9 mois de procès… Que voilà une interminable gestation. Le procès des attentats du 13 novembre 2015 qui vient de s’ouvrir est annoncé comme le procès du siècle, avec des chiffres tous aussi vertigineux les uns que les autres, qui font les joies des pigistes dans les rédactions : 1765 parties civiles, un dossier d’instruction de 542 tomes soit un million de pages, 10 salles de retransmission télévisée, 330 avocats présents au procès...

On se rappellera, à toutes fins utiles, que le procès de Klaus Barbie, l’un des plus célèbres criminels nazis, premier procès tenu en France pour crime contre l’humanité, avec certains enjeux, n’avait duré que 2 mois, et que le procès de Nuremberg, pour sa part, n’a jamais duré « que » 10 mois.

Et malgré cette ampleur, plutôt cette démesure, il y a fort à craindre que de tout cela ne sorte rien ou pas grand-chose. Pourquoi ? Parce que l’on se refuse, d’emblée, à regarder en face les vraies responsabilités.

Le procès s’est ouvert par une déclaration fracassante du principal prévenu sur le banc des accusés, Salah Abdeslam : « tout d’abord, je tiens à dire qu’il n’y a point de divinité à part Allah et Mohamed est son serviteur ». Un murmure a alors parcouru les rangs. Comment ose-t-il ? Il « ose », tout simplement, parce que c’est un musulman croyant. Ce détail semble avoir échappé à l’assistance comme aux médias. Devant l’audience, il fait, tout simplement, sa profession de foi, dans les termes exacts préconisés par sa religion. Quoi de plus normal de la part d’un homme qui se pense comme un combattant de la foi, et qui s’engage fidèlement sur les traces de son prophète ?

L’incompréhension et l’indignation ont accueilli cette déclaration, pour une raison bien simple qui est que depuis des années, la presse comme la classe politique s’obstinent à considérer que les terroristes, les djihadistes, n’agissent pas pour des motifs religieux, mais pour des causes floues et mal déterminées, dont la plus évidente serait le déséquilibre psychologique, quand ce n’est pas la révolte individuelle ou l’immaturité affective. Notre société ultra-sécularisée considère que la foi est une maladie, et les catholiques sont bien placés pour le savoir, eux qui sont jugés dangereux dès lors qu’ils veulent pratiquer leur religion et mettre en cohérence leur vie et leur credo.

La réaction de l’opinion aux premiers mots de Salah Abdeslam nous renseigne donc sur le gigantesque malentendu qui préside à ce procès. L’islam n’a rien à voir avec les atrocités qui ont été commises au Bataclan et sur les terrasses parisiennes, il n’y a rien de religieux dans tout cela, va-t-on nous seriner pendant neuf mois. On se demande bien dans ces conditions quelles sont en fait les motivations des meurtriers qui sont passés à l’acte. Si l’on écarte la question de la foi, il faudra bien plus de neuf mois pour y comprendre quelque chose. Un rescapé du Bataclan, Arthur Dénouveaux, a monté une association, Life for Paris. Outre le fait qu’une association à la mémoire d’un Paris meurtri aurait peut-être mérité un nom en français, il est intéressant d’écouter les motivations du jeune homme : dans une vidéo, il explique que les terroristes ont essayé de détruire la joie de se promener dans la rue (sans masque), ou le tourisme. Quelle illusion ! Les terroristes ont agi au nom d’un programme politico-religieux, comme soldats d’Allah, pour abattre une civilisation antagoniste, la civilisation européenne aux racines chrétiennes. Si nous n’acceptons pas de reconnaître cela, le procès ne servira strictement à rien.

Constance Prazel