstructions auxquelles nous avons été confrontés au cours des dernières décennies . Dans le chapitre consacré aux disciples, le pape Ratzinger évoque la double mission de ceux que Dieu a choisis : Être avec lui et être envoyés Extraits.

JESUS ET SES DISCIPLES

Libérer le monde des idoles et des esprits mauvais

Par nature, être avec Jésus porte en soi la dynamique de la mission puisque l'être tout entier de Jésus est en effet mission. [...] Quel est, d'après ce texte [l'Évangile de Marc, Ndlr], le but assigné aux envoyés ? Prêcher avec le pouvoir de chasser les esprits mauvais (Mc 3, 14-15). Matthieu développe avec quelques parti¬cularités le contenu de la mission : Et [il] leur donna le pouvoir d'expulser les esprits mauvais et de guérir toute maladie et toute infirmité (Mt 10, 1). Le premier mandat qui leur est confié est de prêcher, c'est-à-dire de faire don aux hommes de la lumière de la Parole, du message de Jésus. Les apôtres sont avant tout des évangélistes ; comme Jésus, ils proclament le Royaume de Dieu et ras¬semblent ainsi les hommes qui constitueront la nouvelle famille de Dieu. Mais la prédication du Royaume de Dieu ne se réduit jamais à une simple parole, à un simple enseignement. Elle est événement, tout comme Jésus lui-même est événement; elle est la Parole de Dieu en personne. En l'annonçant, les apôtres conduisent à la rencontre avec Jésus.

Parce que le monde est dominé par les puissances du Mal, cette prédication est aussi une lutte menée contre elles. L'essentiel pour les envoyés de Jésus, c'est, à sa suite, d'exorciser le monde afin de fonder dans l'Esprit-Saint une nouvelle forme de vie qui sauve des possessions. Comme l'a bien montré Henri de Lubac, le monde antique a effectivement vécu l'irruption de la foi chrétienne comme une libération de la peur des démons, une peur qui, malgré le scepticisme et l'illuminisme, dominait tout et la même chose se produit aussi aujourd'hui partout où le christianisme prend la place des anciennes religions tribales, dont il assimile les aspects positifs tout en les transformant. On sent toute la puissance de cette irruption lorsque Paul dit :

Il n'y a pas de dieu sauf le Dieu unique. Bien qu'il y ait en effet, au ciel et sur la terre, des êtres qu'on appelle des dieux — et il y a une quantité de "dieux" et de "seigneurs" — pour nous, en tout cas, il n'y a qu'un seul Dieu, le Père, de qui tout vient et vers qui nous allons ; et il n'y a qu'un seul Seigneur, Jésus Christ, par qui tout existe et par qui nous existons (1 Go 8, 4-6).

Ces paroles recèlent un pouvoir libérateur, elles sont le grand exorcisme qui purifie le monde. Quel que soit le nombre des dieux qui ont pu se promener de par le monde, il n'y a qu'un seul Dieu et qu'un seul Seigneur. Si nous lui appartenons, le reste n'a plus aucun pouvoir et perd son aura divine.

Le monde se présente alors dans sa rationalité, il provient de la Raison éternelle, et seule cette Raison créatrice consti¬tue le vrai pouvoir sur le monde et dans le monde. Seule la foi en un Dieu unique libère et rationalise réellement le monde. Quand la foi disparaît, la rationalité accrue du monde n'est qu'une apparence. En réalité, ce sont alors les forces du hasard qu'il faut reconnaître, et elles ne peuvent être déterminées. La théorie du chaos vient se greffer sur la connaissance de la structure rationnelle du monde et place l'homme devant des obscurités qu'il ne peut dissiper et qui assignent ses limites au côté rationnel du monde. Exorciser , placer le monde dans la lumière de la ratio qui provient de l'éternelle Raison créatrice et de sa bonté qui guérit tout en renvoyant à elle, telle est la tâche permanente et fondamentale des messagers de Jésus Christ.

Dans sa Lettre aux Ephésiens, saint Paul a décrit sous un autre aspect le pouvoir d'exorciser qui est le propre du christianisme :

Puisez votre énergie dans le Seigneur et dans la vigueur de sa force. Revêtez l'équipement de Dieu pour le combat, afin de pouvoir tenir contre les manœuvres du démon. Car nous ne luttons pas contre des hommes de chair et de sang, mais contre les forces invisibles, les puis¬sances des ténèbres qui dominent le monde, les esprits du mal qui sont au-dessus de nous (Ep 6, 10-12).

Voici comment Heinrich Schlier a expliqué cette représentation du combat des chrétiens que nous trouvons étonnante ou même déconcertante aujourd'hui :

Les ennemis ne sont pas un tel ou un tel, ils ne sont pas moi non plus, ils ne sont pas de chair et de sang [...]. L'affrontement va plus profond. On livre combat contre une armée d'adversaires qui attaquent sans répit, sont quasiment insaisissables, n'ont pas véritablement de nom, mais seulement des appellations collectives. Ils dominent aussi d'emblée les hommes puisqu'ils se situent "dans les cieux" de l'existence, ils les dominent aussi par le caractère impénétrable de cette posi¬tion et par le fait qu'ils sont inattaquables puisqu'ils logent dans "l'atmosphère" existentielle qu'ils répandent eux-mêmes autour d'eux comme ils l'entendent, eux qui finale¬ment sont tous foncièrement mauvais et mortifères.

Comment ne pas voir là justement une description de notre monde dans lequel le chrétien est menacé par une atmosphère anonyme, par l'air du temps , qui lui fait apparaître la foi comme ridicule et absurde ? Et comment ne pas voir qu'existe dans le monde entier un climat spirituel vicié qui menace l'humanité dans sa dignité, voire dans sa survie ? L'individu, et même les communautés humaines, semblent livrés sans espoir à l'action de telles forces. Le chrétien sait que par lui-même, il ne pourra maîtriser cette menace. Mais dans la foi, dans la communion avec le seul véritable Seigneur du monde, lui est déjà donné l'équipement de Dieu grâce auquel, dans la communion avec le corps tout entier du Christ, il pourra s'opposer à ces forces. Car il sait que dans la foi, le Seigneur nous restitue le souffle pur, le souffle de l'Esprit Saint qui seul apporte au monde la guérison.

Joseph Ratzinger-Benoît XVI

Jésus de Nazareth

Flammarion, mai 2007, 427 p., 21,38 €

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