Lettre ouverte à mes amis qui pensent que nous ne sommes pas en dictature.

"Chers amis,

Lorsque nous avons partagé un verre en terrasse il y a quelques jours – le dernier, peut-être, avant un long moment puisqu’à compter de la mise en place du passe sanitaire, je ferai désormais partie des « intouchables » qui, n’entendant pas devoir exhiber un code informatique au moindre verre de pastis impromptu, préfèreront les apéritifs à domicile, le ton de la discussion est monté au motif que « j’exagérais », et que non, trois fois non, la France d’Emmanuel Macron n’était pas la dictature que quelques hurluberlus anti-vaccins s’acharnent à dénoncer avec une certaine dose, non d’ARN messager, mais de mauvaise foi.

L’objection s’entend aisément. Pour vous, le terme dictature doit nécessairement s’accompagner d’un certain nombre de signes visuels clairs et objectivables : des uniformes, pourquoi pas du pas de l’oie, un emblème aussi clairement identifiable que la double croix d’Adénoïde Hynkel, et évidemment, une petite moustache carrée sur le visage du maître suprême. Si ces signes ne sont pas rassemblés, il est indu de parler de dictature. Ce serait clairement malvenu, exagéré, pour ne pas dire inconvenant. Quelques anti-vaxx un peu échauffés ont osé parler d’étoile jaune. Scandale ! De tels rapprochements ne peuvent se concevoir. On peut se rappeler avec nostalgie le bon vieux slogan « CRS = SS » de sa jeunesse, comparer Trump à Hitler, exhiber à tout bout de champ « les heures les plus sombres de notre histoire » dès que l’on parle de réguler l’immigration, mais cela n’a rien à voir : quand c’est pour la bonne cause, les symboles forts ne sont jamais galvaudés.

La France d’Emmanuel Macron n’est pas une dictature, soutenez-vous, car nous pouvons dormir tranquilles.  Dans la France de 2021, nous pouvons encore faire et dire ce que bon nous semble sans être inquiétés, me rétorquez-vous. C’est là que nos avis divergent. Sans risquer sa vie ni risquer le peloton d’exécution ou le camp de concentration, peut-être : ce sont là, pour vous, les critères ultimes d’une vraie « dictature ». Mais c’est précisément parce que le châtiment suprême n’est apparemment pas là que vous vous égarez. La dictature contemporaine n’a pas pour obligation de reproduire à l’identique les formes des oppressions passées : cela ne l’empêche pas d’exister. Avant nous, Tocqueville, Jean-Paul II l’ont théorisé bien mieux que nous en parlant de tyrannie douce et de totalitarisme sournois.

Notre discussion en terrasse ne s’était pas sitôt achevée que se sont enchaînés, ces derniers jours, des faits pour le moins troublants. A la suite d’un long entretien accordé à Nicolas Dupont-Aignan, la chaîne YouTube de réinformation TV Libertés s’est vue censurée… pour la énième fois. Il ne s’agissait pourtant pas de donner la parole à un agité du bulbe ou un apprenti terroriste, mais d’accorder un entretien à un candidat déclaré pour la prochaine élection présidentielle, mais qui a le malheur de manifester avec fermeté sa désapprobation à l’encontre de la politique sanitaire menée par le gouvernement.

Mais ce n’est pas tout. Quelques jours plus tard, le média Livre noir, spécialisé dans les entretiens au long cours de personnalités variés, révélait le « shadow-ban » dont il était la victime depuis le 28 juillet : la vidéo de l’entretien accordé à la chaîne par Eric Zemmour, qui avait dépassé le cap de 800 000 vues, avait été purement et simplement déréférencée, entraînant un effondrement du visionnage. Si vous ne possédiez pas le lien d’origine, il vous était strictement impossible de retrouver ledit entretien dans le moteur de recherche de YouTube. Le scandale était manifeste, et fort heureusement, la mobilisation a fini par payer : le référencement a été rétabli.

Dans le même temps, sur Facebook, les groupes qui partagent leur expérience sur le vaccin – sans parler de le contester, tout simplement des groupes qui s’interrogent – font l’objet de censures répétées, quasi quotidiennes. Posts supprimés, comptes bloqués, groupes dissous arbitrairement : il n’est tout simplement plus possible de commenter l’actualité sur ces plateformes aux mains des GAFA, devenus les serviteurs perfides du pouvoir en place.

Et que penser enfin, de la suppression de la chaîne YouTube de l’avocat Me Fabrice DiVizio, la veille de l’examen du projet de loi sanitaire par le Conseil Constitutionnel, lui qui venait d’y déposer un volumineux recours ? YouTube censure, et s’apprête à lancer une campagne de communication sur le vaccin en partenariat avec le gouvernement. Si le terme de dictature paraît disproportionné, celui de propagande sera peut-être plus adapté ?

Que se passera-t-il quand la campagne présidentielle sera bel et bien lancée ? Les tout-puissants réseaux sociaux associés aux médias officiels donneront la parole aux candidats qu’ils auront autorisés. Les autres seront invisibles et inaudibles, faussant ainsi pour des millions de gens l’accès à l’information que ces mêmes réseaux s’étaient pourtant promis – hypocritement – de démocratiser. Il faut en avoir conscience : la campagne présidentielle pourrait bien nous être volée, comme elle le fut, en 2017, pour d’autres raisons, comme elle le fut, aussi, aux Etats-Unis, par l’intermédiaire de l’incroyable parti pris des réseaux et des médias contre le candidat Donald Trump à maintes reprises privé de moyens d’expression jusqu’à en être définitivement banni.

Si nous avions besoin d’une preuve supplémentaire, la décision rendue hier par le Conseil Constitutionnel de valider le pass sanitaire dans quasiment toutes ses dispositions en est une. Seules les saisines de députés et de sénateurs, assez indigentes, ont été examinées. L’institution censée être un garde-fou aux foucades du pouvoir en place est une mascarade.

Non, braves gens, chers amis, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de barbelés et de pyjamas rayés qu’il est indu de parler de dictature. La meilleure preuve est qu’Emmanuel Macron n’a rien trouvé de mieux pour discréditer ses adversaires que de les accuser de « mettre en danger la démocratie ». « Qui se sent morveux, qu’il se mouche », nous aurait dit Molière.

Sur ces bonnes paroles, je m'en vais lever mon verre à la santé de la France, qui en a bien besoin !"

Constance Prazel