Les récents scandales en maisons de retraite et autres EPHAD ont montré les limites d'un système de gestion de la dépendance. La gestion par des groupes privés cotés en bourse et en même temps sous perfusion étatique est un échec. Au-delà de la caste qui a mené à ce scandale et au-delà des responsabilités privées et publiques, la question de l'assistance aux anciens et aux plus vulnérables doit être posée.

Une bataille sémantique

"La chaleur fait souffrir les séniors". C'est ainsi que France Info évoque la canicule. Un traitement assorti des recommandations habituelles : "arrosez-les", "mettez-les au frais"… En somme, gérez les anciens comme un champ de légumes ou un produit surgelé. Derrière ces articles abêtissants se cache une guerre des mots.

Le terme "marketing "seniors" vient ainsi donner une coloration marchande à un segment d'âge et désigne parfois faussement ceux qui sont en réalité des "vieux", des "vétérans" ou tout simplement des "anciens". On prend soin de ne pas dire qu'ils sont vieux, parfois faibles et vulnérables, mais on prend moins de pincettes pour les jeter dans des prisons gériatriques où ils sont contraints d'ingérer de la nourriture abominable et sont parfois traités avec mépris. Il ne s'agit pas de généraliser ces cas à l'ensemble des EPHAD ou des institutions pour personnes âgées ; cependant, le livre Les fossoyeurs du journaliste Victor Castanet a jeté un pavé dans la marre et soulève un problème grave déjà évoqué à travers de multiples affaires de maltraitance par le passé. Il s'agit donc de nommer les choses par leur nom mais aussi de comprendre les causes du malaise et d'assumer ses responsabilités.

 

Guerre générationnelle ou lutte pour la dignité

Les scandales des EPHAD ont en effet permis de critiquer des systèmes iniques dans lesquels les dirigeants politiques ont largement pris leur part directement et indirectement. L'arrivée du très "Macron-compatible" Guillaume Pépy à la tête d'Orpea devrait permettre de poursuivre dans cette voie. Reste que se décharger sur les ordures d'en haut est souvent bien pratique et permet à chacun de fuir ses responsabilités. En effet, l'abandon des anciens est aussi l'affaire de leurs enfants et petits-enfants qui n'entendent pas assumer la charge de leurs ascendants et qui se contentent parfois de dénoncer les conditions déplorables de vie de parents qu'ils ne prennent pas la peine de visiter.

Les changements de mode de vie ont certes pesé dans l'évolution des rapports aux anciens (espérance de vie, mobilité professionnelle, divorce, prix de l'immobilier dans les grandes villes, travail des femmes) mais ils n'expliquent pas tout. Certains verront dans cet abandon des anciens le revers de la médaille pour une génération qui a méprisé le plus faible et qui a largement profité de l'insouciance des Trente Glorieuses. Que ce soit vrai ou pas, cela ne change pas grand chose : nous sommes ce que nous faisons, pas ce que nous critiquons ou théorisons (cela vaut aussi pour les éditorialistes). Alors que le quinquennat Macron 2 devrait être celui de la légalisation de l'euthanasie, la meilleure réponse à cette culture sociétale déviante est celle de la dignité dans l'action : prendre soin de nos anciens et créer les meilleures conditions de vie possibles pour nos personnes âgées.