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Pourquoi le christianisme fait scandale

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Pourquoi le christianisme fait scandale
  • Auteur : Jean-Pierre Denis
  • Editeur : Seuil
  • Année : 2009
  • Nombre de pages : 340
  • Prix : 21,00 €

Il y a de la colère, de l'érudition, de la conviction et, aussi, beaucoup de foi dans cet essai. L'auteur, directeur de la rédaction de l'hebdomadaire La Vie (groupe Le Monde), signe un manifeste dense qui trouve une résonance particulière dans l'actualité. Convaincu que le christianisme représente aujourd'hui une  contre-culture  agissante, il revendique pour les chrétiens le droit de parler haut.

L'actualité conforte la thèse de l'auteur.  Citoyen critique  sans être  ennemi de la République , le chrétien se doit d'être un  objecteur de conscience . Loin d'une lecture  radicale  de la laïcité que dénonce l'auteur, il revient au croyant de concilier  l'esprit de religion avec l'esprit de liberté . Tour à tour philosophe, historien, théologien, mystique, au risque d'une certaine confusion, l'auteur-journaliste retrace le lent affaiblissement du christianisme, l'inexorable sécularisation des sociétés occidentales et le passage dans la postmodernité. Jean-Pierre Denis puise dans cette évolution la source de son optimisme, se démarquant de ces croyants inquiets de voir  leur  monde s'évaporer.

Devenue la norme des sociétés occidentales, la contre-culture des années soixante a renvoyé aux marges la culture chrétienne, jusqu'alors dominante. Or  cette culture qui a rejeté le christianisme à sa périphérie semble elle-même en cours d'implosion . D'où le créneau de nouveau largement ouvert pour le message chrétien sur ces  champs de ruines .  Ce qui a atteint [le christianisme] ne l'a pas détruit, plutôt affaibli comme une maladie point mortelle, et obligé à se ressaisir, enrichi d'une expérience qui est une forme de résilience culturelle.  Pour Denis, les causes de la crise de la Modernité sont à chercher dans ce renversement qui s'inscrit dans la longue durée. En reléguant le christianisme dans ses marges, en le  déréférençant  – ce vocabulaire de chef de rayon n'est pas fortuit –, l'Occident ruine les bases de sa propre culture.

Parcourant les champs de l'art, de la mode, de la famille, de l'école, du droit, il dresse un tableau sans complaisance de la culture postchrétienne et de ses paradoxes, qui après avoir repoussé la foi se passionne pour l'irrationnel, sacrifie aux idoles de la consommation et du divertissement, se rend plus prompte à défendre le droit de mourir que la liberté de vivre. Ce diagnostic sévère est moins une condamnation d'une société  en cours d'implosion  qu'un appel adressé à un monde inconscient de son propre écroulement, mais qui peut encore se ressaisir.

Aujourd'hui, l'authentique contre-culture, c'est le christianisme ! Celui-ci  apparaît non seulement comme l'une des seules instances critiques (la seule ?) mais aussi comme l'une des seules forces (la seule) à porter le souci d'une réunification de notre culture .  La contre-culture chrétienne reste la seule à pouvoir formuler une critique synthétique des dérives d'une civilisation qui privilégie systématiquement les biens payants plutôt que les liens gratuits, la consommation plutôt que la contemplation, et la prédation plutôt que la préservation, et ce de la conception de l'homme aux frontières du cosmos. 

Aux  vérités molles et bavardes  de notre temps, marqué par le relativisme, l'individualisme ou le matérialisme dénoncés de manière récurrente et percutante par le pape Benoît XVI et son prédécesseur, l'auteur oppose le  Verbe  du christianisme. Reprenant la dernière encyclique du pape sur la doctrine sociale, il met en avant la gratuité. Il faut redire l'importance du don contre la tyrannie du marché; prôner une  chasteté d'objection  contre la  normalisation du sexe  ; risquer une parole dans le débat public pour marquer son opposition à une privatisation de Dieu. L'auteur assure que sur de tels sujets l'Église catholique est aux  avant-postes .

Paradoxalement, sa marginalisation devient alors une chance pour la foi. Il lui faut consentir à cet  abaissement , qui a une tonalité pascale. Dépouillé, il n'a plus rien à perdre, et peut revenir à ses fondamentaux et redécouvrir la foi qui a tant marqué les premiers siècles de l'Église. L'auteur est convaincu que la foi recèle un potentiel critique qui fait des chrétiens des êtres plus  éveillés  que la moyenne des hommes, et de là vient leur responsabilité. Il est urgent de redécouvrir le caractère contre-culturel du christianisme. Il ne faut pas oublier que le christianisme est aussi une force de propositions portées par des communautés, et d'initiatives qui s'incarnent dans des œuvres et des institutions et qui témoignent de la joie de croire et de ce que la foi rend possible de faire.

Jean Voisin

 

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