Nos coups de coeur

Mgr Elio Sgreccia,Manuel de bioéthique,Mame/Edifa, 2004, 868 p., 30 €

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  • Auteur : Mgr Elio Sgreccia
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L'EDITION pour la France du Manuel de bioéthique de Mgr Elio Sgreccia était attendue avec impatience. Ce précieux volume nous arrive enfin d'Italie comme un bienfait – à l'instar de beaucoup de belles et grandes œuvres - à un moment qui est triplement symbolique.

 

 

 

1 - En 2004, dix ans après la loi de 1994, la France renouvelle sa législation dite bioéthique.

 

 

 

Or cette législation non seulement confirme les transgressions de 1994 - pour l'essentiel la fécondation in vitro et le tri d'embryons humains - mais elle en autorise surtout de nouvelles autour de l'expérimentation sur les embryons humains. Transgressions qui s'avèrent d'autant plus graves qu'elles ne répondent à aucune nécessité de recherche ni fondamentale, ni clinique, ni thérapeutique et qu'elles réduisent concrètement l'embryon à l'état d'objet, dépendant des fantasmes du scientisme et des intérêts du marché. L'embryon devient tout simplement un produit de laboratoire plus économique que l'animal. En quelques années, la fonction régulatrice de la loi de bioéthique a donc fait la preuve de son inefficacité. Alors que la loi devait théoriquement " encadrer les dérives ", en pratique c'est la loi qui a " dérivé avec le cadre " qu'elle avait prétendu fixer… Rien, hormis des considérations purement contingentes, ne devrait par conséquent s'opposer à ce que la prochaine étape soit celle de l'autorisation du clonage humain, par exemple.

 

La plupart des responsables politiques, des scientifiques et des médias agissent ou s'expriment sous l'empire du relativisme éthique et du positivisme juridique : " Ce qui est légal est devenu moral ". Il suffit de changer la règle pour être en règle. A cette perte des repères de la raison s'ajoute l'onctuosité d'une compassion dévoyée qui rend désormais souhaitables, pour l'opinion publique, des choix jadis considérés comme criminels : " Pourquoi s'opposer au sacrifice d'embryons humains vivants si cela permet de sauver des vies ? "

 

Dans un contexte législatif aussi déprimé, il ne fait aucun doute que le Manuel de bioéthique peut opportunément contribuer à refonder les bases d'une réflexion philosophique salutaire.

 

2 - En 2004, on célèbre aussi le dixième anniversaire de l'Académie pontificale pour la Vie instituée en 1994 par le Pape Jean-Paul II dans le but " d'étudier, d'informer et de donner une formation en qui concerne les principaux problèmes de la bio-médecine et du droit, surtout dans le rapport direct qu'ils entretiennent avec la morale chrétienne et les directives du Magistère de l'Eglise " (1).

 

Faut-il rappeler que cette jeune institution – constituée de philosophes, de scientifiques, de juristes du monde entier et vice présidée par Mgr Elio Sgreccia, l'auteur du Manuel de bioéthique - a été la première et la plus prompte à délivrer, au plan international, des analyses pertinentes sur les questions du clonage humain et de l'utilisation des cellules souches embryonnaires humaines, pour ne citer que ses travaux les plus médiatiques ? Mais faut-il rappeler en même temps à quel point la richesse de l'enseignement de l'Eglise catholique sur les problèmes de la bio-médecine, qui a été si bien mise en valeur par Jean-Paul II dans l'encyclique l'Evangile de la Vie du 25 mars 1995, reste injustement méconnue d'une grande partie de l'opinion publique et même des croyants ?

 

Or le désinvestissement intellectuel de nos concitoyens, et surtout des chrétiens, sur les questions qui touchent au respect de la vie, a quelque chose de tragique pour la démocratie ; il contribue à laisser s'enliser les débats bioéthiques de nos doctes assemblées qui, faute de mesurer la dimension ontologique des enjeux, finissent en général par trancher héroïquement dans des directions neutres, préparant ainsi la politique du pire.

 

Au contraire, la métaphysique et l'anthropologie solides dont le Manuel de bioéthique propose de nourrir les lecteurs de bonne volonté permettent d'envisager sans la moindre appréhension tous les développements d'une science qui resterait au service de l'homme.

 

3 – En 2004, enfin, on commémore le dixième anniversaire du retour à Dieu du professeur Jérôme Lejeune.

 

Cet événement établit un lien entre les deux précédents parce que Jérôme Lejeune est sans doute le scientifique de renommée internationale qui a porté au plus haut degré l'alliance réussie de la biologie et de l'éthique que suggère le mot de bio-éthique. " Comment pourrait-il y avoir contradiction entre le vrai et le vérifié ? C'est toujours le second qui tarde ", aimait-il répéter. L'immense généticien qu'il était devenu après sa découverte de la trisomie 21 en 1958 avait vécu dans sa chair les ajustements douloureux des plaques tectoniques de la science et de la morale. Sommé d'accepter qu'on organise la sélection, puis l'élimination, de ces enfants handicapés mentaux dont il avait enfin compris la maladie après des siècles d'obscurantisme, de ces enfants qu'il tenait plus que tout à guérir, Jérôme Lejeune est celui qui a dit non. Aux membres de son équipe, il avait annoncé : " On va utiliser notre découverte pour supprimer nos malades. Si je ne les défends pas, je les trahis, je renonce à ce que je suis devenu de fait : leur avocat naturel. Que cette négation de toute la médecine, de toute la fraternité biologique qui lie les hommes soit la seule application pratique actuelle de la connaissance de la trisomie 21 est plus qu'un crève-cœur. "

 

Dix ans plus tard, à l'heure de l'eugénisme triomphant, aseptisé et consensuel, on comprend pourquoi Jean-Paul II, en 1994, avait choisi de nommer le professeur Lejeune comme premier président de la toute nouvelle Académie pontificale pour la Vie.

 

Le Manuel de bioéthique de Mgr Elio Sgreccia porte en creux l'empreinte de celui, disparu trop tôt, que Jean-Paul II a proposé comme " source de force spirituelle pour l'Eglise à Paris, pour l'Eglise en France et pour nous tous à qui le professeur Lejeune a laissé le témoignage véritablement éclatant de sa vie comme homme et comme chrétien […]. Il est clair que, dans la situation actuelle du monde, cette forme d'apostolat des laïcs est particulièrement nécessaire " (2).

 

Alors, si la Fondation Jérôme-Lejeune, qui poursuit avec enthousiasme l'œuvre scientifique, médicale et éthique de son fondateur, peut contribuer à donner au Manuel de bioéthique la destinée française qu'il mérite et dont notre pays à tant besoin, c'est à ses amis nombreux, fidèles, généreux et exigeants qu'elle le doit. Qu'ils trouvent ici l'expression de notre profonde reconnaissance et de notre entier dévouement au service des plus déshérités.

 

Jean-Marie Le Méné,

Président de la Fondation Jérôme-Lejeune,

membre correspondant de l'Académie pontificale pour la Vie.

 

 

 

(1) Motu proprio Vitae mysterium (11 février 1994), n.4.

(2) Lettre au cardinal Jean-Marie Lustiger, archevêque de Paris, 4 avril 1994.